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ARGIOLAS Paulette [née TASSY Paulette, Louise, Valentine]

  • Renaud Poulain-Argiolas
  • 14 nov. 2023
  • 17 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Née le 31 juillet 1931 à Peynier (Bouches-du-Rhône), morte le 7 mars 2021 à Miramas (Bouches-du-Rhône) ; femme au foyer ; responsable des Vaillants et Vaillantes de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) ; militante de l'Union des Jeunes filles de France (UJFF) de Port-de-Bouc ; militante communiste des Bouches-du-Rhône (Port-de-Bouc, Istres, Miramas) et de Montélimar (Drôme), membre du comité de section de Port-de-Bouc puis de celui de Miramas ; militante de l’Union des Femmes françaises (UFF) de Miramas ; militante mutualiste et associative.


Paulette Argiolas à la fin des années 1980
Paulette Argiolas à la fin des années 1980

Paulette Tassy était la fille de Marius Tassy, né à Marseille, qui fut cheminot à la compagnie PLM à Miramas puis à Port-de-Bouc. Membre de la CGT en 1936, il était fiché par la police comme communiste pendant l’Occupation. Il participa à un triangle de résistance cheminote à Caronte (Martigues) avant de reprendre ses activités syndicales et politiques dans la légalité après la guerre. La mère de Paulette, née Juliette Marsiglia, était native d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), issue d'une famille de bouchers et non militante. Bien que le couple Tassy vécût à Miramas, Paulette vit le jour à Peynier chez Pauline Bourges, sa grand-mère maternelle.


Marius Tassy sympathisa avec les oncles de leur propriétaire de Miramas, les frères Gavaudan [vraisemblablement des parents d'Édouard Gavaudan, un des premiers élus communistes locaux]. Après son travail de cheminot, il les aidait à faire les foins dans leur champ, à l'emplacement actuel du stade Méano. Paulette, enfant, accompagnait son père sur une charrette tirée par un âne. Miramas était alors une commune rurale où l'activité industrielle se concentrait autour de la gare. Dans les souvenirs qu’elle rédigea en 2000, Paulette Argiolas évoquait des éléments qui aiguisèrent son regard social et son attachement à ses racines. Ses parents, qui connaissaient peu de monde à Miramas, se lièrent d'abord avec les ruraux originaires de Peynier. L'été, la famille partait en vacances chez la grand-mère Bourges, qui faisait quatre kilomètres à pied pour les attendre à la gare, en poussant une brouette pour porter leurs bagages. Une vie humble sur fond de travaux des champs pour les hommes, de lessive faite à genoux au lavoir pour les femmes, de linge étendu dans le pré et, pour l'enfant, de jeux insouciants avec ses cousines.

Les grèves eurent une influence notable sur elle. C’était des moments de joie, car son père cheminot, souvent gréviste entre 1936 et 1938, la dispensait alors d’aller à l’école. Elle s’imprégna des conflits entre visions du monde divergentes, assistant aux querelles entre son père, militant actif, et sa tante, religieuse, concernant l’ordre social et ses possibilités de changements. La déclaration de guerre de septembre 1939 tomba comme un coup de tonnerre. Marius Tassy fut mobilisé pendant six mois en 1940. Paulette vécut durant cette période avec sa mère, son petit frère Yves, né en 1937, et leur grand-mère à Peynier. Il semble que la compagnie de chemins de fer aurait mis le cheminot à l’index, car en mai 1940 elle demanda à Juliette Tassy de renvoyer des permis de transport qui lui permettaient à elle et ses enfants de voyager gratuitement sur le réseau ferré. L’épouse Tassy refusa. Quelques temps plus tard PLM (devenue officiellement SNCF) envoya cinq hommes de la police ferroviaire, "la Cinquième", pour fouiller la maison en se faisant passer pour des assureurs. Marius Tassy était suspecté d’avoir volé la moitié d’une locomotive, un grief aux airs de grossier mensonge. Les hommes ne trouvèrent rien. D’après sa fille, le vrai motif de la perquisition aurait été l’appartenance connue du cheminot à la CGT avant la guerre. En réalité, il était surveillé par la Police spéciale de Vichy pour ses idées communistes.


L’expérience d’une communion voulue par Juliette Tassy, la mère de Paulette, en juin 1942, où l’enfant eût à subir les punitions humiliantes de la responsable catholique, éloigna définitivement cette dernière de la religion. En août de la même année, la famille emménagea à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), car le travail de Marius Tassy lui donnait droit à un logement aux cités SNCF, un lieu de vie plus confortable accompagné d’un grand jardin où il cultiva un potager. À partir de novembre, moment où l’armée allemande franchit la ligne de démarcation, Paulette fut régulièrement effrayée à la vue des soldats allemands qu’elle croisait dans le train, jetant leurs bagages dans le couloir, avec leurs armes et leurs gros fusils-mitrailleurs. Elle avait douze ans. L’occupant exigea l’évacuation des enfants, la mère et les enfants Tassy s’installèrent chez la grand-mère Bourges à Fuveau, où cette dernière avait emménagé suite au décès de son mari. Le 18 août 1944, jour de la libération du village, Paulette marcha plusieurs kilomètres avec sa mère et son frère jusqu’à la Nationale 7 pour voir passer les troupes de libération qui se dirigeaient vers Marseille. Son oncle Étienne Marsiglia, qui avait rejoint un groupe de FFI, envoya le frère de Paulette chercher quelque chose dans le grenier. L’enfant mit la main sur un détonateur. Paulette eut tout juste le temps d’emporter son petit frère, qui ne fut que légèrement blessé par l’explosion.


Vente de masse de Filles de France à Port-de-Bouc, 1947. Paulette Tassy est au fond à gauche, Pascaline Argiolas au 1er rang à gauche.
Vente de masse de Filles de France à Port-de-Bouc, 1947. Paulette Tassy est au fond à gauche, Pascaline Argiolas au 1er rang à gauche.

À la fin de la guerre, la famille retrouva son foyer de Port-de-Bouc. Paulette était payée à la tâche pour enfiler des perles pour une entreprise de fleurs et couronnes mortuaires. Bien qu'elle voulût devenir coiffeuse, sa mère la mit au centre d'apprentissage André Agaultier pour qu’elle apprenne la couture comme elle. Elle fit la connaissance de Sophie Trunfio (nièce du résistant Filippo Pappatico), avec qui elle restera amie toute sa vie. Paulette Tassy baignait dans les discussions des militants qui fréquentaient son domicile familial, comme Charles Scarpelli, ancien responsable du PCF clandestin, César Cauvin et Carrière, membres du triangle auquel Marius Tassy avait appartenu, ou encore « Zé » Nunez. Elle fréquenta le cinéma les Variétés, dans lequel avaient lieu des débats politiques passionnés animés par Clément Mille, qui se prolongeaient souvent en longues discussions sur le trottoir. C'est son père qui lui fit découvrir Filles de France, le journal de l'Union des Jeunes Filles de France (UJFF). L’organisation se battait pour l’égalité d’accès des filles de milieu ouvrier au travail, à l’instruction, au sport, aux loisirs et aux vacances. Prenant contact avec la publication, Paulette Tassy rencontra Pascaline Argiolas, responsable d'un cercle de l'UJFF à Port-de-Bouc, et intégra le groupe vers 1947. Elle évoquait dans ses souvenirs les tâches qu'elle devait régulièrement accomplir en tant que militante, comme les cartes d'adhésion à faire remplir et les ventes de masse du journal.


IIe congrès de l'UJRF à Lyon, 1948. De gauche à droite : Antoine Santoru, Paulette Tassy, Jean-Marie Argiolas.
IIe congrès de l'UJRF à Lyon, 1948. De gauche à droite : Antoine Santoru, Paulette Tassy, Jean-Marie Argiolas.

À l'UJRF (Union des jeunesses républicaines de France), elle rencontra Paul Argiolas, frère de Pascaline, qui en était un des responsables locaux, et prit part au groupe artistique qui s'y constitua. Elle proposa de lui donner le nom d'Henri Martin, jeune marin qui avait refusé de faire la guerre d'Indochine. Une pièce de théâtre, "Les Oignons de Mélanie", fut écrite par M. Rambaldi pour les jeunes militants. Le spectacle fut joué dans le cinéma, avec à l'affiche Éliette Palpant, Antoine Bou, Fifi Ros, Antoine Santoru, Henri Jaubert, Henri Pontet et Paulette Tassy. Il fit salle comble. Paulette était chargée des sorties des Vaillants à la campagne, avec notamment Kullia Vittorello.


Du 6 au 9 mai 1948, elle se rendit en tant que déléguée au IIe congrès de l'UJRF à Lyon avec Jean-Marie Argiolas, frère de Paul et Pascaline, et Antoine Santoru. Elle adhéra cette année-là au PCF, le jour de la venue de Jeannette Vermeersch à Port-de-Bouc.

L'année suivante elle siégeait au comité de section de la ville, dans lequel elle côtoya Georges Lazzarino, Armand Guigue, François Caparros, Jean Scarulli, retrouva Charles Scarpelli et plusieurs camarades de l'UJRF et de l'UJFF.


 Femmes de Port-de-Bouc devant l'Union départementale CGT à Marseille lors du soutien aux ouvriers lock-outés. Paulette Argiolas et Pascaline épouse Barsotti sont au centre, de profil.
Femmes de Port-de-Bouc devant l'Union départementale CGT à Marseille lors du soutien aux ouvriers lock-outés. Paulette Argiolas et Pascaline épouse Barsotti sont au centre, de profil.

En 1949, elle s’investit dans le grand mouvement de solidarité avec les ouvriers des Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) lors du lock-out décidé par leur direction. Après quatre mois de bras de fer, celle-ci saisit l'occasion de se débarrasser des leaders syndicaux et politiques comme Paul Argiolas. Le 7 février 1950, Paulette Tassy fut ébranlée par la catastrophe de la rue Albert Rey, où un bac d'acide de l'usine Saint-Gobain, qui avait cédé, noya une rue et tua une femme âgée et les trois fillettes de Delphine Giovannini. Cette expérience la marqua d'autant plus qu'elle dut participer à l’habillage des cercueils avec du tulle. Deux jours après le drame, le cortège rendant hommage aux victimes rassembla environ quinze mille personnes.

Au terme de ses trois années de formation en couture, elle ne trouva pas d'emploi durable, mis à part quelques menus travaux. Elle portait le journal La Marseillaise à domicile et allait faire les encaissements à vélo. Vers 1949, elle prépara avec une camarade un repas pour la venue d'Ambroise Croizat à Port-de-Bouc. Elle avait une grande admiration pour le "Ministre des Travailleurs", mais, intimidée, elle partit avant son arrivée pour éviter de se trouver face à lui. Elle admirait également Danielle Casanova, militante communiste et du droit des femmes.


Du 13 au 20 août 1950, elle participa avec Jean-Marie Argiolas à une Rencontre Internationale de la Jeunesse à Nice, organisée par le Mouvement de la Paix, qui rassemblait de jeunes militants français et italiens pour l'interdiction de l'arme atomique.

En mars 1951, Paulette Tassy et Jean-Marie Argiolas se fiancèrent en présence d'Antoine Santoru et de Fifi Ros. Ils se marièrent en septembre.

Paulette Argiolas relayait la campagne menée par le parti et l’Union des femmes françaises (UFF) en faveur des méthodes d’accouchement sans douleur du Dr Fernand Lamaze, pratiquées à la polyclinique des Bluets de Paris.


Entre 1951 à 1953, le couple Argiolas vécut dix-huit mois à Istres, dans un deux-pièces chez des camarades, Félix et Flora Pizzella. Militants dans la cellule Gabriel Péri, au PCF d’Istres ils côtoyèrent Raymond Blanc. Dans le cadre des campagnes d’opposition à la présence militaire américaine en France menées par le PCF, Paulette Argiolas et Flora Pizzella manifestèrent à Arles contre la création d’une "Base atomic bomb" à Istres. En outre, les militants étaient mobilisés contre la guerre d'Indochine et pour la libération d’Henri Martin et Raymonde Dien. La campagne lancée par le PCF rencontrait un grand succès dans la jeunesse et dans les rangs des intellectuels progressistes.


Rassemblement à Arles contre la présence américaine à la base d’Istres, 1952. Paulette Argiolas est debout à l'extrême gauche, Flora Pizzella est devant, accroupie entre deux enfants.
Rassemblement à Arles contre la présence américaine à la base d’Istres, 1952. Paulette Argiolas est debout à l'extrême gauche, Flora Pizzella est devant, accroupie entre deux enfants.

Enceinte de son premier enfant, Paulette Argiolas ne put pas participer aux cours d’accouchement sans douleur qui avaient lieu à Salon-de-Provence, faute de disposer d’un moyen de locomotion. Elle accoucha en octobre 1952 d'une fille, Brigitte, à la maternité des Chantiers et Ateliers de Provence de Port-de-Bouc, qui avait ouvert quelques mois plus tôt. Les Argiolas emménagèrent en 1954 dans le quartier de la Tranchée à Port-de-Bouc, dans une maison en dur appartenant à Paul Argiolas. L'habitation avait un niveau de confort rudimentaire. Constituée d'une seule pièce, il fallait sortir pour aller chercher de l'eau à la fontaine. La famille retrouva comme voisins Fifi Ros et Antoine Santoru, également mariés et devenus parents. Elle déménagea en février 1956 pour un logement en cité SNCF, boulevard Pierre Semard, que Jean-Marie avait demandé par son travail. En juin, un deuxième enfant, Serge, agrandit la famille.

Yves Tassy, le frère de Paulette, fut mobilisé en 1957 pour la guerre d’Algérie. Elle participa à plusieurs actions de femmes pour exiger la paix en Algérie. Lors de l’hiver 1957, par exemple, elle fit partie des délégations de mères et de femmes de soldats de Martigues et Port-de-Bouc reçues par le conseiller général puis le préfet des Bouches-du-Rhône. Elles apportaient une liste de résolutions pour la paix signée par quatre-vingt-quatre mères de Port-de-Bouc.


Rallye de ballons pour la paix en Algérie. Paulette Argiolas est en haut à droite avec son fils Serge dans les bras. À sa droite, Fifi Domenech tient dans les siens Brigitte, la fille de Paulette.
Rallye de ballons pour la paix en Algérie. Paulette Argiolas est en haut à droite avec son fils Serge dans les bras. À sa droite, Fifi Domenech tient dans les siens Brigitte, la fille de Paulette.

Au cours de l’hiver 1958, elle participa avec l’UFF de Port-de-Bouc à un rallye de ballons pour la paix en Algérie. Bon nombre de ces femmes appartenaient à des familles de militants communistes : Fifi Domenech, sa fille Yvette (future belle-sœur de Paulette), Fifi Santoru, Madame Fancello (belle-mère de la précédente), ainsi que Delphine Giovannini.

En mars 1959, les Argiolas eurent un troisième enfant, Fabien. Quelques mois plus tard, la famille déménagea à Montélimar (Drôme), puis, un an après, à nouveau à Miramas où Jean-Marie était embauché dans le cadre de l’électrification de la ligne SNCF Arles-Miramas-Marseille. Le 14 juillet 1960, ils s’installaient au 6 rue Henri Lang de la Cité Fontlongue, fraîchement construite pour y loger des employés de la SNCF. Ils allaient garder la même adresse pendant soixante ans.


Paulette Argiolas au moment des élections municipales de 1965. Extrait de L'Unité n°3 (journal de la section PCF).
Paulette Argiolas au moment des élections municipales de 1965. Extrait de L'Unité n°3 (journal de la section PCF).

Au PCF de Miramas ils retrouvèrent Raymond Blanc, qui y était devenu secrétaire de section. Les enfants Argiolas fréquentèrent le centre de jeunesse SNCF, puis les colonies de vacances de la SNCF. Le 22 avril 1961, juste après les noces d’Yves Tassy avec Yvette Domenech, le couple Argiolas se rendit au meeting contre les "généraux factieux" d’Alger devant la mairie de Port-de-Bouc.


En mars 1965, le PCF présenta Paulette Argiolas au premier tour des élections municipales à Miramas, sur la liste du menuisier Louis Cote, aux côtés de dix cheminots et de deux autres femmes, Yvonne Astier et Denise Clément. Le parti voulait mettre en avant des candidatures féminines, à la différence des listes menées par André Girard (MRP - SFIO) et par Pierre Tristani (droite) qui ne présentaient qu'une femme. L'instituteur Georges Thorrand, présent sur la liste communiste, sera élu maire de Miramas en 1977. Au 2e tour, la liste Girard, arrivée en 3e position, se retira et des éléments socialistes firent liste commune avec le PCF. Paulette Argiolas, qui avait réalisé le meilleur résultat parmi les femmes communistes au 1er tour, était la seule femme présentée par la nouvelle liste de gauche au 2nd. Ce fut toutefois le médecin UDR Tristani qui l'emporta. Elle fut active dans l'association des parents d'élèves Cornec (FCPE), notamment avec Denise Clément, les deux femmes ayant des enfants nés la même année.


Devant l'Union locale CGT de Miramas avec les syndicalistes René Caramini et Raymond Ferrer, vers 1968.
Devant l'Union locale CGT de Miramas avec les syndicalistes René Caramini et Raymond Ferrer, vers 1968.

En mai-juin 1968, elle était membre avec Denise Clément et Juliette Demory du comité de soutien des femmes de cheminots, qui organisa une manifestation rassemblant de 140 à 150 femmes, chiffre conséquent pour une ville de cette taille. Le cheminot communiste René Caramini filma une courte séquence de manifestation du comité des femmes avec sa caméra Super 8. Cette séquence sera reprise dans le film de la documentariste Virginie Linhardt, La Saga du rail, en 2020.

Les femmes du comité participèrent activement à l’organisation de la soupe populaire lancée par la CGT pour les grévistes privés de salaires. Les hommes allaient dans les fermes environnantes chercher des légumes offerts par les paysans en solidarité avec le mouvement, tandis que les femmes faisaient à manger. Denise Clément était impliquée dans l’organisation et les collectes, Paulette Argiolas dans la distribution. D'après le témoignage de Denise Clément en 2021, tout en ayant des caractères très différents, les deux femmes étaient très complices. D’abord du fait des principes qu’elles partageaient : de la fidélité conjugale à la fidélité au Parti communiste. Sur le plan politique, elles agissaient régulièrement ensemble. De 1963 à 1981-1982, elles diffusèrent des tracts sur toute la zone des cités SNCF (de la coopérative SNCF à la rue Henri Lang), un périmètre important qu’elles couvraient après le repas du soir, quand elles pouvaient se libérer de leurs obligations familiales. Paulette avait préalablement mis à contribution ses enfants pour le pliage des tracts à distribuer.


Fête de l'Humanité, 1970. Paulette Argiolas est la 2e en partant de la gauche.
Fête de l'Humanité, 1970. Paulette Argiolas est la 2e en partant de la gauche.

En mars 1969, Paulette Argiolas fut de celles, toujours avec Denise Clément, qui remirent sur pied un comité de l’UFF à Miramas, le précédent ayant disparu. Celui-ci comptait trente membres la première année. En septembre 1972, Heures claires, la revue de l’association, consacra un article de deux pages au comité de Miramas à l'occasion du congrès national. Les deux amies y étaient mises en avant avec d’autres de leurs camarades, dont Juliette Demory, Mimi Xéridat, Simone Gachon, Dany Juana, Rosette Caramini et Marie-Claire Pédinielli. En juin 1972, le comité local comptait 140 membres. Ses participantes organisaient leurs réunions en double (une la journée pour les ménagères et une autre le soir pour les travailleuses), une kermesse de trois jours lors de la Fête des Mères, une fête pour la « Journée internationale des Femmes », une pour la revue Heures claires ainsi que pour d’autres occasions. Elles tenaient des stands lors des ferrades (fêtes provençales pour le marquage au fer des jeunes taureaux), vendant la revue de l’organisation, des petits travaux faits à la main, du linge et de l’artisanat local qui leur était laissé en dépôt-vente. Cette année-là, l’UFF de Miramas organisa un concours de dessins d’enfants pour la sauvegarde de la nature, une projection de film au profit des enfants du Vietnam et une autre sur l’apartheid en Afrique du Sud. Au nombre des camarades de Paulette Argiolas, on peut citer aussi Yvonne Astier, Renée Cabiac, Suzanne Morard (la mère de Roger Morard), Fernande Reynaud et Mme Bérard. En novembre 1972, Paulette Argiolas était invitée par Ange Colombi, secrétaire fédéral du PCF, à une réunion du Collectif féminin de la commission fédérale des Bouches-du-Rhône.


Selon Denise Clément, en charge des Affaires sociales sous la municipalité de Georges Thorrand, Paulette Argiolas joua un rôle important dans la bataille pour la création du centre de santé mutualiste de Miramas. À la fin des années 1970, la Mutuelle Familiale (affiliée à l'UDMT) avait connu un fort développement, mais ses adhérents locaux devaient parcourir vingt à trente kilomètres jusqu’à Berre-l’Étang ou Port-de-Bouc pour avoir accès à un centre de santé. En 1979, une consultation de la population de grande ampleur fut lancée sous forme de questionnaires adressés aux adhérents de la Mutuelle Familiale et de la Mutuelle des Cheminots. Denise et Paulette étaient dans le noyau dur de militantes et militants qui menèrent cette campagne de longue haleine. La consultation révélant un fort intérêt dans la population, d’autres sondages suivirent, mobilisant toujours plus d’habitants. En 1984, la création du centre fut votée au conseil municipal, sa gestion devant être confiée à l’UDMT (Mutuelle des Travailleurs), et en 1986 l’État donnait son accord et débloquait des fonds. Le projet mobilisa cependant une opposition pugnace, dont celle des médecins libéraux de la commune – qui craignaient de perdre leurs patients – puis du président du Conseil régional de PACA (Jean-Claude Gaudin) – qui interféra auprès de la ministre de la Santé (Michèle Barzach), et du préfet pour interdire l’ouverture du centre après la pose de la première pierre en 1987. Suite à la signature de milliers de télégrammes de soutien et d’une manifestation d’environ cinq cents partisans du projet sur le Vieux Port de Marseille en mars 1988, le centre de santé fut finalement inauguré en décembre.

En décembre 1997, la Fédération des Mutuelles de France remettra à Paulette Argiolas la médaille des Mutuelles de France pour « ses activités et son dévouement à la cause des mutualistes ».


Vente de masse de La Marseillaise à Miramas, 1980. J.-M. Argiolas, Paulette Argiolas, R. Juana, Jeanne Siccardi.
Vente de masse de La Marseillaise à Miramas, 1980. J.-M. Argiolas, Paulette Argiolas, R. Juana, Jeanne Siccardi.

Pendant plusieurs décennies, elle s'impliqua dans l'organisation des fêtes du Parti communiste : les lotos de la section de Miramas, la fête du journal La Marseillaise et la Fête de l'Humanité, pour y animer le stand des Bouches-du-Rhône avec son mari. René Caramini, ami et camarade des Argiolas, filma une séquence d'un quart d'heure avec sa caméra Super 8 dans lequel on la voit cuisiner pour les visiteurs de leur stand en 1970. Cette vidéo se trouve sur le site de Ciné-Archives (fonds audiovisuel du PCF – mouvement ouvrier et démocratique).

Parmi les nombreuses campagnes et manifestations du PCF au cours desquelles elle fut photographiée par La Marseillaise dans les années 1970-1980, on peut mentionner de façon non exhaustive : la « manifestation pour les libertés » du 26 juin 1975 à Miramas, aux côtés de ses camarades Yvonne Astier, Jean Pédinielli et Éliane Vighetti, des collectes de soutien aux peuples libanais et palestiniens, victimes de la guerre, en août 1976, une action de solidarité avec soixante familles du quartier de La Rousse à Miramas, menacées de coupures d'électricité du fait du chômage et des hausses de loyer auxquels elles étaient confrontées... Lors de cette dernière action, elle apparaissait aux côtés de son mari, Juliette Demory, Serge Gallès, Roger Juana et Dany Juana. Les époux Juana étaient des amis intimes des Argiolas en plus d'être des camarades. Ils partirent en vacances ensemble durant plusieurs décennies.


Réintégration des cheminots révoqués, gare de Miramas, 1982. Paulette Argiolas est sur la droite, entourée de Dany Juana (à sa gauche) et de son mari (à sa droite).
Réintégration des cheminots révoqués, gare de Miramas, 1982. Paulette Argiolas est sur la droite, entourée de Dany Juana (à sa gauche) et de son mari (à sa droite).

Le 12 mars 1982, Paulette Argiolas était présente au rassemblement devant la gare de Miramas à l’occasion de la réintégration des cheminots révoqués lors des grèves de 1947, dont Louis Deluy et Jean Ligé, par la loi d’amnistie mise en place par le ministre communiste des Transports Charles Fiterman. Elle y participa avec son époux Jean-Marie et leur petit-fils Renaud.


Manifestation pour la Paix à Marseille, juin 1983. Elle se tient à droite sous la banderole.
Manifestation pour la Paix à Marseille, juin 1983. Elle se tient à droite sous la banderole.

Au printemps 1983, elle manifestait pour la Paix avec son mari à Marseille, dans le cadre de la campagne initiée par l’Appel des 100 contre les fusées Pershing américaines. Ce rassemblement anticipait celui prévu au mois de juin à Vincennes.


Dans les années 1980, elle était trésorière de sa cellule, la cellule Blanc Croizat, issue de la fusion des cellules Isidore Blanc et Ambroise Croizat. Dans les années 1990, elle fut membre du comité de section de Saint-Chamas/Miramas. Probablement à ce titre, elle remit en février 1993 un chèque de 4000 F à Paul Biaggini, directeur général de La Marseillaise au nom des cellules de Miramas, suite à une campagne de soutien financier. Elle fut de toutes les campagnes électorales du PCF de Miramas, au moins de 1965 à 2001, y compris celles qui se déroulèrent dans un climat d'anticommunisme violent, face aux candidats de droite successifs Pierre Tristani (UDR) et Pierre Carlin (UDF) lors des municipales. En tant que figures connues localement pour leur engagement politique, elle et son mari furent visés par des calomnies.


Manifestation pour la paix à Marseille, 1995. Denise Clément et Paulette Argiolas sont au milieu.
Manifestation pour la paix à Marseille, 1995. Denise Clément et Paulette Argiolas sont au milieu.

En janvier 1991, alors que la France envisageait de rejoindre les USA dans la Guerre du Golfe, elle participa à un appel de cinquante femmes de Miramas à manifester contre la guerre à Marseille. Parmi elles il y avait ses camarades Yvonne Astier, Denise Clément, Suzanne Gélibert, Lucienne Geymet, Marie-Jeanne Geymet, Marie-Claire Pédinielli, Fernande Reynaud et Annette Sabatier. En février 2003, elle participait avec les cheminots retraités de Miramas à une manifestation de 50.000 personnes à Marseille contre les attaques néolibérales sur le système des retraites menées par François Fillon.


Manifestation de cheminots pour les retraites, 2003. De gauche à droite : Jean-Claude Reynaud, Jean-Claude Vighetti, Paulette Argiolas, Dany Juana, X, Roger Juana, X, René Caramini.
Manifestation de cheminots pour les retraites, 2003. De gauche à droite : Jean-Claude Reynaud, Jean-Claude Vighetti, Paulette Argiolas, Dany Juana, X, Roger Juana, X, René Caramini.

Des années 1980 aux années 2000, elle s'investit dans le militantisme associatif de retraités. D'abord dans l’ARM (Association des Retraités de Miramas), créée sous le premier mandat de la municipalité Thorrand et dont elle fut secrétaire. Néanmoins, suite à la victoire électorale de Pierre Carlin en 1989, l’association fut étiquetée communiste par la municipalité et la quasi-totalité des membres de son conseil d’administration furent démis de leurs fonctions. Une autre association lui succéda en 1990, Vivre Notre Temps, dont Serge Sabatier fut le président, Denise Clément la vice-présidente (puis la présidente suite au décès du premier), Simone Gachon la secrétaire et Paulette Argiolas la secrétaire adjointe. Yvonne Astier (membre de l’UFF et du PCF) et Suzanne Gélibert (UFF) furent également impliquées dans la création. Avec son mari Jean-Marie, elle profita des nombreux séjours de vacances proposés par Vivre Notre Temps à des prix accessibles à tous. À la fin des années 1990, elle prit part aux ateliers d'écriture proposés par l'association. Certains de ses textes furent publiés dans un recueil regroupant des productions de l'ensemble des participants.


Conférence sur Ambroise Croizat à Miramas, 2012. Paulette Argiolas et Michel Étiévent.
Conférence sur Ambroise Croizat à Miramas, 2012. Paulette Argiolas et Michel Étiévent.

Paulette Argiolas réduisit ses engagements après la rupture de son fils Serge avec le parti en 1999. Ce dernier, secrétaire du syndicat CGT des Territoriaux de Miramas et secrétaire de la cellule communiste des employés communaux, vivait un important conflit politique avec le maire Georges Thorrand depuis plusieurs années. Il avait vainement sollicité l’intervention de Jean-Jacques Luchini, le secrétaire de la section de Saint-Chamas/Miramas.

Après le décès de Serge en 2013, Paulette Argiolas fut victime d'une longue maladie qui lui fit cesser toute activité militante. Elle serait apparue pour la dernière fois en photo dans La Marseillaise en mars 2012 à l'occasion d'une conférence donnée par l'historien Michel Etiévent sur Ambroise Croizat, père de la Sécurité Sociale, à l'Espace Ambroise Croizat de Miramas. Elle se faisait alors dédicacer la biographie d'une grande figure qui avait inspiré tout son parcours militant.


En août 2020
En août 2020

Ses obsèques firent l'objet de deux rassemblements successifs dans les villes où elle avait été principalement active, Miramas et Port-de-Bouc. Jean-Claude Reynaud porta le drapeau de la section de Miramas et Raymond Nunez celui de la section de Port-de-Bouc. Denise Clément lui rendit hommage au nom du Parti communiste.

Paulette Argiolas est enterrée avec ses parents au cimetière communal de Port-de-Bouc.


Son nom apparaît dans la liste des contributeurs à un ouvrage collectif sur l'histoire de Miramas, Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, dirigé par Séverine Justin et édité par Vivre Notre Temps en 2000.


Sources : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 41 W 379 (élections municipales de 1965) ; 315 J 633 Fédération départementale du PCF (demande de carte de vétéran : 1 AU 1919). — Listes des candidats de 1965 à Miramas. — Lettre de convocation à une réunion du Collectif Féminin de la Commission Fédérale des Bouches-du-Rhône du 21 novembre 1972. — Tract des femmes de Miramas appelant à la manifestation du 12 janvier 1991 contre la guerre en Irak. — Attestation de remise de Médaille des Mutuelles de France du 12 décembre 1997. — Articles de La Marseillaise : « Pour la paix en Algérie », hiver 1957 ; « Magnifique succès du rallye de ballons pour la paix en Algérie », hiver 1958. — Article de Danièle Jeammet dans Heures claires N°96 (nouvelle série) de septembre 1972. — L'Unité (journal de la section du PCF de Miramas), mars 1981. — Articles de La Marseillaise : « Miramas : Soutien aux peuples libanais et palestinien », août 1976 ; « Soutien financier 434 137,50 F », 14 février 1993 ; « Marseille : Premier février, une manif qui fera date », 3 février 2003 ; "Michel Étiévent réhabilite Croizat, le ministre oublié", 4 mars 2012. — Séverine Justin (éd.), Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, Association Vivre Notre Temps, 2000. — Témoignages de l'intéressée et de Denise Clément. — Archives Argiolas. — Site Ciné-Archives : Fête de l’Humanité 1970. — Notes de Sébastien Avy.


Œuvre : Souvenirs et notes sur sa jeunesse, 2000 (non publié). — Collectif, Mots et émotions, Vivre Notre Temps, [sans date].


1ere version pour Le Maitron : 26 octobre 2021.

2e version : 11 janvier 2024.

3e version : 8 juin 2025.

4e version : 12 septembre 2025.


"La femme est l'avenir de l'homme", chanson de Jean Ferrat diffusée lors de l'enterrement de Paulette Argiolas

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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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