COTE Louis, François, Aimé
- Renaud Poulain-Argiolas
- 24 mars 2024
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 août
[Cette biographie s'inspire d'un texte originellement écrit par Antoine Olivesi. Je l'ai complété, en mettant en gras mes propres apports pour pouvoir les distinguer.]
Né le 17 février 1895 à Grans (Bouches-du-Rhône), mort le 21 août 1969 à Miramas (Bouches-du-Rhône) ; menuisier, chargé de mission au ministère de l’Air puis au ministère des Armements auprès de Charles Tillon (1944-1946) ; syndicaliste CGTU puis CGT, secrétaire du syndicat CGTU du Bâtiment à Miramas ; fondateur du Parti communiste à Miramas, secrétaire de la section communiste (avant 1939 puis 1948-1951), membre du comité fédéral des Bouches-du-Rhône jusqu’en 1939 ; adjoint au maire Isidore Blanc (1934-1939 et 1945-1953) ; secrétaire et trésorier de l’association France-URSS ; interné.

Louis Cote vit le jour à Grans, dans le village quartier de La Glacière, au domicile d’Adeline Mouisson, sa grand-mère maternelle. Ses parents étaient Alexis Cote, employé aux chemins de fer PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), et Victorine Angeline Mouisson, sans profession, tous deux natifs de Grans et mariés à Miramas en 1893. Il portait le prénom de son grand-père paternel : Louis Cote, berger originaire de l’Isère. Les Cote habitaient en 1896 dans le quartier du Coup perdu à Miramas, puis sur la place Jourdan en 1906. Louis avait une sœur, Eugénie, qui était de cinq ans sa cadette.
Il passa le certificat d’études primaires avant d’apprendre la menuiserie auprès d’Isidore Blanc. Devenu menuisier à son tour, Louis Cote fut le créateur du Parti communiste à Miramas en 1921. Il y militera pendant 49 ans. Son parti le présenta aux élections municipales de mai 1925 sur la liste conduite par Édouard Gavaudan contre celle du Cartel des gauches menée par le maire sortant Marius Sauvaire (radical-socialiste). Vingt-et-un candidats étaient en lice pour la 1ere section électorale de Miramas-gare et deux dans la 2nde section de Miramas-village, Dans la première section, les communistes étaient représentés par treize cheminots, quatre artisans, deux poudriers, un photographe et un retraité. Les résultats de Cote le placèrent 6e de sa liste. C’est cependant Marius Sauvaire qui conserva la municipalité. Un détail intéressant : Alexis Cote, le père de Louis, était candidat sur la liste du Cartel des gauches. Conseiller sortant, il fut réinvesti avec la victoire de Sauvaire.
Aux municipales de mai 1929, Louis Cote était présent sur la liste « Bloc Ouvrier et Paysan » (BOP) menée par Isidore Blanc. À leurs côtés, deux autres artisans – Édouard Gavaudan et Marius Joseph – le reste de leurs colistiers étant des cheminots. Ils avaient trois adversaires : la liste radicale-socialiste de Sauvaire, une deuxième – vraisemblablement socialiste, qui comprenait plusieurs commerçants, un industriel, le poudrier cégétiste Marius Pitra et Jean Maniccacci (voir Jean-Côme Maniccaci) – et une troisième, apparemment sans étiquette politique, sur laquelle figurait notamment Eugène Lando (père d’André Lando), employé PLM. Les Cote père et fils étaient cette fois aussi sur des listes concurrentes. Au second tour, Louis Cote était 4e assesseur de l’assemblée électorale de la mairie. Le verdict des urnes confirma une fois encore Sauvaire dans sa fonction de maire.
Au moment du recensement de la population de 1931, Louis Cote vivait avec son père et sa sœur sur la place Jourdan à Miramas. L’année suivante, un rapport de police le signalait comme l’un des principaux dirigeants du rayon communiste de la ville. En juillet 1934, il était présenté comme secrétaire du syndicat CGTU du Bâtiment sur la liste du BOP à l’occasion de municipales anticipées. Ce scrutin faisait suite à la démission de la municipalité Sauvaire et de tous les conseillers de la 1ere section de Miramas provoquée par des manifestations contre un nouvel impôt communal. Trois listes étaient en lice : celle de Sauvaire, celle d’Isidore Blanc et une autre, probablement socialiste, dont faisaient partie Marius Pitra et Charles Sabatier. Au 1er tour, le 15 juillet, Louis Cote fit le 8e score de sa liste, loin derrière Édouard Gavaudan, Marius Sirvin ou Isidore Blanc. Au 2nd tour, le 22 juillet, les communistes battaient la liste radicale-socialiste, mettant fin à quarante-deux années de pouvoir de Marius Sauvaire. Isidore Blanc fut le premier maire communiste des Bouches-du-Rhône à la tête d’une commune de plus 2500 habitants. Il eut pour 1er adjoint Marius Sirvin, comme 2e adjoint Émile Pelen et comme 3e adjoint Louis Cote (qui avait réalisé le meilleur résultat de leur liste). Ce dernier s’affirmait durablement comme une personnalité politique de premier plan au niveau local. Il se présenta également pour le conseil d’arrondissement dans le canton de Martigues en octobre 1934. Secrétaire de la section communiste de Miramas, il sera de plus membre du comité fédéral des Bouches-du-Rhône jusqu’en 1939.

À l’approche du renouvellement normal du conseil municipal de Miramas, Rouge-Midi se fit l’écho d’un compte rendu public de mandat fait par le maire et ses trois adjoints le 19 avril 1935. Tandis qu’ils décrivaient leurs neuf premiers mois de gestion communale, « deux socialistes désignés par leur section » vinrent, selon le journal, tenter de semer la discorde dans la réunion en « ressassant » des « ragots » sur la Russie soviétique. François Billoux, membre du comité central du PCF parachuté dans la région marseillaise, était présent à l’événement. Il fit taire les contradicteurs en argumentant sur le rôle des communistes face au fascisme, contre la guerre et sur le refus de la Deuxième internationale de s’opposer à la montée du nazisme. Le tribun défendit l’action unique des travailleurs contre la guerre, le fascisme et pour la défense de la Russie soviétique, seule garante de la paix à ses yeux. Le 5 mai, la municipalité sortante battait deux listes concurrentes : une radicale-socialiste menée par Gaston Raymond et une socialiste conduite par Joseph Le Bret – avec à ses côtés Marius Pitra, Charles Sabatier et Joseph Cabiac (beau-frère de Renée Cabiac).
Les communistes s’imposèrent dès le 1er tour dans les deux sections de Miramas. Dorénavant ils géraient l’intégralité de la commune. Arrivé 4e de sa liste, Louis Cote resta 3e adjoint au maire. Durant la même année, il suivit la 1ere école régionale du PCF mise en place dans les Bouches-du-Rhône.
Le déclenchement de la Seconde guerre mondiale empêcha l’équipe municipale de mener son mandat à terme. Le Parti communiste, suspect aux yeux du gouvernement, fut dissous le 26 septembre 1939. Le 12 octobre, une loi ordonnait la suspension des élus communistes de leurs fonctions pendant la durée de la guerre. Les conseillers de la municipalité Blanc furent remplacés par une délégation municipale nommée par le préfet. Finalement, le 25 janvier 1940, le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut ordonnera au nom du gouvernement Daladier la déchéance des élus communistes de leur mandat électif.
Dans un questionnaire biographique qu’il remplira en février 1958 pour le PCF, Louis Cote écrira avoir été mobilisé en septembre 1939 à Cassis en tant que garde-voie, avant d’être rappelé mi-novembre à Saint-Chamas comme affecté spécial par son usine, la Société des moteurs Gnome et Rhône, qui fabriquait des moteurs pour l’aviation. Remobilisé le 5 mai 1940, il fut par la suite interné au camp de séjour surveillé du Chaffaut (Basses-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) dans lequel on enfermait les "politiques" et les "droits communs". En février 1941, il fut transféré au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn), puis en avril 1941 à Djelfa (Algérie), à 300 kilomètres au sud d’Alger, et enfin à Bossuet, dans l’Oranais, près de Sidi-Bel-Abbès. Ancien pénitencier réaménagé, le camp de Bossuet était situé à 400 mètres d’altitude, dans une région qui subissait de grands écarts de température et des vents violents. Cote fut libéré fin janvier 1943. Il travailla à Boufarik, à 35 kilomètres d’Alger, pour l’entreprise Caudron (aviation) jusqu’en juin 1944, date à laquelle le parti lui fit contracter un engagement pour la durée de la guerre comme officier de liaison administrative au commissariat à l’Air. Nommé par Charles Tillon avec le grade de capitaine, il exerça cette fonction à Alger et à Paris pour des missions en France et à l’étranger. En novembre 1945, il suivit Tillon au ministère des Armements pour lequel il fut chargé de mission jusqu’en 1946. Ses responsabilités l’amenèrent à se rendre en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Soudan et au Sénégal. En 1944, il avait suivi une école régionale du Parti communiste à Alger.
Tandis que l’issue de la guerre ne faisait plus de doute, Louis Cote fut candidat sur la "Liste Union républicaine antifasciste", présentée par le PCF à Miramas pour les premières municipales organisées avant la capitulation allemande. Les communistes gagnèrent dès le premier tour, le 29 avril 1945, face à la SFIO dans les rangs de laquelle étaient présents Marius Pitra et Henri Coste (qui sera plus tard maire de Miramas). Pour les anciens élus déchus par la République en janvier 1940 qu’étaient Louis Cote, Isidore Blanc, Pierre Massotier et Victor Viany, cette victoire tenait à la fois de la revanche et du blanchiment de leur honneur. Cote arriva 2e de sa liste, après l’ancien maire, en rassemblant 1697 voix sur 2663 suffrages exprimés. Il fut 2e adjoint de Blanc – qui reprenait le gouvernail de la municipalité – après l’institutrice Marthe Tardy, représentante de l’UFF, élus au sein d’une assemblée qui comptait les cinq premières femmes conseillères de l’histoire de Miramas.
À partir de l’exclusion des ministres communistes du gouvernement en mai 1947, le PCF et la SFIO passaient sur le plan national de concurrents jouant dans la même équipe à ennemis mortels. Les conséquences du retour à la stratégie « classe contre classe » des communistes et l’outrance des discours et des positions propres à la Guerre froide allaient finir par se faire sentir dans les urnes à Miramas. Mais elles semblèrent accorder un sursis à la cité ferroviaire. Aux municipales du 19 octobre 1947, les 2 830 votants réélisaient les communistes et leur "Liste Résistance et d’intérêt communal" face à celle de la SFIO de Marius Pitra et Charles Sabatier. Louis Cote, deuxième assesseur dans le 2e bureau de vote (l’école maternelle de la commune) sortait premier de sa liste avec 620 voix, Isidore Blanc faisant le plus mauvais score (600 voix). Au vu de sa popularité, Cote accéda au poste de premier adjoint. Ses homologues étaient Henri Jouve, Fernand Julien et Jean Ligé.
Les grèves de novembre-décembre 1947 furent particulièrement violentes à Miramas, comme l’atteste un témoin de l’époque, Joseph Grégoire, proche de la SFIO, dans ses Chroniques de Miramas. Alors que le mouvement encouragé par le PCF s'essoufflait visiblement, les jusqu’au-boutistes furent réprimés par les forces de l’ordre (police, gendarmerie, troupes coloniales et CRS). Louis Cote apparaît sous la plume de Grégoire, traitant les forces de l’ordre de « Boches ». Un officier de service lui aurait répondu par deux gifles en ajoutant : « Voilà ce qu’un Français répond à un Russe ! » La répression n’empêcha pas le militant d’assumer à nouveau le rôle de secrétaire de la section communiste de 1948 à 1951.
Selon un document manuscrit de la Section de montée des cadres du PCF, Louis Cote fut présenté aux élections cantonales de 1951 sur le secteur de Salon. Sur un total de 16 199 inscrits et de 9 925 suffrages exprimés, le parti était sorti deuxième en étant gratifié de 3 173 voix. La SFIO victorieuse en avait récolté 5 035 et la droite 1 717. Président du 2e bureau de vote pour les municipales de 1953, Cote était aux côtés d’Isidore Blanc en tête de la "Liste d’Union ouvrière et démocratique de défense des intérêts communaux pour le pain, la liberté, l’indépendance nationale et la paix". Celle-ci comptait trois femmes : Yvonne Astier, Félicie Lèbre (toutes deux au nom du PCF) et Arlette Desvigne (sous l’étiquette "divers gauche"). Le climat était différent de ce qu’il avait été depuis la Libération. Les communistes durent faire face à une alliance entre le MRP et la SFIO, menée par Roger Lazard (MRP) et des socialistes comme Fernand Bavre, Henri Coste et Marius Pitra. Au premier tour, le 26 avril, la liste de Lazard raflait déjà 20 des 21 sièges de Miramas-gare. Et au second tour, le 3 mai, elle obtenait le siège restant. Les communistes ne réussirent à se maintenir que dans la section du Vieux-Miramas grâce à Fernand Julien et Marius Cotton.

Dans le questionnaire biographique qu’il remplit en février 1958 pour son parti, Louis Cote précisait qu’il était secrétaire et trésorier de l’association France-URSS, membre d’une cellule de ville et du comité de section de Miramas. Âgé de 63 ans, célibataire et sans enfants, il était titulaire du permis moto et domicilié 21 place Jourdan. En mars 1958, la Section de montée des cadres émit un avis positif sur sa candidature aux cantonales, prévues à la fin du mois suivant, au vu de ses bons résultats de 1951. Ce choix avait été appuyé par Jean Comiti, secrétaire de l’Union départementale des Bouches-du-Rhône, qui disait bien le connaître et s’exprimait sur lui en ces termes dans une note interne : « Cote est un vieux militant très attaché au Parti, qui dans les camps a toujours eu une très bonne attitude. Il est d’ailleurs très connu dans la région de Miramas, Saint-Chamas et Istres. » Il fut présenté avec Charles Roucaute pour suppléant. Attendu que le maire de Miramas, Roger Lazard, était décédé en plein mandat, son 1er adjoint, le socialiste Henri Coste, lui avait succédé. Trois listes se disputèrent la municipalité en mars 1959 : l’alliance SFIO-MRP conduite par Henri Coste, la liste du médecin Pierre Tristani (UNR – droite gaulliste) et celle de Louis Cote, qui comportait une seule femme : Denise Clément. Cote faisait toujours le 1er score de sa liste. Au 2nd tour les listes Coste et Tristani fusionnèrent et remportèrent le scrutin. Henri Coste resta maire, élu avec l’intégralité de ses colistiers – à l’exception de la 2e section communale, où les communistes conservaient leur base arrière : deux sièges, occupés par Fernand Julien et Marcel Mazelli.

En 1965, Louis Cote mena une dernière fois la liste communiste aux municipales contre celle du maire sortant et celle d’André Girard (MRP) allié à Fernand Bavre (SFIO). La liste communiste comprenait trois femmes : Yvonne Astier et Denise Clément, déjà présentées auparavant, et Paulette Argiolas. Tristani sortit en tête du 1er tour. La liste de Girard se retira et fusionna au second avec celle de Louis Cote, qui ne garda des femmes que Paulette Argiolas, qui avait réalisé le meilleur score. Fernand Julien et Norbert Tourbillon furent élus dans la 2e section communale. Cette fois, Tristani devint le premier magistrat de la commune. Par la suite, c'est Georges Thorrand qui sera désigné par le PCF pour conduire sa liste aux municipales.

Louis Cote mourut à Miramas le 21 août 1969. À la fin de sa vie, il exerçait toujours son activité d'artisan menuisier et était président de la section des déportés et internés.
Lors de son enterrement, Jean Pédinielli, secrétaire de la section communiste, lui rendit hommage au nom de leurs camarades. Louis Cote repose dans dans le caveau familial au cimetière de Miramas avec ses parents et sa sœur. Il avait été décoré de la Croix de guerre.
Plus tard, sous la municipalité de Georges Thorrand, une salle consacrée aux activités municipales fut baptisée Louis Cote en souvenir de cette importante figure locale.
Sources : Arch. de la fédération communiste des Bouches-du-Rhône, biographie, 1 AU 0118. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, État civil de Miramas, Naissances 1895, Acte n°8, 202 E 1020 ; M 6/11379 ; VM 2/256 et 290 ; Élections, 3 M 413, 3 M 423, 3 M 433, 3 M 438, 9 W 35, 41 W 314, 41 W 320, 41 W 330, 41 W 334, 41 W 343, 41 W 355, 41 W 359, 41 W 379 ; Recensements de la population de Miramas de 1896, 6 M 340 ; 1906, 6 M 413 ; 1931, 6 M 510. — Extrait des bans de mariage de Grans n°39 entre Alexis, Joseph, Aimé Cote et Victorine, Angéline Mouisson, 15 octobre 1893. — La Marseillaise, avril-mai 1953 ; 24 août 1969. — Rouge-Midi, organe régional du Parti communiste, 21 juillet 1934 ; 22 septembre 1934 ; 6 mai 1935. — L’Unité, journal de la section PCF de Miramas, n°12, octobre 1969 [photographie]. — Joseph Grégoire, Les Chroniques de Miramas (monographie), Ateliers Henri Peladan, 1965. — André Moine, Déportation et Résistance en Afrique du Nord, 1939-1944, Éditions sociales, 1972. — Jacob Oliel, « Les camps d’internement en Algérie (1941-1944) », extrait de Les Juifs d’Algérie : une histoire de ruptures (dir. Joëlle Allouche-Benayoun et Geneviève Dermenjian), Presses universitaires de Provence, 2015 (pp. 153-166). — Site Filae. — Site Geneanet. — Cimetière de Miramas. — Notes de Sébastien Avy.
Iconographie : Archives Argiolas.
1ere version dans Le Maitron par Antoine Olivesi : 5 octobre 2020.
2e version complétée par moi : 19 mai 2021.
3e version : 1er août 2025.
4e version : 2 août 2025.
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