CLÉMENT Denise [née FORNÈS Denise]
Dernière mise à jour : 19 avr.
Née le 6 mai 1933 à Pierre-Bénite (Rhône) ; secrétaire administrative ; militante communiste de Miramas (Bouches-du-Rhône) ; conseillère municipale responsable des affaires sociales (1977-1983) puis adjointe (1983-1989 et 1995-2001) sous la municipalité de Georges Thorrand ; membre du comité de l’UFF de Miramas ; syndicaliste CGT ; militante associative.
Le père de Denise Fornès, Joseph Fornès, cheminot, était né à Guyotville (aujourd’hui Aïn Benian, Algérie) d’un père espagnol et d’une mère sicilienne. Sa mère, Élise, Antoinette, Marguerite Bombart, femme au foyer, était née à Ciney (province de Namur) en Wallonie (Belgique) d’un père français et d’une mère belge. Ses parents s’étaient rencontrés à Lyon et eurent cinq filles : Georgette en 1924, Jeanine en 1927, Denise étant la troisième, Suzanne en 1937 et Marie-Louise en 1940. Ils avaient eu aussi deux garçons qui étaient morts en bas âge.
Joseph Fornès était manœuvre à la gare d’Oullins (Rhône) en tant que "grutier". Son travail consistait à remplir de charbon les tenders, wagons spéciaux placés après la locomotive pour l’approvisionner en combustible. Comme sa femme était malade des poumons, il demanda une mutation dans le Midi, à Cannes-La Bocca, pour qu’elle respirât un air plus sain. Cependant on le muta à Miramas pour le punir de sa participation répétée aux grèves. Sans avoir d’information précise sur une appartenance syndicale de son père, sa fille évoquait en 2021 l’engagement constant de celui-ci dans les grèves cheminotes suite à 1936, commentant qu’avec sa carrure de 1,90m et ses 120 kilos, quand il tenait un piquet de grève, on pouvait difficilement passer la porte. La famille arriva à Miramas en 1941. Denise avait alors sept ans. A leur arrivée, quelqu’un dit à son père : « Encore un qui est marqué à l’encre rouge ! », la gare de Miramas ayant la réputation d’être un lieu de mutation pour ceux que la SNCF voulait sanctionner.
Se sentant proche de son père, l’enfant le prit très tôt pour modèle. Comme lui elle revendiquait en permanence. Alors que sa mère était croyante, son père était athée. Il avait refusé de se marier à l’église et aucune des enfants du ménage, bien que baptisées, n’avait fait sa communion. Denise ne jouait pas à la poupée comme les fillettes de son âge. Elle ne voulait pas non plus prier comme ses sœurs, qui lui conseillaient vainement de faire semblant. A l’école elle refusait de participer aux activités de couture. Par conséquent les professeurs lui demandaient de faire la lecture à ses camarades pendant qu’elles cousaient. A Miramas, la famille habita environ deux ans aux Cités Jardins, puis aux Cités Mercier de la SNCF.
Denise Fornès passa son certificat d’études avec l’envie d’être hôtesse de l’air. Sa mère s’y opposa à cause du coût trop élevé de la formation, Elle choisit donc d’être coiffeuse. Après un an en apprentissage, elle dût arrêter car les produits alcalins fréquemment utilisés dans la coiffure lui donnaient de l’asthme. Elle commença un BEP de sténodactylo, qu’elle interrompit avant de se marier.
Au niveau militant, à 13 ans elle était responsable des Vaillants et Vaillantes avec un certain Ventre. Fernand Usclat était alors le secrétaire de l’URJF, tandis que Louis Deluy supervisait les jeunes communistes dans le PCF. Vers l’âge de 15 ans elle entrait à l’UJRF. Les organisations partageaient un local commun dans le centre-ville, rue Jourdan, dans une baraque américaine qui n’existe plus aujourd’hui. Pendant l’hiver les jeunes organisaient des bals à l’intérieur, à l’extérieur pendant l’été. Serge Sabatier, qui fut plus tard un militant connu à Miramas, jouait alors dans un orchestre qui venait faire l’animation. Denise Fornès se maria le 3 mars 1951 avec Eugène Clément. Elle n’avait pas encore dix-huit ans. La même année elle entra au PCF. À vingt ans, elle était révoltée de ne pas avoir le droit de vote alors qu’elle avait déjà deux enfants. Le couple eut au total trois garçons : Gilbert en 1952, Marc en 1953 et Bruno en 1963.
Le PCF présenta Denise Clément au premier tour des élections municipales de 1965 à Miramas-Gare (la ville étant alors divisée en deux circonscriptions) sur la liste menée par le menuisier Louis Cote. Elle figurait aux côtés de deux autres femmes, Yvonne Astier et Paulette Argiolas, de dix cheminots et de l’instituteur Georges Thorrand. Elle était présentée comme "ménagère, mère de famille". Mais c’est la liste du médecin UDR Pierre Tristani qui emporta la mairie.
En mai-juin 1968, avec quelques femmes parmi lesquelles Juliette Demory et Paulette Argiolas, elle créa un comité de soutien de femmes de grévistes et organisa une manifestation où elles furent de 140 à 150, nombre très respectable pour la commune. Ensemble elles participèrent activement à l’organisation de la soupe populaire lancée par la CGT pour les grévistes qui n’avaient plus de salaires. Les hommes allaient dans les fermes environnantes chercher des légumes donnés par les producteurs solidaires du mouvement, tandis que les femmes faisaient à manger. Denise Clément était impliquée dans l’organisation et les collectes, Paulette Argiolas prenait part à la distribution. Tout en ayant des caractères très différents, les deux femmes étaient très liées. D’abord par leurs principes, qui selon les mots de l’intéressée passaient par la fidélité conjugale et la fidélité au Parti communiste. Elles se retrouvaient également aux réunions de l’association de parents d’élèves APE-Cornec, ayant des enfants nés la même année. Sur le plan politique, elles militèrent longtemps ensemble. De 1963 à 1981-82, elles diffusèrent des tracts sur toute la zone des cités SNCF (de la coopérative SNCF à la rue Henri Lang), un périmètre important qu’elles couvraient après le repas du soir, quand elles pouvaient se libérer de leurs obligations familiales. C’est d’ailleurs Paulette qui lui recommanda de trouver du travail afin d’avoir droit à une retraite.
En 1971, Denise Clément avait commencé à travailler comme secrétaire à la Mutuelle Familiale, affiliée à l’UDMT (Union Départementale Mutualiste des Travailleurs) des Bouches-du-Rhône, longtemps située sur l’avenue Charles de Gaulle (puis place Jourdan). Elle s’était syndiquée à la CGT. En 1974 elle avait quitté les cités SNCF, ce qui ne l’empêchait pas d’y revenir le soir pour les distributions de tracts. Elle exerça la fonction de secrétaire administrative et de responsable du personnel. Yvonne Astier travailla plusieurs années sous ses ordres. Denise Clément eut également en charge la Mutuelle des Cheminots, celle des Communaux et celle des Ateliers de Provence. Elle fit un temps une permanence supplémentaire par semaine dans une usine de Sénas, devant tenir les comptes de toutes les mutuelles et apporter chaque lundi les feuilles de maladie à la sécurité sociale. La Mutuelle des Cheminots connaissant une croissance rapide, lorsque ses effectifs furent trop importants, elle embaucha une employée à part entière.
Si elle ne semble être allée à la Fête de l’Humanité qu’à deux reprises, Denise Clément se rappelle avoir notamment tenu la buvette du stand des Bouches-du-Rhône avec sa camarade Paulette. C’est encore ensemble qu’elles achetaient les lots pour les lotos du PCF de Miramas, événements importants pour créer des entrées d’argent.
Elles militèrent également pour les droits des femmes en créant un comité local de l’Union des Femmes Françaises (UFF), dont Juliette Demory faisait aussi partie. D’autres y participaient sans être membres du PCF, comme les épouses Clémencier et Caramini. C’est chez cette dernière qu’elles firent leurs premières réunions. Selon un article consacré au comité de Miramas et publié dans Heures claires (mensuel de l’organisation) en septembre 1972, Denise Clément fut membre de la délégation de Miramas envoyée au congrès national à Versailles cette même année. Certaines de ses camarades sont également mises en avant dans l’article, comme Juliette Demory, Danielle Juana, Mimi Xéridat, Paulette Argiolas, Simone Gachon, Rosette Caramini et Marie-Claire Pédinielli. Il faudrait citer également les noms d’Yvonne Astier, Renée Cabiac, Suzanne Morard (voir Roger Morard) et Mauricette Bérard. Créé en mars 1969, le comité local comptait alors 30 membres. En juin 1972, il en comptait 140. Un comité de l’UFF avait déjà existé à Miramas dans l’après-guerre, mais il avait disparu par la suite. Lorsqu’elles se réunissaient, les militantes organisaient deux réunions consécutives (une la journée pour les ménagères et une autre le soir pour les travailleuses), une kermesse de 3 jours lors de la Fête des Mères, une fête pour la Journée internationale des Femmes, une autre pour la revue Heures claires ainsi que pour d’autres occasions. Elles tenaient des stands lors des ferrades (fêtes provençales pour le marquage au fer des jeunes taureaux), vendant la revue de l’organisation, des petits travaux faits à la main, du linge et de l’artisanat local qui leur était laissé en dépôt-vente. En 1972, l’UFF de Miramas organisa un concours de dessins d’enfants pour la sauvegarde de la nature.
Denise Clément fut à nouveau candidate aux municipales de mars 1971 sur la liste présentée par le Parti communiste et des "démocrates", menée par Georges Thorrand. Il y avait à leurs côtés dix sans-parti regrettant l’absence de volonté d’alliance de la direction socialiste des Bouches-du-Rhône, mais aussi deux autres femmes, Andrée Hugon et Nicole Verdumo, quatorze cheminots (dont Louis Deluy) ainsi que Serge Sabatier. Ce fut le maire sortant Tristani (UDR) qui remporta la mairie une fois encore. Candidate sur la liste d’Union de la Gauche menée par Georges Thorrand aux élections municipales de mars 1977, elle eut cette fois cinq autres femmes comme colistières au premier tour : Juliette Demory, Lucienne Geymet, Andrée Hugon, Marie-Jeanne Jung et Éliane Vighetti ; ainsi que sept cheminots. Leur victoire fit de Thorrand le nouveau maire et de Denise Clément la conseillère municipale responsable des affaires sociales. Elle mit en place les premiers baptêmes civils de la commune. Lors des municipales de mars 1983, elle était 5e sur la Liste d’Union de la Gauche conduite par Thorrand. Leur nouveau succès fit d’elle l’adjointe aux Affaires sociales.
Les années 1980 furent marquées par des affrontements violents et répétés avec la droite locale et départementale, notamment avec Pierre Carlin (UDF), qui s’opposa à Georges Thorrand pour briguer la mairie. Les deux hommes se succédèrent à plusieurs reprises à la tête de la municipalité. La politique sociale mise en place Denise Clément fut impactée par ces changements réguliers de direction. Georges Thorrand la chargea par exemple lors de leur premier mandat de doter les retraités de la ville d’une association, car il n’y avait que les cheminots qui disposaient de leur propre structure. Elle fut à l’initiative de la création de l’ARM (Association des Retraités de Miramas), dont Paulette Argiolas fut la secrétaire. Mais suite à la victoire électorale de Carlin en 1989, l’association fut considérée comme communiste et la quasi-totalité des membres de son conseil d’administration furent démis de leurs fonctions. Une autre association fut donc créée en 1990, Vivre Notre Temps, dont Serge Sabatier fut le président, Denise Clément la vice-présidente (elle devint présidente suite au décès du premier), Simone Gachon la secrétaire et Paulette Argiolas la secrétaire adjointe. Yvonne Astier (membre de l’UFF et du PCF) et Suzanne Gélibert (UFF) furent également impliquées dans la création. Georgette Mao, sœur de Denise Clément, fit elle aussi partie du conseil d’administration de l’association entre 1998 et 2002. C’est encore sous l’impulsion de Denise Clément que furent créées la Mutuelle Sports (devenue le club SLC – Sports Loisirs Culture), dont son fils aîné devint un des responsables, ainsi qu’une association locale pour les personnes handicapées. Lorsque Pierre Carlin reprit la mairie en 2001, les subventions communales versées à Vivre Notre Temps furent divisées par dix.
Parmi les projets importants que Denise Clément eut à cœur de réaliser pour la ville, il convient de citer le centre de santé mutualiste. La Mutuelle Familiale de Miramas avait connu un fort développement, mais les habitants devaient alors parcourir 20 à 30 km jusqu’à Berre-l’Étang ou Port-de-Bouc pour avoir accès à un centre de santé. D’après elle, les premières discussions à ce sujet auraient eu lieu vers 1977-78. Georges Thorrand n’y étant pas vraiment favorable au départ, il accepta à condition qu’elle réussît à mobiliser la population. Une campagne de longue haleine commença, qui allait durer presque dix ans. En 1979, une consultation de la population de grande ampleur fut lancée sous forme de questionnaire adressé aux adhérents de la Mutuelle Familiale et de la Mutuelle des Cheminots. Là encore Denise Clément, Paulette Argiolas et Yvonne Astier formèrent le noyau dur de la bataille. La consultation révélant un fort intérêt dans la population, d’autres sondages suivirent, mobilisant toujours plus d’habitants. Si au conseil municipal le projet fut soutenu initialement par Jean Pédinielli, d’autres l’appuyèrent progressivement, comme Jacques Bidart, Serge Sabatier, Georges Santana et Roger Juana. En 1984, à force de pétitions, de sondages et de mobilisations, la création du centre était votée au conseil municipal. Sa gestion devant être confiée à l’UDMT. En 1986, l’État donnait son accord et débloquait des fonds. Le projet mobilisa cependant une opposition persévérante, dont celle des médecins libéraux de la commune, craignant de perdre leur clientèle, puis du maire de Marseille (Jean-Claude Gaudin), interférant auprès de la ministre de la Santé (Michèle Barzach), et du préfet pour interdire l’ouverture du centre après la pose de la première pierre en 1987. Suite à la signature de milliers de télégrammes de soutien et d’une manifestation d’environ 500 partisans du projet sur le Vieux Port de Marseille en mars 1988, le centre de santé fut finalement inauguré en décembre malgré une manifestation d’opposants.
Denise Clément fut adjointe aux Affaires sociales jusqu’en 1989. Lors des municipales du mois de mars, elle était candidate en 5e position de la « Liste d’Union des Forces de Gauche et de Progrès » conduite par Georges Thorrand. C’est toutefois le médecin UDF Pierre Carlin qui gagna la mairie. Elle fut élue conseillère municipale de l’opposition.
En 1991, elle participa à un appel de 50 femmes de Miramas à manifester à Marseille contre la guerre en Irak le 12 janvier, "en dehors de tout clivage religieux, politique, philosophique". En 1992, elle prit sa retraite de son travail pour la Mutuelle Familiale. De 1995 à 2001, elle fut réélue sur la liste de Thorrand (son nom figurait en 10e position au 1er tour) comme adjointe en charge du logement, de la petite enfance, des colonies de vacances et des personnes âgées. En 2001, compte tenu de son âge, elle préféra ne pas se représenter aux municipales. Elle avait alors soixante-huit ans.
En 2021 elle était toujours présidente de l’association Vivre Notre Temps. Son nom figure parmi les contributeurs à un ouvrage collectif paru en 2000 sur l’histoire de Miramas, Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, dirigé par Séverine Justin et édité par l’association.
Sources : Bulletin de vote du 14 mars 1965. — « La Marseillaise » spéciale : L’Unité, journal de la section PCF de Miramas (numéro spécial pour les élections municipales de mars 1971). — Bulletins de vote du 21 mars 1971, des 13 et 20 mars 1977 et du 6 mars 1983. — Tract annonçant le scrutin du 12 mars 1989. — Tract des femmes de Miramas appelant à la manifestation du 12 janvier 1991 contre la guerre en Irak. — Bulletin de vote du 11 juin 1995. — Article de Danièle Jeammet dans Heures claires N°96 (nouvelle série) de septembre 1972. — Le Journal de Miramas n°3, 2 mars 1983 [photographie]. — Séverine Justin (éd.), Miramas à travers temps : Quand les anciens témoignent, Association Vivre Notre Temps, 2000. — Propos recueillis auprès de l’intéressée et de Georges Thorrand. — Archives Argiolas.
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