TASSY Marius, Étienne, Baptistin
Dernière mise à jour : 22 avr.
Né le 27 décembre 1905 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 8 mai 1982 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) ; cultivateur, puis cheminot ; militant communiste de Miramas (Bouches-du-Rhône) puis de Port-de-Bouc, conseiller municipal de Port-de-Bouc (1953-1965) ; syndicaliste CGT ; résistant du Parti communiste clandestin ; secrétaire du syndicat CGT des cheminots.
Marius Tassy était le fils de Gustave, Jules Tassy, cultivateur originaire d’Entrecasteaux (Var) et de Marie, Virginie Poésy, domestique née à Beuil (Alpes-Maritimes), puis cultivatrice avec son mari à la Verdière (Var). Il avait une sœur, Valentine, qui était son aînée de dix-huit mois.
À sept ans, Marius perdit sa mère. Lui et Valentine furent alors séparés. Le garçon fut recueilli par un oncle et une tante, Louis et Félicie Pourchier, à Peynier (Bouches-du-Rhône). Il y apprit le travail agricole. Sa sœur, placée chez leur tante Marie Bouis à Coudoux, fut mise à l’orphelinat quelques mois plus tard.
La Première Guerre mondiale éclata peu de temps après. Beaucoup d’instituteurs étant mobilisés, Marius Tassy fréquenta assez peu les bancs de l’école. Pour se faire de l’argent, il allait travailler chez les paysans des environs en le cachant à son oncle.
En 1925, il fit son service militaire à Coblence (Koblenz, Allemagne). Sa sœur prit le voile à ce moment-là. La nouvelle le rendit furieux : il lui avait fait promettre de ne jamais le faire. Il se maria le 18 février 1930 à Peynier avec Juliette, Alexandrine Marsiglia, issue d’une famille de bouchers. Le couple déménagea à Miramas, où Marius Tassy avait été embauché par la compagnie ferroviaire PLM (Paris-Lyon-Méditerranée). Ils eurent deux enfants : Paulette en 1931 et Yves en 1937. Paulette Tassy aura un long parcours militant.
Comme ils connaissaient peu de monde à Miramas, les Tassy se lièrent d’abord avec les ruraux originaires de Peynier comme eux. Marius sympathisa avec les oncles de leur propriétaire à Miramas, les frères Gavaudan (voir Édouard Gavaudan), liés aux idées communistes. Après son travail à la gare, il les aidait à faire les foins dans leur champ, à l’emplacement actuel du stade Méano. Paulette, heureuse de ces moments partagés avec son père, l’accompagnait sur une charrette tirée par un âne. À cette époque, Miramas était une commune rurale où l’activité industrielle se concentrait surtout autour de la gare.
Adhérent à la CGT, Marius Tassy participa avec enthousiasme aux rassemblements de 1936 et aux grèves de 1938. Après la déclaration de guerre de 1939, il fut mobilisé pendant six mois. Pendant qu’il était au front, la direction de PLM écrivit à sa femme pour réclamer la restitution de cartes de transports qui permettaient à la famille de se déplacer gratuitement. Juliette Tassy refusa. En 1941, Tassy fut nommé sous-chef de manœuvre à Port-de-Bouc. Comme il faisait les trois-huit, il prit une chambre sur place chez un autre cheminot, M. Durand.
Pendant son absence, son domicile de Miramas fut perquisitionné par cinq hommes de "La Cinquième" (la police ferroviaire) qui se firent passer pour des assureurs pour qu'on les laissât entrer. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur qu'ils annoncèrent le but de leur visite : le cheminot était suspecté du vol de la moitié d’une locomotive, accusation pour le moins fantaisiste. Comme on peut s'en douter, la police ferroviaire ne trouva pas ce qu'elle disait chercher. Dans le récit autobiographique que Paulette Tassy écrira en 2000 sur son enfance, elle supposera que cette action visait à intimider le cheminot pour son activité syndicale. Or les idées communistes de Marius Tassy - dont sa famille n'avait pas connaissance - étaient connues des autorités.
Le 8 novembre 1939, après l'interdiction du PCF, Tassy avait été mentionné sur une liste policière de 27 pages d'individus du département ayant été membres du parti avant sa dissolution. Les militants étaient classés par âge, domicile, profession et situation militaire. Quarante-quatre d'entre eux étaient des cheminots, dont Marius Tassy, qualifié de "propagandiste dangereux". Le 2 août 1941, le nom de Tassy figurait encore dans le rapport 11.248 RI/SP que le commissaire principal de première classe Seignard, chef des services de la Police spéciale de Marseille, adressait à l’intendant régional de police. Ce second rapport contenait une liste de vingt-huit cheminots communistes de Miramas, dressée à la demande de l’intendant régional. Certains des noms cités étaient ceux de conseillers municipaux déchus début 1940 suite au pacte germano-soviétique. À propos de Tassy, il était précisé qu’il vivait 16 avenue d’Istres à Miramas, qu'il était brigadier manœuvre et avait été radié de l’affectation spéciale le 30 novembre 1939. Cette dernière information révèle qu’on l'avait sanctionné en l’envoyant au front alors qu'on aurait dû le garder au service du chemin de fer.
En août 1942, la famille Tassy emménagea aux cités SNCF de Port-de-Bouc au 16 rue de la Gafette. Leur appartement leur donnait accès à un niveau de confort plus élevé : quatre pièces - trois chambres et une cuisine spacieuse -, un grand WC, un lavoir dans la cour, ainsi qu'un grand jardin, dans lequel le cheminot fit un potager. D’après sa fille, c’est durant l’année 1942 que Marius Tassy rejoignit le Parti communiste clandestin, dirigé localement par Charles Scarpelli.
Au mois de novembre, l’armée allemande défilait dans la ville. En tant que cheminot, il disposait d’un Ausweiss (laisser-passer) l’autorisant à sortir régulièrement après le couvre-feu de 20h pour faire face aux cas de déraillements. Ce n’est qu’après la Libération que sa famille découvrit qu’il faisait partie d’un triangle de résistance cheminote actif sur le triage de Caronte, avec César Cauvin et un certain Carrière, et que ses obligations professionnelles nocturnes faisaient office de couverture pour les actions illicites.
Une nuit, il se cacha dans le canal pour échapper à la vigilance des Allemands, alors qu’il ne savait pas nager. En 1943, lorsque sa famille fut évacuée sur ordre de l’occupant et qu’il fut seul dans son logement, Marius Tassy hébergea des militants recherchés : Paul Argiolas et Georges Lazzarino. Il cacha également un cheminot blessé, Louis Michon, qui préféra rester chez lui plutôt que d’être conduit à l’hôpital où on l’aurait inévitablement arrêté. Dans la clandestinité il fréquenta aussi Michel Borio.
Après la guerre, Marius Tassy s’engagea davantage sur le plan syndical. Il recevait chez lui César Cauvin, Charles Scarpelli et Joseph "Zé" Nunez, qui allaient devenir des figures importantes lors du lock-out des Chantiers et Ateliers de Provence en 1949. Les hommes passaient souvent la soirée ensemble, partageant de franches rigolades. Par exemple, lorsque Scarpelli s'endormait tard dans la nuit, les autres lui glissaient dans l'oreille une feuille de papier journal roulée en forme de cône. L'un d'eux enflammait la feuille et leur camarade se réveillait en sursaut.
Lorsque César Cauvin partit à la retraite, Tassy prit sa place comme secrétaire du syndicat CGT des cheminots. Au niveau politique, il fut candidat sur la liste menée aux municipales par René Rieubon au printemps 1953. Il fit deux mandats consécutifs de conseiller municipal jusqu’en 1965.
Suite à l'opération du rein qu'il subit en 1957, la SNCF lui aménagea un poste à l’huilerie Verminck de Caronte. Passionné de pêche, il passait une partie de son temps libre au bord de l’eau. Il était apprécié de ses camarades de travail qui lui offrirent d’ailleurs une canne à pêche et un moulinet lors de son pot de départ à la retraite en 1960. Préoccupé par la guerre d’Algérie (son fils avait été mobilisé), il fit savoir son émotion de recevoir un tel cadeau, mais que son plaisir aurait été plus grand encore s’il avait vu ses collègues s’unir face aux sombres événements à venir. Par la suite, il fut responsable de la section des cheminots retraités de Port-de-Bouc. Concernant l’Algérie, il participa à différentes initiatives pour la paix et pour s’opposer au putsch des généraux (comme les rassemblements d’avril 1961).
Entre 1963 et 1965, Marius Tassy occupa une fonction à "la Tour", rue Nationale, dans le quartier de La Lèque. Il faisait des rondes pour veiller à l’ordre et à la propreté, travaillant en duo avec le concierge attitré. Il fut également un temps gardien au camping de Bottaï, dans la partie côtière de la commune. Il y recevait les visiteurs sous une tente. En octobre 1970, il emménagea avec sa femme au rez-de-chaussée du bloc 3 du Groupe Paul Langevin. Ils avaient notamment comme voisins les Domenech (voir Albert Domenech) et les Brocca (voir Élisabeth Argiolas), qui faisaient partie de leur famille.
En 1981, Marius Tassy fut victime d’une hémiplégie. Il mourut quelques mois plus tard. Le 10 mai 1982, son enterrement donna lieu à un rassemblement important avec une forte délégation venue de Miramas. La foule traversa la ville depuis son domicile, marchant jusqu’à la mairie avant de revenir au cimetière communal, drapeaux de la CGT et du PCF déployés. Le maire René Rieubon rendit un vibrant hommage à son courage et à son engagement dans la Résistance.
Marius Tassy est enterré avec sa femme et leur fille Paulette Argiolas au cimetière de Port-de-Bouc.
Sources : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, 142 W 6 ; 76 W 157 (communistes - dissolution du parti - clandestinité). — SHD Vincennes, GR 16 P 74436 (au sujet de Michel Borio). — Articles de La Marseillaise de 1960 et 1961. — Articles nécrologiques de journaux locaux de 1982. — Propos recueillis auprès d'Yves et Yvette Tassy (née Domenech). — Souvenirs d’enfance de Paulette Argiolas, née Tassy (non publié) — Notes de Sébastien Avy.
1ere version pour Le Maitron : 19 mai 2021.
2e version : 21 avril 2024.
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