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Renaud Poulain-Argiolas

MELI Jacques [MELI Giacomino, Leandro, Giuseppe, dit Jacques]

Dernière mise à jour : 2 nov.

Né le 27 avril 1908 à Parme (province de Parme) en Émilie-Romagne (Italie) ; forgeron, ouvrier plâtrier, maçon puis chauffeur ; militant communiste de Martigues (Bouches-du-Rhône) ; résistant des Francs-Tireurs et Partisans français.


Jacques Meli en 1966

Les parents de Giacomino Meli étaient Ferdinando Meli et Emilia née Fabbi. Avant lui, ils avaient eu quatre enfants : Anna en 1892, Maria en 1898, Primo en 1902 et Athos en 1903. Giacomino Meli obtint un certificat d’études primaires et fit son service militaire à Modène, d’avril 1928 à septembre 1929, dans le 6e régiment d’artillerie lourde de l’armée royale italienne. Caporal major, il obtint un certificat de bonne conduite. D’après sa fiche de matricule militaire, il mesurait 1 m 69, avait des cheveux noirs, un visage régulier, des yeux noirs et un nez saillant. Il travaillait comme forgeron, savait lire et écrire. De mémoire familiale, il aurait chanté à l’opéra sous la direction d’Arturo Toscanini.


Après avoir perdu ses parents, Giacomino Meli vint s’établir en France, où il rejoignit son frère Primo. Celui-ci était maçon et vivait à Saint-Rémy-de-Provence depuis douze ans. Il entra sur le territoire le 2 octobre 1930 avec un passeport délivré le mois précédent à Parme. Leur sœur Maria vivait également à Saint-Rémy. Giacomino se fit embaucher comme ouvrier plâtrier et logea dans le quartier Saint-Paul. Il rencontra Rina Giampietro, italienne elle aussi, avec qui il eut un enfant, Ferdinand, en septembre 1931, rue Nostradamus. Le couple se maria le 5 avril 1933 à Saint-Rémy et fit le même jour une demande de naturalisation française pour son fils. Ils l’obtinrent facilement. Ils étaient domiciliés dans le quartier du Tennis à Saint-Rémy. Le 30 juillet 1935, Giacomino et Rina Meli demandèrent à devenir français à leur tour. Comme le voulait la procédure, ils fournirent des « certificats de bonnes vie et mœurs » et des déclarations de non-condamnation. Giacomino déclarait être assimilé à la population française, parler correctement le français et ne pas s’occuper de politique. Son salaire de plâtrier était de 35 F par jour. Ils habitaient dans le quartier Mortisson à Saint-Rémy.


En décembre 1936, au moment de la naissance de leur deuxième fils Émile, les Meli avaient déménagé à Martigues, chemin des Espérelles. Giacomino était maçon. D’après l’historien Jacky Rabatel, dans les années 1930 les Meli constituaient avec d’autres réfugiés politiques italiens – tels que Filippo Pappatico, qui dirigeait un Comité italien antifasciste d’une cinquantaine de membres et diffusait le journal Il Griddo del popolo (Le Cri du peuple) – le noyau dur des maigres effectifs du Parti communiste de Martigues. La cellule communiste dépendait du rayon de Port-de-Bouc. Elle n’avait pas de local, fixait son siège dans des bars successifs et ne vivait grâce à l’action de quelques militants qui vendaient l’Humanité et Rouge-Midi. Ce n’est que bien plus tard (en avril 1940) que la brigade de gendarmerie nationale de Martigues prendra connaissance de la « réputation de propagandiste » communiste de Giacomino Meli et de sa fréquentation très active des membres du parti, dont Émile Blanc, « chef du rayon communiste de la cellule de Port-de-Bouc » (il s’agirait plutôt d’Étienne Blanc). À cette époque, Meli était devenu chauffeur à l’usine à gaz de Martigues. Un témoin, Joseph Ressegaire, quarante-sept ans, garde-champêtre dans la commune, déclarera aux gendarmes avoir vu le couple à l’occasion d’une réunion publique de solidarité avec la République espagnole, à la salle de la Cascade. Rina Meli y avait vendu des billets de tombola en faveur des républicains. Giacomino était présent. Plusieurs leaders du PCF y avaient pris la parole, dont Mireille Dumont et « Émile Blanc ». Aux dires du garde-champêtre, les Espagnols et les Italiens de Martigues représentaient une part importante de l’auditoire. Giacomino Meli avait été aperçu lors de nombreux rassemblements communistes, des réunions en salle ou en plein air et dans les défilés ayant eu lieu à Martigues. Un second témoin, Éloi Roubieu, cinquante-et-un ans, contremaître à l’usine à gaz de Martigues, révèlera que son collègue était un « lecteur attitré du journal l’Humanité, qu’il portait tous les matins en se rendant à son travail, devant les chaudières. » De l’avis des autorités, Meli n’étant pas un bon orateur, il ne prenait pas la parole en public.


Giacomino et Rina Meli acquirent la nationalité française le 4 août 1939 (annonce au Journal officiel le 13 août), soit moins d’un mois avant le début de la guerre. Leurs deux fils étaient eux aussi français. Suite à la défaite de juin 1940, Paul-Baptistin Lombard initia à Martigues la reconstruction clandestine du PCF interdit quelques mois plus tôt. Il recontacta d’anciens membres du parti ou de la CGT, parmi lesquels Albert Domenech et Marcel Olive (à la raffinerie de La Mède), Maurice Tessé et Antoine Blanc (à celle de Lavéra), Marius Gouirand (à l’huilerie Verminck), Gabino Garcia (au port de Caronte), ainsi que Jacques et Rina Meli.

En mai 1940, les Meli, domiciliés 40 rue Rolland, eurent un troisième fils, Serge, né français.

Rina Meli racontera dans les années 1990 que le patron de Jacques, « plutôt pro-allemand », connaissait bien les idées de son ouvrier et le craignait. Malgré leurs divergences politiques, il ne l’aurait jamais dénoncé. Les Meli auraient oeuvré à ce que les antifascistes italiens ne fuient pas et restent à Martigues. Ces derniers organisaient des réunions secrètes chez le fossoyeur. Bien fréquentées, elles passaient aux yeux des badauds pour des enterrements de personnes importantes.


C’est à partir du printemps 1940 que le cas de Jacques Meli attira l’attention des autorités. Outre le rapport de la gendarmerie de Martigues daté du 13 avril mentionné précédemment – qui répondait à une demande d’enquête du sous-préfet d’Aix-en-Provence – un rapport du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 mai signalait Meli comme militant communiste, précisant qu’il n’avait fait l’objet d’aucune condamnation. Le 22 juillet 1940, la « révolution nationale » de Vichy, désireuse d’exclure juifs et communistes de la communauté nationale, adoptait une loi pour les dénaturaliser. Deux ans plus tard, le 9 juillet 1942, une séance de la commission de révision des naturalisations se prononça pour le retrait concernant Jacques, Rina et leurs deux fils. Une note manuscrite ajoutait : « Mari et femme signalés comme communistes militants, particulièrement acharnés pendant la guerre d’Espagne. » Leur dénaturalisation fut effective pour le ministère de la Justice le 6 février 1943 (annonce au Journal officiel le 19 février). Le 12 avril, le commissaire de police de Martigues Roger Marcelli en informa la famille, qui résidait 3 rue Philippe Jourde.


À une date indéterminée, Jacques Meli rejoignit les Francs-tireurs et Partisans français, animés à Martigues par Maurice Tessé. Le 8 juin 1944, il aurait été la dernière personne à voir Paul-Baptistin Lombard vivant. Il croisa le responsable des FTPF plein d’espoir sur l’issue prochaine de la guerre, en chemin vers la rue Hoche, où devait se dérouler chez Robert Daugey une réunion de chefs locaux de la Résistance. Tous les participants furent pris et tués par la Gestapo. En août 1944, les troupes allemandes avaient miné avant leur départ une partie importante des infrastructures portuaires : le pont-tournant de Jonquières, le viaduc ferroviaire, les quais du canal de Caronte, du port, ses grues et plusieurs bateaux. Des barils de cent kilos de mélénite avaient été enfouis tous les trente ou cinquante mètres, menaçant de détruire tout le centre-ville. Le 18 août, Jacques Meli participa avec les FTP locaux à la neutralisation de ces mines en coulant du ciment liquide dans les cheminées de mise à feu. Lors de la libération de la ville le 21 août, un accrochage eut lieu dans la commune voisine de La Mède entre des FFI et un détachement allemand de deux camions roulant vers Martigues. Le commandant allemand ayant été tué, les soldats s'enfuirent dans les collines. Un FFI vint chercher du renfort à Martigues. Une cinquantaine de volontaires, dont des FTP et des membres des Mouvements unis de la Résistance (MUR), accoururent. Dix Allemands furent capturés, mais plusieurs résistants furent blessés, dont Jacques Meli, à la tête.


En août 1946, il écrivit au Garde des Sceaux pour réclamer l’application de l’ordonnance du Comité de Libération nationale du 24 mai 1944, qui permettait à tous les membres de sa famille de retrouver la nationalité française. D’après sa petite-fille, il refusa d’être médaillé de la guerre de 1939-1945, car il considérait qu’il avait été résistant et non soldat.


La ville de Martigues inaugura le 1er décembre 1990 un centre social Jacques Meli. 


Serge Meli, le troisième fils de Jacques et Rina Meli, fut un militant du PCF et de la CGT. 

 

Sources : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, Recensement de la population de Saint-Rémy, 1931, 6M 513. — Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 13 août 1939 (71e année, N°190), p. 10326. — Journal officiel de l’État français. Lois et décrets, 19 février 1943 (75e année, N°43), p. 485. — Archives nationales en ligne, BB/27/1422-BB/27/1445 (dénaturalisés de Vichy). — Arch. com. Martigues. — « Rina Meli "commissaire résistant" » dans le dossier "Ils avaient 20 ans en 1944", Reflets n°25, juillet 1994. — Jacky Rabatel, Une ville du Midi sous l'Occupation, Martigues : 1939-1945, Centre de Développement Artistique et Culturel, 1986 (pp. 35, 65, 102, 187, 224, 280, 291, 303, 355-356). — Propos recueillis auprès de Sandrine Scognamiglio (petite-fille de l’intéressé).


Version au 31 octobre 2024.


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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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