DIOMELLI Lionel [DIOMELLO Lionello dit Lionel]
- Renaud Poulain-Argiolas
- il y a 3 jours
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Né le 4 septembre 1912 à Santa Maria a Monte (province de Pise) dans la région de Toscane (Italie), mort le 7 mars 1999 à Pise (Italie) ; garçon de cave vinicole, ouvrier d’usine ; militant communiste du Gard ; syndicaliste CGT ; membre de l'Unione Popolare Italiana et du Parti communiste italien (PCI) ; avant la guerre : responsable de la MOI (Main-d’œuvre immigrée) du Gard ; après la guerre : dirigeant de l’Associazione Nazionale Partigiani d'Italia (ANPI) ; président du comité fédéral du Partito della Rifondazione comunista de Pise ; résistant, responsable régional des Francs-Tireurs et Partisans - Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) du Var.
![Lionello Diomelli [CRDA]](https://static.wixstatic.com/media/080998_60c0897e3511428e99c42d536d9e22b2~mv2.jpg/v1/fill/w_700,h_991,al_c,q_85,enc_avif,quality_auto/080998_60c0897e3511428e99c42d536d9e22b2~mv2.jpg)
Lionello Diomelli était le fils d’un couple d’antifascistes italiens, Valentino Diomelli et Paolina Marinai. En mai 1919, il arriva en France avec sa mère pour rejoindre son père. Ce dernier, parti deux mois plus tôt, avait trouvé un logement à Saint-Gilles (Gard), petite commune de Camargue. Le voyage fut éprouvant pour l’enfant, qui découvrit la haine de classe dans le regard des douaniers qui traitaient les pauvres comme des délinquants. Son père lui raconta que dans leur nouvelle région, les chiens avaient été dressés de manière à attaquer les pauvres mais pas les gens bien habillés.
Valentino Diomelli était employé à Salin-de-Giraud (commune d’Arles) par une entreprise sous-traitante de Péchiney. Comme il avait postulé pour entrer dans l’entreprise et disposer d’un logement Péchiney, on lui proposa un travail dans le brome, un produit hautement toxique qu’il avait connu dans les combats de la Première guerre mondiale. Conscient de sa chance d’avoir survécu à la guerre, il refusa le poste avec le soutien de son épouse. La famille emménagea à La Grand Cabanne (hameau de Fourques), où Valentino avait travaillé quasiment en continu de 1900 jusqu’à la guerre. Paolina y avait vécu après son mariage et le couple y avait noué des amitiés. Les Diomelli vivaient à la station de pompage, près du barrage du Rhône, un endroit bucolique où Lionello connut des années de liberté et d’insouciance à grimper aux arbres, courir le long du fleuve ou y nager. Le mas se situait cependant à neuf kilomètres de Saint-Gilles, trop loin pour que l’enfant pût aller à l’école. Il commença à apprendre à lire et à écrire avec un certain Dumazet, un ouvrier cultivé que connaissait son père. Le provençal étant courant à la campagne, il l’apprit également. Cela lui sera utile pour comprendre les traditions, les coutumes et le folklore provençaux. Il lut Frédéric Mistral et son disciple Guillaume Laforêt, un poète de Saint-Gilles qui évoquait les paysages et la flore camarguaise.
Au printemps 1922, Lionello Diomelli put aller quotidiennement à l’école élémentaire en vélo. Il faisait le long trajet jusqu’à Saint-Gilles avec les gamins qu’il croisait sur sa route. L’hiver était rude lorsque le mistral les surprenait en chemin. Comme il écrira dans ses mémoires : « Nous n’étions pas élevés dans du coton. » (traduit de l’italien). À l'école, il perfectionna son français. Immédiatement après, il commença à travailler comme garçon dans une cave vinicole, avant d'être embauché plus tard comme ouvrier d’usine. Chez lui, les discussions qu’avaient ses parents le familiarisèrent très tôt à la politique. L’une d’entre elles lui laissa un souvenir durable. Après la disparition de Lénine – le 21 janvier 1924 – des conversations passionnées portèrent sur l’influence que le leader bolchevik avait eue sur le mouvement ouvrier international. On s’inquiétait du vide laissé par sa disparition. Une dizaine de Russes blancs travaillaient dans l’entreprise de Valentino Diomelli. La rumeur se répandit qu’ils fêtaient la mort de Lénine. Un groupe d’ouvriers, dont le père Diomelli, décida de leur donner une raclée. Celui-ci confiera plus tard : « Nous avons été trop brutaux, mais que pouvions-nous faire ? La provocation était trop forte. » (traduit de l’italien). Lionello retrouvera longtemps après certains de ces Russes, transformés par les conditions de vie de la classe ouvrière. L’un d’entre eux, Boris, sera tué alors qu’il était volontaire dans les Brigades internationales en Espagne. Un autre, Michel Atamanciuk, épousera une cousine de Lionello et s’engagera au Parti communiste...
En 1935, Lionello Diomelli s’installa à Salin-de-Giraud. Il adhéra à la Fédération des Jeunesses communistes de France, puis au PCF avec plusieurs de ses camarades. Il participa avec son groupe à la création de la section communiste ainsi qu’à deux cellules d’usine. En 1936, il retourna à Saint-Gilles, où vivaient de nombreux anarcho-syndicalistes espagnols : une campagne de solidarité avec la République espagnole s’y déroulait. Militant actif de la CGT, il fit plusieurs grèves en soutien avec les ouvriers agricoles de la région qui luttaient pour l’augmentation de leurs salaires. En 1937, lors d’une réunion de section, Molinier, secrétaire de la fédération communiste du Gard [il pourrait s’agir de Louis Molinier], annonça la tenue d’une conférence nationale du PCF, accompagnée – avec l’accord du Parti communiste italien (PCI) – d’un appel à s'engager adressé aux jeunes Italiens ayant grandi dans l’immigration. Deux délégués devaient être envoyés pour le Gard. Molinier proposa Diomelli et Carmelo Camarata, un jeune mineur. Le premier objecta qu’il ne s’était jamais investi sur ce terrain, sauf quand il avait pris part aux manifestations de solidarité avec Antonio Gramsci à l’appel de Romain Rolland. Il se rendit à conférence à Arcueil (Seine, Val-de-Marne). Des dirigeants du PCI étaient présents. C’est Giulio Cerreti, responsable des groupes de langue italienne au sein du PCF, qui présenta le rapport. Diomelli retrouva Gino Tuccini, délégué d'Arles, pour le Gard [Arles constituait une même section avec la commune gardoise de Fourques] et Carmelo Camarata. Des commissions furent élues. Diomelli participa à la commission « Stato Operaio » (État ouvrier), présidée par Giorgio Amendola, qui avait fui la répression fasciste peu de temps avant. Il déclara être confronté à des problèmes qu’il ne connaissait pas, mais rappela qu'il s'était engagé à faire de son mieux pour les résoudre. Amendola l’interrompit pour lui demander pourquoi il s’exprimait en français plutôt qu’en italien. Il reconnut être plus à l'aise avec le français. Nouvelle question d’Amendola : « Mais tu veux retourner en Italie ? » / Réponse de Diomelli : « Je ne me suis jamais posé la question. » Le leader du PCI mettait le doigt sur un angle mort de la réflexion du jeune militant qui avait quitté l’Italie à l’âge de sept ans…
De retour à Saint-Gilles, Diomelli fut un des fondateurs de la section de l'Unione Popolare Italiana, l’organisation des travailleurs italiens qui avaient émigré en France. Il assura des fonctions de direction autant dans le parti que sur le plan syndical, se chargeant des relations avec les travailleurs immigrés au sein de la Main-d’oeuvre immigrée (MOI). C'est investi de ces nouvelles responsabilités qu'il se rendit à plusieurs reprises au domicile de Lionel et Delphine Giovannini à Fos-sur-Mer.
En 1942, il se mariait à Saint-Gilles avec Ala Giuseppina Martini, fille d’immigrés italiens comme lui. Après l’invasion de la France par l’armée allemande, il s’engagea dans la lutte clandestine. Dans le pays d’Arles, la MOI fut coordonnée par Gino Tuccini, puis par Domenico Romano. Elle menait en parallèle lutte armée et lutte revendicative. Des tracts en italien furent aperçus dans les rues dès le début de la guerre. Le 13 août 1941, cinq jeunes hommes étaient arrêtés à Arles pour des inscriptions anti-pétainistes sur le mur d’un cimetière : Étienne Larnac, Roger Reboul et trois italiens – Charles Barontini, Lillo Dall’Oppio et René Giovannini. Le 24 janvier 1943, un attentat était commis « Chez Odette », rue de L’Hoste, dans une maison de tolérance réservée aux Allemands. Deux Italiens furent arrêtés, Luigi Barbieri et Novi Fortunate. Durant année-là, les contacts de la MOI s’étendaient autour d’Arles et plus loin dans le Gard. Tandis que certains rentraient en Italie pour combattre le fascisme, d’autres durent quitter la région arlésienne pour prendre des fonctions importantes : Lionello Diomelli en tant que responsable régional des FTP-MOI du Var, Leopoldo Cavallini à Toulouse ou encore Adelmo Del Corso à Marseille. En 1944, les sabotages visèrent de plus en plus souvent les lignes électriques et les voies ferrées en prévision du débarquement de Provence. Selon un article du site italien de l’Archivio diaristico nazionale, Diomelli accomplit des actions de sabotage dans lesquelles il se distingua « par son courage et sa générosité ».
D’après l’historien Jean-Marie Guillon, à la Libération, la frustration populaire s’exprima sur des catégories « boucs-émissaires ». Dans l’étude qu’il a consacrée au Var, il les décrit comme « des catégories qui attirent la haine, pour des raisons diverses, soit liées à la conjoncture, les "collabos", les trafiquants, soit ressortant de pulsions plus profondément enfouies, les "trusts" et, tout particulièrement ici, les "Italiens". » Il ajoute que « La participation des étrangers à la Résistance passera par les pertes et profits du sursaut patriotique, et passablement xénophobe, de la Libération. » En revenant dans le Gard, Diomelli remarqua que la situation y était différente de celle du Var, « où sévit une campagne de chauvinisme, dirigée surtout contre nous, Italiens. » (cité par Guillon).
Au début des années 1950, il vécut – au moins brièvement – à Paris, au n°114 rue de la Glacière (XIIIe arr.). Il retourna à Pise avec sa femme dans les années qui suivirent à la demande du PCI. Là encore, il exerça des rôles de direction politique et travailla pendant des années dans la commission « Problemi dello Stato e dell'antifascismo » (Problèmes de l'État et de l’antifascisme), chargée de rassembler des informations et de surveiller les activités subversives des groupes d’extrême-droite et de la gauche extra-parlementaire. Lors d’une visite à Pise, Giorgio Amendola se réjouit d’avoir eu raison en présageant que Diomelli allait revenir un jour vivre en Italie.
Lionello Diomelli fut de plus un militant et dirigeant de l’ANPI (Associazione Nazionale Partigiani d'Italia) provinciale, créée le 6 juin 1944 par des participants à la résistance italienne (avant de devenir une fondation non-gouvernementale). Après le tournant de Bologne, annoncé le 12 novembre 1989 à Bologne et qui aboutit le 3 février 1991 à la dissolution du PCI et à sa transformation en Partito Democratico della Sinistra (Parti Démocrate de Gauche), il décida d’adhérer au Partito della Rifondazione comunista (Parti de la Refondation Communiste). À Pise, parmi les fondateurs de la fédération, il tint le rôle de Président du Comité fédéral. Il mourut dans cette ville le 7 mars 1999.
Sources : Notice Soleils rouges de GIOVANNINI Lionel par Renaud Poulain-Argiolas. — Site « Italiani all’estero I diari raccontano » (Ministero degli Affari Esteri e della Cooperazione Internazionale). — Notice biographique sur le site de la Biblioteca Franco Serantini. — Musée de la Résistance en ligne. — Jean-Marie Guillon, « La libération du Var : Résistance et nouveaux pouvoirs ». In Les Cahiers de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, n°15, juin 1990 (pp. 1-113).
Iconographie : Centre Résistance et Déportation d'Arles et du Pays d'Arles (CRDA), fonds Amicale Franco-Italienne cercle d'Arles.
Œuvre : Gli antifascisti italiani nella Resistenza Francese, in Ora e sempre Resistenza. Testimonianze dei protagonisti e documenti, Pontedera, Bandecchi e Vivaldi, 1995. — Quelli della via crucis, Bandecchi e Vivaldi, Pontedera 1996.
1ere version : 27 mai 2025.
2e version : 28 mai 2025.
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