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Renaud Poulain-Argiolas

LUARD Claude, Léon, Lucien

Dernière mise à jour : 1 mai

Né le 19 mai 1935 à Caen (Calvados), mort le 15 octobre 2020 à Marignane (Bouches-du-Rhône) ; ouvrier puis employé de mairie ; militant communiste de Martigues (Bouches-du-Rhône) ; syndicaliste CGT, trésorier du syndicat des employés territoriaux et membre de la commission exécutive de l’UL-CGT de Martigues ; militant du Mouvement de la paix, de la Confédération nationale du logement (CNL) et de plusieurs associations.


Claude Luard en 1955

Le père de Claude Luard était Maurice, Jean, Auguste Luard, né à Caen en 1910, qui fut tour à tour manœuvre, ajusteur et docker. Sa mère, Yvonne, Marguerite, Madeleine Hérouard, née en 1911 à Caen, était couturière. Le couple se maria en octobre 1933 et eut trois enfants, dont Jeanine, l’aînée, née en 1933, et Max, le benjamin, né en 1938. De source familiale, Maurice Luard fut prisonnier de guerre et travailla alors dans une ferme. Lui et sa femme divorcèrent en 1944. Il mourut prématurément, en 1951, de la tuberculose osseuse. Yvonne Hérouard disparut elle aussi assez jeune, à l’âge de trente-neuf ans. Les enfants Luard ne connurent pas beaucoup leur mère. Ils furent élevés par une de leurs tantes avant d’être envoyés par la Croix-Rouge en Suisse. Le plus jeune resta en France dans une pouponnière. Au bout d’un an, tous les trois furent placés dans un orphelinat.

Claude Luard travailla à Paris. Révolté par les injustices qu’il voyait dans le monde du travail, il s’engagea en 1958 à la CGT et bientôt au PCF. Il fut mobilisé pour la guerre d’Algérie. À son retour à Paris, il distribua des tracts en faveur de l’indépendance et vendit clandestinement l’Humanité, tombée sous le coup de la censure. Il participa à la manifestation du 8 février 1962, initiée notamment par le PCF, pour exiger la fin des opérations militaires en Algérie et s’opposer aux attentats de l’OAS. La répression policière et les neuf morts du métro Charonne marquèrent profondément le militant en renforçant ses convictions pacifistes.

Il rencontra Madeleine Moulin, dite Mado, au début des années 1960 lors de la préparation d’une fête de la CGT. Il était alors ouvrier chez « Gégère » [ou Geiger - orthographe incertaine]. Ils vécurent ensemble en Île-de-France et se marièrent le 7 août 1965 à Martigues (Bouches-du-Rhône), dans la ville de Mado. Ils eurent deux filles : Mireille en 1966 et Christine en 1968, nées à Paris (XIe arr.).

La famille Luard s’installa vers 1971 à Martigues dans le quartier de L’Île. Embauché comme ouvrier, Claude Luard participa à la construction du site de la SOLMER à Fos-sur-Mer. En 1972, il fut victime d’un grave accident de travail, faisant une chute de sept mètres alors qu’il manipulait une tôle encombrante. La mairie de Martigues l’embaucha alors comme ouvrier professionnel de 1e catégorie (factotum) aux collèges Marcel Pagnol et Honoré Daumier en septembre 1973. Sur le plan politique, il fut membre du comité de section du PCF de Martigues, puis de l’exécutif de section de 1974 à 2016. De l’avis de ceux qui l’ont connu, il était modeste, taiseux, discret et attentif aux autres, ne prenant la parole aux réunions que lorsqu’il était question d’actions et de considérations d’ordre pratique. Tout comme un grand nombre d’enseignants et de lycéens, il s’opposa à la réforme Haby de 1975 qui instituait un « collège unique ». Vers 1975, les Luard emménagèrent dans le quartier des Capucins, place Paul Vaillant-Couturier, du nom d’un militant auquel Claude faisait souvent référence. Ils avaient Maurice Garenq pour voisin de pallier direct. Membre de la cellule du PCF des Capucins, Claude Luard fonda dans le quartier l’Amicale des locataires CNL.

En septembre 1978, il se réorienta professionnellement, intégrant le service municipal des espaces verts, dans lequel il effectua le reste de sa carrière. Devenu agent technique principal à partir de 1991, il passa agent technique chef en 1994. Dans son travail il avait la réputation d’être fiable et rigoureux. Il vendit longtemps La Marseillaise, journal communiste régional, et l’Humanité Dimanche les jeudis matins devant l’entrée de la mairie. Il était délégué syndical à la CGT, à laquelle il resta adhérent toute sa vie. Il fut trésorier du syndicat des territoriaux de la ville, membre de la commission exécutive de l’UL-CGT de Martigues et plus tard membre actif de l’USR CGT 13.

Ardent militant pacifiste, il participa à de très nombreuses manifestations du Mouvement de la paix, dont il fut un des membres fondateurs à Martigues. Un premier comité pour la paix avait été créé localement vers 1979-1980, comprenant notamment Sylvia de Luca, le père Louis Droz et Maguy Cheinet, la première exerçant la fonction de présidente. Après le décès de celle-ci, le comité avait un peu mis ses activités en veille. C’est l’ « Appel des Cent » qui le fit renaître en 1982-1983 et s’affilier officiellement au Mouvement de la paix. Claude et Mado Luard en furent des membres actifs. Avec eux une centaine de Martégaux se rendirent à la marche de la Paix à Paris en juin 1983. En 1986, une Fête de la Paix fut organisée à Martigues, rassemblant plus d’un millier de personnes pendant deux jours. Les commerçants locaux avaient été sollicités pour financer l’événement, marqué par une grande exposition, un concours de dessins d’enfants, la venue d’une montgolfière et de la chanteuse Isabelle Aubret.


Claude et Mado Luard lors d'une manifestation à Marseille

S’il est difficile de faire une liste exhaustive des campagnes auxquelles Claude Luard prit part, on peut citer celles du plateau d’Albion (entre le Vaucluse, la Drôme et les Alpes-de-Haute-Provence), au Mégajoule du Barp (Gironde) contre les essais nucléaires, à Bruxelles en solidarité avec le peuple palestinien. Il s’opposa aux guerres d’Algérie, du Vietnam, du Liban, du Golfe, des Balkans et d’Irak, affirma son soutien à des militants emprisonnés pour leurs idées (comme Angela Davis, Nelson Mandela et Georges Ibrahim Abdallah) ainsi qu’aux luttes des peuples chilien, nicaraguayen et palestinien. La présidente du Mouvement de la paix de Martigues, Élisabeth Grand, rappelait aussi en 2020 une mission en Croatie dont Claude Luard fut un des protagonistes peu de temps après la fin de la guerre civile d’ex-Yougoslavie : l’organisation avait apporté à des pacifistes de Rijeka et Zagreb une photocopieuse, dissimulée sous des boîtes de conserves dans un camion.


Rénovation du siège du PCF martégal. Claude Luard est au centre, portant une chemise à carreaux.

Vers 1991, Claude Luard participa avec d’autres communistes martégaux bénévoles à la rénovation du nouveau siège de la section locale du PCF. En juin 1995, il prenait sa retraite tout en poursuivant ses activités politiques et associatives. Il était militant du collectif des retraités de la CGT de Martigues et membre actif de l’Amicale des vétérans du PCF des Bouches-du-Rhône.

Ses convictions humanistes s’exprimèrent dans ses engagements associatifs : à France Amérique Latine et aux Amis de l’Humanité. Il fut d’ailleurs responsable du Comité de Défense de l’Humanité à Martigues pendant plus de 40 ans. Il était également investi dans l’Amicale des Donneurs de Sang, qu’il dirigeait encore en mai 2011 et dont il était un des plus anciens donneurs. A la fin des années 1990 la municipalité lui manifesta officiellement sa reconnaissance pour cette activité. Soucieux d’écologie et de recyclage, il participa pendant les dernières années de sa vie à la collecte de bouchons de bouteilles en plastique pour une association qui fabriquait des fauteuils roulants. En 2017 (à 82 ans), il déclarait assister encore fréquemment aux soirées-débats organisées par le Cinéma Jean Renoir, le cinéma local d’arts et essai de Martigues. Il était également investi à la FNACA (Fédération Nationale des Anciens Combattants en Algérie-Maroc-Tunisie) dont il était porte-drapeau. Le 14 juillet 2020, c’était lui qui portait le drapeau de la FNACA lors des cérémonies officielles. Féru d’histoire sociale, il était membre de l’association Les Amis de la Commune. Il avait pratiqué l’athlétisme et la gymnastique dans sa jeunesse et était resté un grand amateur de sport. On le voyait souvent au stade Francis Turcan pour le football, au Parc des sports Julien Olive pour le volley ball ou au Gymnase Aldéric Chave pour le basket ball.


Claude Luard au marché de Jonquières vendant La Marseillaise, juin 2020

Concernant son engagement au PCF, les témoignages de militants l’évoquent comme une figure omniprésente du parti, toujours volontaire pour transporter le matériel, l’installer, participer aux assemblées et manifestations. Sa grande silhouette et sa voix très grave le faisaient inévitablement remarquer. Il anima à de nombreuses reprises le stand de la Fédération des Bouches-du-Rhône à la Fête de l’Humanité et fut longtemps secrétaire de la cellule Maurice Thorez des Capucins. Pendant plus de vingt ans il tint également ce qu’il appelait son « poste » au marché du quartier de Jonquières à Martigues. Tous les dimanches matins, il vendait le journal communiste La Marseillaise et faisait signer des pétitions. C’est d’abord en compagnie d’un autre militant, Denis Bon, qu’il effectua sa tâche, puis seul après le décès de ce dernier. Assis sur une chaise pliante derrière une table de camping lestée de pierres, il diffusait également l’Humanité Dimanche (et même Pif Gadget quand la revue fut remise en kiosques). Selon ses propres mots, il voulait « vendre la presse démocratique qui parle d’autre chose que ce que l’on voit tous les jours à la télé, celle qui fait entendre un autre son de cloche ». Il était devenu une figure familière du marché, aussi bien aux yeux des commerçants qu’à ceux des habitués, commentant de sa voix grave et de son accent parisien les matchs de football qu’il avait vus, ou lançant son retentissant « Tu n’aurais pas un peu de monnaie ? C’est pour le journal. »

Après son décès, un hommage lui fut rendu un dimanche de marché. Forains et passants vinrent à la table où ils l’avaient vu pendant si longtemps signer le livre d’or qui lui était consacré. Gaby Charroux, maire communiste de Martigues, et Gérard Frau, conseiller départemental communiste et adjoint au maire, furent présents eux aussi. Claude Luard est enterré à Martigues au cimetière de Réveilla.


Plaque commémorative devant la Maison des syndicats.

La municipalité fit poser une plaque en souvenir du militant, allée Benoît Frachon, devant la Maison des syndicats.


Sources : Le Moniteur du Calvados, 3 novembre 1930. — L’Ouest-Eclair, journal républicain du matin, 4 novembre 1933 (35e année, N°13 512). — Article de Maritima Info (en ligne) du 9 mai 2011 : « Collecte de sang à Martigues : Les donneurs fidèles au rendez-vous ». — Jean-François Arnichand, « Claude Luard, fidèle d’entre les fidèles », La Marseillaise (en ligne), 4 mai 2017. — Léo Purguette, La Marseillaise (en ligne), 17 octobre 2020 : « Hommages multiples au regretté Claude Luard ». — La Marseillaise, 19 octobre 2020. — L’Humanité en ligne du 20 octobre 2020. — Hommage de Gérard Frau, conseiller départemental, publié sur le site de l’Union Syndicale des Retraités CGT des Bouches du Rhône. — Site Généanet. — Livre d’or de l’intéressé. — Témoignages de sa femme Madeleine et de sa fille Christine. — Témoignage d’Élisabeth Grand, présidente du Mouvement de la Paix de Martigues, et de Jonathan Di Ruocco, secrétaire de la section PCF de Martigues.


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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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