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Sébastien Avy / Renaud Poulain-Argiolas

DELUY Louis, Albin, Marius

Dernière mise à jour : 31 déc. 2023

[Cette biographie s'inspire d'un texte originellement écrit par Jean-Pierre Bonnet. Je l'ai complété avec Sébastien Avy, en mettant en gras nos propres apports pour pouvoir les distinguer.]


Né le 15 mai 1920 à La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône), mort le 12 février 2017 à Miramas (Bouches-du-Rhône) ; facteur SNCF, puis exerça de nombreux métiers dont ouvrier chez SUD-Aviation et manœuvre dans le bâtiment ; syndicaliste CGT, secrétaire adjoint du syndicat CGT des cheminots de Miramas ; révoqué de la SNCF en 1947 pour fait de grève, amnistié et réintégré en 1982 ; militant communiste, conseiller municipal de Miramas (1947-1953 et 1977-1989) ; président de l’Office Municipal des Sports de la commune.


Louis Deluy en 1983. Photo extraite du Journal de Miramas n°3.

D’après le recensement de la population de 1931 à Miramas, Louis Deluy vivait dans le quartier de la gare avec sa famille : son père, Baptistin, Auguste, Marius Deluy, né à La Roque-d’Anthéron, cheminot au PLM ; sa mère Magdeleine, Julie, Léa Moulinas, née à Orgon (Bouches-du-Rhône), sans profession ; et sa sœur Paulette, née en 1922 à La Roque-d’Anthéron. Il prit conscience de l’injustice enfant lorsqu’on l’accusa à tort d’avoir saccagé le parterre de fleurs d’un voisin. Cette expérience lui fit connaître l’exclusion.


Titulaire du brevet élémentaire, il entra à la SNCF le 27 octobre 1941. Il fit en 1942 l’école du Mouvement, d’où il sortit classé deuxième avec des appréciations élogieuses. Il exerça ensuite à Miramas (Bouches-du-Rhône) en qualité de facteur. Secrétaire adjoint du syndicat CGT des cheminots de Miramas, il était en première ligne lors des grèves de novembre-décembre 1947. A défaut d’avoir été la grève la plus importante de l’histoire de la ville, elle en fut une des plus marquantes. En 1935 avait été créé le Syndicat des Cheminots de Miramas, pour résister à une direction toute-puissante. En 1947, la grève fut suivie par 95% des cheminots. Louis Deluy y participa dès le premier jour, achevant sa journée de travail à quatre heures du matin et enchaînant sans dormir. Les grévistes bloquèrent les trains en gare et "Solidarité cheminots" affréta des cars pour transporter les voyageurs jusqu’à Nice.


Deluy s’impliqua dans les collectes de soutien, l’organisation des manifestations, les prises de parole en début et en fin de journée pour faire le point sur l’état des mouvements. Les voies ferrées comme les routes furent barrées : le blocage était total et la situation quasiment révolutionnaire. On fit intervenir les forces de l’ordre pour faire cesser l’occupation du lieu de travail. Les femmes des grévistes firent alors évacuer le dépôt pour éviter les affrontements violents. La population montra son soutien aux cheminots, notamment en manifestant contre les forces de l’ordre et en organisant des soupes de solidarité. Convoqué devant le conseil de discipline, Louis Deluy devait être déplacé et rétrogradé, mais une intervention extérieure le fit révoquer le 9 décembre.


Membre du PCF, il fut candidat sur la "Liste de Résistance et d’intérêt communal" présentée par le Parti communiste pour la section électorale de Miramas-Gare aux municipales d’octobre 1947. Comme colistiers il avait plusieurs anciens élus communistes déchus en 1940 et revenus à la politique après la guerre : Isidore Blanc, Georges Clavel, Louis Cote, Fernand Julien et Victor Viany. Ils affrontaient une liste SFIO dont faisaient notamment partie les syndicalistes Charles Sabatier et Marius Pitra. Au 1er tour Louis Deluy obtint 1 392 voix sur 2 739 suffrages exprimés sur l’ensemble de la commune, le plaçant en 5e position de sa liste. Le PCF emporta la totalité des sièges dès le 1er tour du 19 octobre, replaçant Isidore Blanc à la tête de la municipalité. Deluy entra donc au conseil municipal dans son équipe.


Après son exclusion de la SNCF, Louis Deluy eut une vie professionnelle rythmée par les licenciements que lui valaient ses activités de militant CGT. Il travailla successivement à la poudrerie nationale de Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), de mai 1949 à novembre 1950 comme surveillant de catalyse, puis comme ouvrier à Sud-Aviation, avant de devenir simple manœuvre dans le bâtiment, puis ouvrier d’entretien dans un établissement pour personnes âgées. Ces déclassements professionnels successifs étaient fréquents à l’époque chez les militants les plus engagés.


Photo de Louis Deluy publiée dans La Marseillaise en 1965

Lors des municipales d’avril-mai 1953, Louis Deluy fut 4e assesseur du 1er bureau de vote à la mairie de Miramas. Il fit partie de la "Liste d’Union Ouvrière et Démocratique de défense des intérêts communaux (Pour le pain, la liberté, l’indépendance nationale et la paix)", présentée par le PCF et s’opposant à une alliance MRP-SFIO. Deluy fut gratifié de 1 544 voix sur un total de 3 183 suffrages exprimés dans la commune, le plaçant en 4e position de sa liste. Ce fut la liste adverse qui l’emporta, donnant à la ville un maire MRP, Roger Lazard. Louis Deluy fut à nouveau candidat en mars 1959. La liste communiste s’opposait à une liste d’alliance MRP-SFIO présentée par la municipalité sortante et une autre conduite par le médecin de droite Pierre Tristani. Deluy arriva une nouvelle fois en 4e position de sa liste. Néanmoins l’alliance MRP-SFIO sortit victorieuse des urnes et Henri Coste (SFIO) fut le nouveau maire.


Candidat lors des municipales de mars 1965 sur la liste communiste menée par le menuisier Louis Cote, Louis Deluy figurait en 4e position, après le cheminot Henri Jouve et l’instituteur Georges Thorrand. Il était alors ouvrier du bâtiment. Mais malgré l’alliance avec des socialistes au 2nd tour, ce fut Pierre Tristani (UNR) qui gagna la mairie. Aux municipales de mars 1971, Deluy était candidat aux côtés de quatorze cheminots et trois femmes sur la liste menée par Georges Thorrand. Les communistes avaient été rejoints par dix sans-parti qui déploraient l’absence de stratégie d’alliance de la part de la direction socialiste des Bouches-du-Rhône. Là encore la liste du PCF fut battue par celle de Tristani.


12 mars 1982. Jean Ligé (à gauche) et Louis Deluy (à droite) en tête de cortège, le jour de leur réintégration à Miramas. Photo tirée de l’ouvrage Cheminots en Provence de Robert Mencherini et Jean Domenichino (collection Louis Deluy).

En 1981, suite à l’élection de François Mitterrand, une loi d’amnistie s’appliqua aux sanctions pour faits de grève datant de plus de trente ans. C’est le Ministre des Transports communiste, Charles Fiterman, qui fit rétablir dans leurs droits les cheminots révoqués et reconstituer leurs carrières. Deluy raconta en 1999 dans un entretien que lorsqu’il apprit la nouvelle, il ne put dormir de la nuit. Le 12 mars 1982 fut une journée particulièrement émouvante pour lui. Une cérémonie eut lieu à la gare de Miramas pour sa réintégration, celle de Jean Ligé, tous les deux Miramasséens, et de deux cheminots d’autres villes. On remit à Deluy une casquette de chef de service pour lui faire donner devant une assistance le départ à un train, une action qu’il n’avait plus accomplie depuis 35 ans. Ligé dut lui aussi refaire les gestes qui lui avaient été interdits pendant plusieurs décennies. Le secrétaire du syndicat CGT, Francis Nardy, rappela le courage des militants de la CGT de cette époque, qui avaient été licenciés, emprisonnés, rétrogradés, avant de faire par la suite l’expérience des emplois précaires. La foule se rendit enfin devant le Monument aux Morts de la guerre, où Roger Morard, secrétaire de l’UL-CGT, rendit hommage à Pierre Semard, secrétaire de la CGT fusillé par les nazis en 1942.


Cérémonie de réintégration de Louis Deluy à la SNCF, 12 mars 1982. Pour célébrer sa réintégration, Louis Deluy donne le départ d’un train.

Entre-temps Louis Deluy s’était présenté sur la "Liste d’Union de la gauche et des démocrates" conduite par Georges Thorrand en 1977, avec qui il fit deux mandats successifs au conseil municipal jusqu’en 1989. Pendant toutes ces années il assura la présidence de l’Office Municipal des Sports de la ville. A 79 ans, il confiait que les journaux l’Humanité et L’Équipe représentaient les principaux engagements de sa vie : pour sa commune et pour le sport. Il ajoutait qu’il n’avait toujours pas le téléphone et ne s’était jamais marié "pour des raisons d’indépendance". Il était en effet célibataire.


Son nom figure parmi les contributeurs à un ouvrage collectif paru en 2000 sur l’histoire de Miramas, Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, dirigé par Séverine Justin et édité par l’association locale Vivre Notre Temps.


Sources : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 41 W 330, 41 W 334, 41W 343, 41 W 355, 41 W 359, 41 W 379. — Arch. Fédération CGT des cheminots. — Bulletins de vote du 14 mars 1965, du 21 mars 1971, des 13 et 20 mars 1977 et du 6 mars 1983. — "La Marseillaise" spéciale : L’Unité, journal de la section PCF de Miramas (numéro spécial pour les élections municipales de mars 1971). — Article de La Marseillaise de 1965. — La Marseillaise, 13 mars 1982 (photo). — Miramas-Info, juin 1982. — Le Journal de Miramas n°3, 2 mars 1983. — Robert Mencherini, Jean Domenichino, David Lamoureux, Cheminots en Provence. Des voix de la mémoire aux voies de l’avenir (1830-2001), Paris, La Vie du Rail, 2001, p. 184 (photo). — Séverine Justin (dir.), Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, Association Vivre Notre Temps, 2000 (p. 109-110). — Portraits de vies, portrait de ville, Ville de Miramas, 1999. — Sites Filae et Généanet. — Notes de Robert Mencherini.


1ere version pour Le Maitron par Jean-Pierre Bonnet : 9 juin 2021.



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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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