GUIGUE Armand [GUIGUE Étienne, Armand]
Dernière mise à jour : 11 mai
Né le 31 décembre 1908 à Arles (Bouches-du-Rhône), mort le 18 juin 2009 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) ; docker puis maçon ; militant communiste de Port-de-Bouc ; secrétaire de la section du PCF et du comité du Front populaire ; syndicaliste CGT, secrétaire de l’Union locale de Port-de-Bouc ; résistant du Front national de lutte pour la libération et des Francs-Tireurs et Partisans français ; chef politique de section militaire au camp d’internement de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) ; déporté à Buchenwald (Allemagne), chef de groupe dans la Brigade française d’action libératrice du camp ; conseiller municipal de Port-de-Bouc (1947-1977).
Le père d’Armand Guigue, Véran Guigue, était originaire d’Arles et père de cinq enfants. Embauché aux Chantiers et Ateliers de Provence de Port-de-Bouc en 1918, il était militant anarchiste et secrétaire du syndicat CGT.
Armand Guigue fut docker et ouvrier aux Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) de Port-de-Bouc. Secrétaire de l’Union locale CGT à partir de janvier 1937, il était de plus secrétaire de la section du Parti communiste et du comité du Front populaire de la commune. Il prit part à la grève générale du 30 novembre 1938, lancée par la CGT contre la remise en cause de la semaine de 40h, conquête majeure du Front populaire. Visé par la répression menée par le gouvernement et le patronat contre les syndicalistes, il fut licencié des CAP. Plus de huit cent mille travailleurs furent licenciés dans le pays.
En août 1940, il fut contacté par Étienne Blanc et rejoignit le Parti communiste clandestin. Il participa à la constitution d’un groupe, réalisa et distribua des tracts, diffusa les mots d’ordre et la presse clandestine. Le 13 novembre 1940, la police de Vichy faisant la chasse aux communistes, une série de 11 perquisitions fut réalisée à Port-de-Bouc à l’initiative du commissaire spécial Trouette. Cela déboucha sur 3 arrestations - celle de Véran Guigue, d’Armand Guigue et d’Albert Boiteau - la saisie d’une ronéo, d’une machine à écrire et de tracts et journaux, dont l'Humanité clandestine. Armand Guigue fut appréhendé au port sur son lieu de travail. Son frère César Guigue allait rejoindre la résistance communiste quelques mois plus tard. Armand Guigue subit des transferts vers des lieux de détention successifs jusqu’à la fin de la guerre. Partout où il se trouva, il participa à l’organisation de groupes de résistance. D’abord incarcéré à la prison militaire du Haut Fort Saint-Nicolas (Marseille) de novembre 1940 à juillet 1941, le tribunal militaire de la XVe région du Bas Fort Saint-Nicolas le condamna le 21 juillet à 3 ans de prison et 12 000 F d’amende. D’août à décembre 1941 il était à la prison Saint-Pierre (Marseille). De janvier 1942 à août 1943 il prit part à des actions à la centrale de Nîmes (Gard), avant d’être affecté à la maison d’arrêt de Nîmes pendant trois mois. Interné au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), il s’investit là aussi dans l’organisation : chef politique de section militaire et responsable de groupe des baraques 4, 6 et 7, il y resta huit mois. Durant l’année 1943 il fut contacté par Pierre Doize pour rejoindre le Front national de lutte pour la libération.
Armand Guigue était à bord du convoi I. 252 qui partit le 30 juillet 1944 de la gare Raynald de Toulouse à destination de Buchenwald. Les autorités allemandes, voulant échapper à la progression des troupes alliées, firent ainsi évacuer plusieurs centres d’internement de la région, dont le camp de Saint-Sulpice-la-Pointe. On ajouta aux détenus de ce camp des réfugiés espagnols, des familles juives, des résistants raflés en Haute-Savoie et des FTP des Bouches-du-Rhône. D’autres communistes de Port-de-Bouc, tels que Louis Barsotti, Marius Desvoy et Lucien Giorgetti étaient déportés dans le même convoi. D’après une note du Secours catholique international datée du 18 décembre 1944, après avoir quitté Toulouse, le train passa par Sète, Montpellier, Nîmes, Avignon, Orange, Valence, Chalon-sur-Saône, Dijon, Chaumont, Lunéville et Weimar. Les hommes adultes furent ensuite transportés jusqu’au camp de concentration.
L’administration de Buchenwald enregistra le 6 août l’arrivée du prisonnier politique « Étienne Guigue », matricule 69318. L’inventaire de ses possessions mentionnait un veston, un pantalon, une chemise, une paire de chaussures, une paire de sandales, un portefeuille et un stylo plume. Après la période de quarantaine au Petit camp réservée aux nouveaux arrivants, on l’assigna au Block 14 dans le Grand camp, tout comme Louis Barsotti. Armand Guigue ne fut affecté qu’à des Kommandos intérieurs. Il était responsable de trois groupes politiques dans l’aile B de son Block. En tant que chef de groupe au sein du comité d’action militaire pour la libération du camp, il eut douze hommes sous son commandement d’août 1944 à avril 1945. Le 11 avril, il prit part à la lutte armée pour la libération de Buchenwald, facilitée par l’avancée des Alliés. L’arrivée des troupes du général Patton le même jour, sonna pour lui le départ d’une longue route pour revenir à Port-de-Bouc et à la vie. Il regagna la France le 29 avril en camion militaire, puis en train depuis un centre de rapatriement.
En décembre 1947, Armand Guigue fit l’objet d’une citation par la IXe région militaire de Marseille : "Résistant de la première heure, n’a cessé de lutter contre l’occupant avec une ardeur intarissable. Arrêté et déporté en Allemagne, a supporté ses souffrances avec un courage et une foi patriotique exemplaires." En août de l’année suivante, il fut homologué Résistance intérieure française (RIF) en tant que membre du Front national de lutte pour la libération. Célibataire, était domicilié à la même adresse que son frère César et leur père Véran, HBM N°6 (aujourd’hui "13 Habitat") dans le quartier Tassy. Dans son dossier d’homologation, il mentionna les noms de militants qu’il avait fréquentés dans la clandestinité : Charles Scarpelli, Étienne Blanc, Louis Gazagnaire, Antoine Kristos, Jean Longinotti, Jean-Marie Comiti (il pourrait s’agir de Jean Comiti), Médard Deleuil, Jean Belino, Louis Vallauri, Pierre Doize, Marcel Paul, Georges Martin et Boris Taslitzky. Il citait aussi les noms de camarades morts en déportation, Henri Seillon, ou fusillés comme Jean Chauvet et Henri Auzias.
Bien longtemps après la guerre, Armand Guigue rappelait avec constance l’entraide et la solidarité qui régnaient dans le camp malgré l’horreur, soutenant que la seule façon de survivre selon lui était de ne jamais baisser les bras et de s’encourager mutuellement sans céder à la haine. Travailleur du bâtiment, il devint secrétaire permanent de l’Union locale CGT, mais aussi conseiller municipal de 1947 à 1977 dans l’équipe de René Rieubon.Intervenant dans les écoles, il y témoigna de son expérience de déporté, désireux de transmettre aux nouvelles générations ses idéaux de paix et de fraternité aux côtés d’Albert Domenech. Dans les récits qui l’évoquent, on le décrit comme un homme humble, souriant, infatigable optimiste au regard d’enfant, jusqu’à la fête organisée pour son centième anniversaire, où il chantait encore Le Chant des partisans, entouré de sa famille et de ses amis.
Armand Guigue fut décoré de la Croix de guerre 1939-1945. Il est enterré au cimetière communal de Port-de-Bouc aux côtés de sa sœur Marthe.
C’est pour honorer la mémoire d’un homme qui avait profondément marqué l’histoire de la commune que le maire Patricia Fernandez-Pédinielli inaugura une rue à son nom en 2016, comme elle le fit pour ses camarades résistants Joseph Brando, François Caparros et Albert Domenech.
Sources : Arch. mun. Port-de-Bouc. — SHD Vincennes, GR 16 P 277227. — Archives de l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos. — Archives Arolsen. — Liste du convoi "BDS Paris" arrivé le 6 août 1944 à Buchenwald. — Bulletin trimestriel n°20 de l’Amicale des Déportés Résistants Patriotes et Familles de Disparus de Buchenwald-Dora et Commandos dépendants, juillet-septembre 1954. — Le Serment n°323, bulletin bimestriel de l’Association Buchenwald-Dora et Kommandos, janvier-février 2009 (p. 14). — « Armand Guigue, citoyen d’honneur de sa ville », La Marseillaise, 3 janvier 2009. — « La CGT et la répression antisyndicale (août 1939-décembre 1940) : Entre légalisme et apprentissage de la clandestinité » de Morgan Poggioli, in Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2016/2 (N° 130), pp. 149-162 (en ligne sur cairn.info). — « Port-de-Bouc, les rues de l’histoire », 13 octobre 2016, Maritima Info (en ligne). — Jean Domenichino, Une ville en chantiers : La reconstruction navale à Port-de-Bouc, 1900-1966, Edisud, 1989 (pp. 144, 174, 184). — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Avis de décès. — Cimetière de Port-de-Bouc.
1ere version pour Le Maitron : 5 septembre 2022.
2e version : 29 décembre 2023.
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