LE MORILLON Pierre, Marie
Dernière mise à jour : 29 avr.
Né le 18 février 1874 à Colpo (Morbihan), mort le 1er décembre 1948 à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) ; coiffeur, puis manouvrier, employé à la Compagnie des tramways de l’Est Parisien et manœuvre ; sympathisant ou militant communiste.
Pierre Le Morillon était le fils de Jean, François Le Morillon, 39 ans, né à Ploeren (Morbihan), et de Marie, Vincente Feuvrel, 24 ans, née à Saint-Guyomard (Morbihan), tous les deux aubergistes. Trois ans après, les parents étaient déclarés débitants. Pierre Le Morillon avait trois frères : Joseph, né en 1872 ; Émile, né en 1875 ; Jean, né en 1877, originaires de Colpo. Le premier étant mort à deux ans, Pierre devint l’aîné de la fratrie. Il avait six ans quand son père disparut. Selon sa fille Olga, il eut dès lors une vie difficile. Élevé dans la religion catholique, il devint rapidement anticlérical.
En 1897, il rencontra Léontine Boutet, fille d’un contremaître de Trignac. Il avait vingt ans et elle dix-huit. La famille de celle-ci était défavorable à ce qu’elle fréquentât un simple ouvrier. Après le décès du père, la mère accepta cependant le choix de sa fille. Pierre Le Morillon et Léontine Boutet se marièrent le 13 février 1899 à Montoir-de-Bretagne (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Il était coiffeur-perruquier, elle lingère. Elle avait vécu plusieurs années en Espagne en face d’un cloître et constaté l’existence d’avortements clandestins en voyant enterrer de petits cercueils. Malgré la foi qu’elle conserva toute sa vie, elle s’était détachée de l’Église qu’elle tenait pour hypocrite. Léontine Le Morillon donna naissance à dix enfants : Émile (né en 1900), Renée (1901), Pierre (1903), Roger (1905), Suzanne (1908), Georges (1910), Madeleine (1914), Georgette (1916), Simone (1918) et Olga (1922). Deux d’entre eux moururent en bas âge : Roger, de maladie à trois ans, et Simone, qui se noya dans un baquet d’eau à dix-huit mois. Tous les autres furent plus tard des militants communistes.
Si le foyer des Le Morillon changea régulièrement d’adresses au rythme des emplois successifs de Pierre, les actes de naissance des enfants permettent d’en reconstituer une partie de la chronologie. En 1900, ils étaient domiciliés à Trignac, qui dépendait de la commune de Montoir-de-Bretagne (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) [le hameau prit son autonomie administrative en 1914]. Pierre était coiffeur à domicile. L’année suivante ils vivaient à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) 71 rue Nationale. À la même adresse vivait Émile Le Morillon, frère de Pierre. Pierre Le Morillon était livreur et sa femme journalière. Par la suite, celle-ci n’apparait plus que comme "ménagère". En avril 1903, il était manouvrier et domicilié à Ivry-Port (Seine, aujourd’hui Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne), 86 boulevard Sadi-Carnot. En novembre de la même année, il était devenu employé à la Compagnie des tramways de l’Est Parisien. Lui et sa famille logeaient à Créteil, 4 avenue Laferrière. En 1906, le couple avait déménagé avec ses trois premiers enfants à Breteuil-sur-Iton (aujourd’hui Breteuil, Eure) dans le hameau de la Madeleine. Pierre et son frère Jean travaillaient comme ouvriers d’usine aux forges. Ils étaient voisins. Jean était marié avec Eulalie Boutet, la sœur de Léontine. Le couple avait six enfants, dont André Morillon, qui fut plus tard l’époux de Renée, la fille aînée de Pierre et Léontine. Les trois frères Le Morillon se suivirent à plusieurs reprises, vivant dans les mêmes départements, parfois aux mêmes adresses.
En 1908, Pierre Le Morillon était journalier et vivait à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), 88 rue des Cités. En 1910 il était revenu comme ses deux frères à Trignac et y travaillait comme chauffeur. Était-il déjà engagé politiquement ou syndicalement ? En 1913, il se rendit à un meeting de Jean Jaurès avec son fils aîné Émile, âgé de treize ans, qui travaillait déjà. Les discours du directeur de l’Humanité firent grosse impression sur le père et le fils. À propos de cet événement, Olga Le Morillon écrivit plus tard (dans un texte qu’elle destinait à ses descendants) : "ils furent très enthousiastes et commencèrent à avoir l’espoir que les choses pouvaient changer. À partir de ce moment est née la haine du capitaliste, haine qu’ils garderont jusqu’à leur mort." Si Émile s’engagea quelques mois plus tard dans les Jeunesses socialistes, Pierre semblait tout autant acquis aux idées socialistes.
À propos des conditions de vie matérielles de la famille, Olga Le Morillon raconte : "La vie était très dure. Malgré les salaires de mon père et de mes frères et sœurs, qui étaient tellement bas. Nous n’avions pas toujours un morceau de pain à la maison mais, heureusement nous étions une famille très unie et l’amour de nos parents nous réconfortait énormément." Dans ce quotidien de privations, la "débrouille" jouait un rôle vital. En 1907 ou 1908, Léontine Le Morillon et sa fille aînée creusèrent la route qui allait de leur logement de Saint-Nazaire jusqu’au quai avec des pics métalliques. Elles cherchaient des morceaux de charbon ou de fer, pour les revendre et acheter du pain et du sucre afin de nourrir leur foyer. En 1910, Pierre fils, à sept ans, entendit Léontine dire à son mari qu’elle n’avait plus rien pour lui préparer sa gamelle du lendemain à la fonderie. L’enfant se leva à l’aurore, allant récupérer la paille qui servait à caler les caisses dans les cales d’un paquebot américain à quai. Il en fit des bottes qu’il échangea au boucher contre un beefsteak, à l’épicier contre du sucre et du café pour aider son père. Pierre Le Morillon s’opposait fermement à ce que sa femme fit appel à la charité de l’Église. Elle fit néanmoins baptiser les enfants en cachette pour avoir droit à des colis de nourriture et de vieux vêtements, car les enfants avaient besoin de chaussures.
Avant la Première guerre mondiale, Le Morillon était manœuvre. La famille habitait le Pré Gras, sur la commune de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Bien que mobilisé en août 1914, il était père de six enfants et ne fut donc pas envoyé au front.
Dans une autobiographie rédigée en 1938, Émile Le Morillon atteste des sympathies communistes de son père : "Mon père lisait l’Huma depuis 1922 et suivait les comptes rendus du procès de André Marty." Après la naissance de leur dernière enfant en 1922, ayant entendu qu’il y avait du travail bien payé dans les Ardennes, Pierre Le Morillon y retrouva son frère Jean, qui vivait à La Francheville, dans le canton de Mézières (aujourd’hui Charleville-Mézières). Le patron louait un logement à ses employés. D’après Olga Le Morilllon, son père touchait un meilleur salaire et vivait avec sa famille dans "un beau pavillon", un confort qui fut de courte durée. Elle parle de son père en ces termes : "Pour les hommes épris de justice et de liberté, et mon père était de ceux-là, s’éleva la haine de cette classe bourgeoise et exploitante." Le couple Le Morillon fut affecté par le décès de Lénine en 1924 : "La mort de cet homme nous a bouleversé aussi durement que s’il s’était agi d’un membre de notre famille."
L’année suivante, Pierre et Émile furent mis à la porte et perdirent leur maison pour avoir "commencé à militer pour défendre les ouvriers contre le patronat". En janvier 1925, ils vinrent habiter avec Renée et André Morillon, fraichement mariés, à huit dans un logement de deux pièces superposées dans un hôtel de Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis). Ils avaient dû laisser leurs meubles à Paris à la consigne de la gare. Faute de pouvoir payer, ils ne purent les récupérer. Émile adhéra au PCF en 1925, Pierre fils à peu près à la même période. Est-ce que le père le fit lui aussi ? Olga semble le suggérer : "Je dis nous en parlant du PC car ce parti était presque notre seconde famille". La situation financière du foyer s’améliorant, Pierre Le Morillon et ses enfants s’entendirent sur l’achat d’un petit pavillon en bois de trois pièces. Ils y emménagèrent en 1931. Entre-temps plusieurs des enfants s’étaient mariés : autant de salaires qui manquaient pour payer la maison. Commença une nouvelle période de privations. Pierre Le Morillon, âgé de 58 ans et asthmatique, se retrouva au chômage sans perspectives de travail. Pourtant l’espoir était entretenu par les longues discussions sur le Parti communiste et « une confiance illimitée en lui ». En 1933, le foyer suivait quotidiennement le procès de Dimitrov, Popof, Tanef et Torgler dans l’Humanité. Léontine Le Morillon en faisait la lecture à sa plus jeune fille. Celle-ci raconte : "nous avions les yeux braqués sur la Russie, ce pays qui [...] était devenu l’URSS", admiratifs de ses leaders Lénine et Staline.
En 1936, toute la famille se réjouit de la victoire du Front populaire. De 1937 à 1940, Émile et Marguerite Le Morillon accueillirent une famille de réfugiés espagnols. Pierre et Léontine vivant avec leurs fils et belle-fille, ils partagèrent ce quotidien. Toujours selon Olga : "Le père était prisonnier de Franco et il fallait cacher la mère et ses deux enfants, une petite fille de 7 ans et James un garçon de 14 ans. Ils s‘appelaient Maroto Rodondo." Mais après l’interdiction du Parti communiste en 1939, ils durent par prudence mettre fin à cet hébergement.
De mémoire familiale, Pierre Le Morillon aurait terminé sa vie chez sa fille Renée et son mari André Morillon à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne). Il fut d’ailleurs enterré au cimetière ancien de Vitry.
Léontine Le Morillon mourut le 18 janvier 1959 à Montreuil.
Sources : Arch. Dép. Morbihan, État civil de Colpo, 1874, Naissances-mariages-décès, Acte n°10, 042 1MiEC042 R01-0004 ; Registres matriculaires : Pierre Marie Le Morillon, Matricule 3131, Émile Jean François Le Morillon, Matricule 3209, Jean Marie Morillon, Matricule 2106, 1R933. — Arch. Dép. Loire-Atlantique, État civil de Montoir-de-Bretagne, 1899, Naissances-mariages-décès, Acte n°16, 3E103/38. — Notice Maitron d’Émile Le Morillon par Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule. — Site Généanet. — Souvenirs d’Olga Le Morillon rédigés entre 1990 et 1993 (non publié). — Propos recueillis auprès de Danièle Dubois, sa petite-fille (mai 2022).
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