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Renaud Poulain-Argiolas

ARGIOLAS Baptistine [née CESARACCIO Battistina, dite Baptistine]

Dernière mise à jour : 19 avr.

Née le 24 novembre 1897 à Busachi (province d’Oristano) en Sardaigne (Italie), morte le 17 avril 1982 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) ; cantinière, femme de ménage, puis sans profession ; sympathisante communiste de Port-de-Bouc ; une des animatrices de la solidarité des femmes avec les ouvriers lors du lock-out des Chantiers et Ateliers de Provence de 1949.



Battistina Argiolas

On dispose d’assez peu d’éléments concernant la vie de Battistina Cesaraccio avant son arrivée en France et sur ses premières années à Marseille. On sait en revanche que n’étant pas allée à l’école elle était analphabète, qu’elle avait quitté la Sardaigne avec ses parents ainsi que ses frères et sœurs (trois sœurs et trois frères, dont Paolino Cesaraccio) et qu’elle travailla à l’usine Kuhlmann de L’Estaque de 1917 à 1920.

Sa mère, Maria Sionis, était née à Zeppara (dépendant de la commune d’Ales) dans la province d’Oristano (Sardaigne). Son père, Giovanni Cesaraccio, était originaire de Sassari, ville côtière du Nord de la Sardaigne. Ses parents tenaient une cantine à L’Estaque dans laquelle venaient manger les ouvriers des tuileries et de l’usine Kuhlmann. Dans cette zone à l’activité industrielle intense, les travailleurs immigrés avaient formé des communautés selon leur culture d’origine : corse, algérienne ou italienne. Battistina servait les clients. C’est dans ce cadre qu’elle aurait fait la connaissance d’Angelo Argiolas en 1920 ou 1921. Lui venait d’arriver de Sardaigne et avait été embauché dans une tuilerie. Lorsqu’il commença à fréquenter Battistina, les frères Cesaracccio l’agressèrent pour le garder à distance de leur sœur. Le jeune couple se maria toutefois le 28 janvier 1922 au Consulat général d’Italie à Marseille et eut deux garçons : Paul (1922) et Jean-Marie (1924).

Difficile de dater avec précision le moment où les Argiolas adhérèrent aux idées communistes. En 1925, ils s’installèrent à Port-de-Bouc dans le quartier de la Tranchée, côtoyant la solidarité qui y soudait la communauté sarde. D’ailleurs les parents pouvaient parler sarde à la maison, y compris avec leurs enfants. Le couple eut deux filles : Pascaline (1926) et Élisabeth (1930). Tous leurs enfants furent plus tard membres du Parti communiste. Après la naissance d’Élisabeth, la famille déménagea vers le quartier des Comtes. Son livret de famille mentionne qu’elle et son mari furent naturalisés français le 13 juillet 1939, soit moins de deux mois avant la déclaration de guerre (annonce parue le 23 juillet dans le Journal officiel de la République). Son nom de naissance était cependant estropié, ce qui arriva fréquemment sur les documents importants venant des autorités françaises, le faisant osciller entre CesAraccio et CesEraccio.

Pendant la période de Vichy, c’est dans le cabanon des poules de leurs parents que les fils Argiolas allaient s’isoler du regard des voisins et des autorités. Selon Élisabeth, la plus jeune des filles, c’était là-bas que Paul, l’aîné, rédigeait des papillons pour les FTP tandis que Jean-Marie, le cadet, y cachait des explosifs. La famille devait être d’autant plus vigilante que les propriétaires de la maison, qui vivaient dans le quartier, ne cachaient pas leurs sympathies fascistes et qu’il y eut à partir de 1943 un grand nombre d’Allemands aux alentours. L’armée d’occupation avait en effet installé des batteries de tir à proximité de leur logement. Par conséquent les avions anglais et américains venaient régulièrement mitrailler le quartier. Réveillée par les coups de feu ou les sirènes, la famille se réfugiait dans l’abri qu’Angelo avait creusé dans le sol du jardin. Vers les années 1940, Baptistine Argiolas travaillait comme femme de ménage, une activité qu’elle exerça longtemps. Elle travailla notamment à l’hôtel restaurant Le Cyrnos, près de la gare. C’est là que les jeunes communistes organisaient leurs "balètis" après la guerre.


Femmes devant la préfecture de Marseille pendant le lock-out. Battistina Argiolas est la 1ere à g. assise au 1er rang.

En 1949, la direction des Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) décida le lock-out de l’entreprise pour imposer la suppression d'une prime au lancement des bateaux (équivalent à une perte de revenu d'environ 20% pour les ouvriers) et saper la puissance du syndicat des Métaux. Cette action de représailles contre une grève qui avait retardé le lancement d’un navire provoqua un conflit qui dura plus de 110 jours. Paul Argiolas, qui avait des responsabilités syndicales, faisait alors partie des lock-outés. Parmi les grands moments de cette lutte à laquelle plusieurs membres de la famille prirent part, il convient de citer la "marche de la faim" vers Marseille, lors de laquelle plus de 3000 personnes gagnèrent la ville par tous les moyens possibles. Il y eut plusieurs défilés dans l’agglomération, une répression policière importante et des collectes de fonds et de vivres organisées dans tout le département en soutien aux lock-outés. À chacune de ses visites au chantier, le directeur, M. Renvoisié, était attendu par les femmes des ouvriers, qui le suivaient sur les 200 mètres de distance qui séparaient la gare des portes de l’entreprise. Elles le harcelaient pour le pousser à négocier. Au nombre de celles qu’on voyait régulièrement dans les actions de soutien aux lock-outés, il y avait "la mère Argiolas". Par la suite, beaucoup comme Paul Argiolas ne furent pas repris par la direction des CAP.



Gare de Port-de-Bouc, 1949. Les femmes solidaires des ouvriers lock-outés, harcèlent M. Renvoisié, le directeur, sur le chemin du chantier naval. Baptistine Argiolas est la première sur la gauche, tenant un gros sac à main.


Noces d’or de Baptistine et Ange Argiolas. Photo publiée dans La Marseillaise en 1972.

En février 1972, le quotidien régional communiste La Marseillaise consacra un article aux noces d’or du couple Argiolas. Une des photos l’accompagnant montrait trois générations de la famille dont de très nombreux membres étaient ou allaient devenir des militants. Assis au centre de la photo, on voit les parents fêtant leur anniversaire de mariage. Debout derrière la mère, c’est Paul, leur premier enfant, qui fut membre du bureau fédéral du PCF du Var, et sa femme Catherine. Derrière le père, c’est Jean-Marie, leur deuxième enfant, qui fut trésorier du PCF de Miramas, et entre lui et son frère sa femme, née Paulette Tassy, militante de l’UFF et du PCF. Le couple à droite sur la photo, c’est Pascaline, la troisième enfant des Argiolas, employée de mairie et militante communiste, avec son mari Alexandre Carbonnel, ancien responsable FTP. À gauche de Jean-Marie, c’est Élisabeth, quatrième enfant de la fratrie, membre du Parti elle aussi, avec son mari Pierre Brocca. Pour finir, accroupis en bas à gauche, ce sont les fils de Jean-Marie et Paulette, Serge et Fabien, qui furent plus tard militants.


Sources : Livret de famille. — Journal officiel de la République. Lois et décrets du 23 juillet 1939 (71e année, N°172), p. 9363. — Article de La Marseillaise de février 1972. — Roland Joly, Antoine ou la passion d’une vie : Une histoire de Port-de-Bouc, ville mosaïque, auto-édition, 2005. — Jo Ros, René et Elisabeth Brocca, Pierre Brocca partage sa vie et sa passion des boules, auto-édition, 2017. — Archives Argiolas. — Propos recueillis auprès d’Élisabeth Brocca (née Argiolas), sa fille. — Souvenirs de Paulette Argiolas, sa belle-fille.


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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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