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JAYNE Fortuné, Henri. Pseudonymes dans la clandestinité : FORESTER ; JAMPOL ; MOKI

  • Renaud Poulain-Argiolas
  • 9 déc.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 déc.

Né le 18 avril 1909 à Cuges-les-Pins (Bouches-du-Rhône), mort le 5 août 1991 à Cuges-les-Pins ; garde-forestier ; militant communiste ; syndicaliste CGT ; conseiller municipal de Cuges-les-Pins de 1971 à 1977 ; résistant de l’Armée secrète et de la 12e compagnie des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) des Basses-Alpes, puis engagé dans l’armée de libération.


Henri Jayne en 1944
Henri Jayne en 1944

Fortuné Henri Jayne, couramment prénommé Henri, était le fils d’Henri Jayne, propriétaire exploitant, et d’Henriette née Castillon, tous deux natifs de Cuges-les-Pins, commune rurale qui comptait à sa naissance moins de mille habitants. Il était le dernier-né de sa fratrie, venant après Germain né en 1904, et Claire née en 1907. La famille Jayne était domiciliée en 1911 au 8 boulevard Gambetta à Cuges. En 1931, elle avait déménagé dans le quartier du Castellet.


Titulaire d’un brevet élémentaire, Henri Jayne passa un Brevet de préparation militaire élémentaire (BPME) avant de s’engager dans l’armée en 1928. Il fut affecté au Dépôt des isolés métropolitains à Marseille. L’année suivante, il en fut réformé pour pleurésie et reçut une pension d’invalidité de 20 % définitif. Selon un article nécrologique publié dans La Marseillaise en 1991, il adhéra au PCF en 1930. Il se maria à Marseille le 15 septembre 1932 avec Valentine Lauze dite "Tite", issue d’une famille de militants communistes. Le couple aura deux filles : Jeanne, en 1937 à Marseille, et Suzanne, en 1938 à Bormes-les-Mimosas (Var).


Au moment de la défaite française face à l’armée allemande, Henri Jayne était fonctionnaire des Eaux et Forêts à Bormes-les-Mimosas, dans le massif des Maures, en tant que garde-forestier. Le 15 juin 1940, il fut repris au service auxiliaire, affecté au Centre militaire des bois de guerre (CMBG) à Aix-en-Provence au grade correspondant à sa profession. La Marseillaise précise qu’à partir d’octobre 1940, la maison qu’il habitait avec sa femme abrita une imprimerie clandestine de la Résistance et constitua un centre d’hébergement de patriotes venus de la zone occupée ou recherchés par les Allemands. Les Jayne devinrent des éléments importants dans la constitution du maquis des Maures. Henri avait comme responsables directs "Alix" (probablement Alix Macario) et "Marco". En octobre 1942, il fut nommé chef de brigade à La Motte-du-Caire, dans les Basses-Alpes (actuelles Alpes-de-Haute-Provence). Le couple s’installa dans la maison forestière de Beauséjour, qui se changera à son tour en lieu de passage de résistants.


Dans le dossier de demande d’appartenance aux FFI qu’il remplira en 1949, Henri Jayne date son passage à la résistance individuelle à 1943. Il semble minimiser son rôle autant que la nature collective de son engagement, comme en attestent les nombreux faits qu’il énumère au titre d’actions "individuelles" : organisation de maquis, recrutement de jeunes des cantons de Turriers et La Motte-du-Caire, cache de réfractaires au STO dans les exploitations forestières et dans les fermes, confection de fausses cartes d’identité et liaison avec l’Armée secrète (AS) de Sisteron.

Au sein de l’AS, il déclarera avoir été actif à Saint-Geniez et Valavoire. Le 2 décembre 1943, il rejoignit les FTPF sous le matricule 62.658 et "Forester" pour nom de guerre. Membre de la 12e compagnie des Basses-Alpes, il assuma des fonctions de renseignements, d’intendance et de ravitaillement pour le secteur qui comprenait Sisteron, La Motte et Turriers. Avec l’aide des garde-forestiers de sa brigade, des pontiers et de gendarmes de La Motte, il fournissait des renseignements sur les mouvements des troupes ennemies. Il eut notamment pour chefs Yvan Beck dit "Tito" et Jean Pignol dit "Géo" et fut actif dans les secteurs de Sigoyer, Bayons, Thèze, Seyne et La Motte.


En décembre 1943, il était en contact avec le maquis du col de Blaux, le camp Robespierre, situé sur la commune de Curbans. Un certain Robert donnait les directives. Jayne écrit ailleurs à la main le nom de famille de ce Robert, mais il est difficile à lire [ça pourrait être Goy, Gay, Geay ou Graf]. Il commente : « Ce maquis était camouflé dans une coupe de bois sous ma surveillance. » Dépendant de l’AS, le camp était essentiellement composé de communistes ou d’anciens communistes. Il fut pris par les Allemands durant la nuit du 11 au 12 décembre, vraisemblablement suite à une infiltration. 14 maquisards furent capturés et seront jugés par le tribunal militaire de Lyon. 10 d’entre eux seront exécutés, un sera déporté et deux Italiens seront condamnés à dix ans de travaux forcés. Henri Jayne prit part à des coups de main et des embuscades sur la route de Gap à Sisteron. Le 6 juin 1944, il recruta des jeunes avec lesquels il était déjà en contact pour les mobiliser. Après les avoir harangués, il en conduisit une vingtaine à Saint-Geniez pour servir à l’AS et une dizaine qu’il mena à Thèze pour servir aux FTPF. Dans l’AS il eut aussi comme chef direct David dit commandant André.


Pont de Monêtier-Allemont sur la Durance (carte postale ancienne)
Pont de Monêtier-Allemont sur la Durance (carte postale ancienne)

D’après le livre que le résistant Jean Garcin consacra à la Résistance dans les Basses-Alpes, les 12e et 17e compagnies de FTPF effectuèrent des opérations conjointes en juin et juillet 1944. Du 15 au 20 juin, par exemple, elles réalisèrent des barrages et un contrôle des routes sur la Nationale 85. Le 8 juillet encore, tandis qu’une équipe menée par "Moreno" (Nicolas D’Alessio) partait faire sauter le pont routier de Laragne, Henri Jayne faisait partie d’une autre menée par Georges Beauchaton qui s’attaquait aux ponts sur la D 4 et sabotait celui de Monêtier-Allemont (Hautes-Alpes). Jayne fut nommé à Digne officier du matériel par le lieutenant-colonel "Noël" (Georges Bonnaire). Le 21 juillet, les chefs des deux compagnies élaborèrent une stratégie pour s’emparer de la citadelle de Sisteron. Le mois précédent, une évasion collective avait eu lieu, révélant une faille dans la sécurité de la place-forte. Pendant trois jours à peine 12 hommes et 5 feldgendarmes allaient assurer sa protection. 47 détenus étaient encore à l’intérieur. Quatre groupes furent formés. Deux de sécurité – au Sud (vers Bons-Enfants) et au Nord (sur la route de Gap) – devaient effectuer des actions habituelles de barrage. Un groupe de protection en ville devrait sécuriser et, si nécessaire, renforcer le quatrième groupe, le clou de la stratégie. Ce dernier était un faux convoi constitué de dix maquisards déguisés pour moitié en gendarmes (grâce à des complicités dans la gendarmerie qui leur avaient fourni des uniformes), les autres jouant le rôle d’évadés repris et reconduits à la citadelle. Les faux prisonniers avaient été chronométrés pendant qu’ils s’entraînaient à remonter leurs mitraillettes. Les plus rapides d’entre eux avaient été sélectionnés pour intégrer le groupe. Leurs armes en pièces détachées étaient cachées dans leurs musettes. À 6h30 du matin, le faux convoi pénétra dans la citadelle et en prit possession sans que les résistants ne perdent un seul homme.


Les compétences professionnelles d’Henri Jayne, comme la boussole forestière et le levé de plan, étaient précieuses à son organisation. Il participa au Service B, réseau de renseignements mis en place par le Komintern, et assura la liaison avec la 12e et la 17e compagnies FTPF dans les actions de la citadelle et sur la Nationale 85. Il fut courrier et officier de liaison pour Yvan Beck dit "Tito", pour François Armenier dit "Pavel" ainsi que pour d’autres responsables FTP. Ailleurs il cite d’autres pseudonymes de ses supérieurs directs, comme Andoche et Le Professeur.


Le 1er septembre 1944, Jayne partit en renfort à Digne et s’engagea pour la durée de la guerre dans la demi-brigade bas-alpine avec le grade de sous-lieutenant. Rattaché au 158e dépôt d’infanterie à Digne jusqu’au 30 novembre 1944, il fut désigné pour l’École des cadres à Aix-en-Provence. Dans sa fiche individuelle d’officier, il exprimait le souhait d’être affecté au CMBG lorsqu’il serait reconstitué ou d’être employé à des travaux forestiers qui pourraient être utiles à l’effort de guerre.

Il était passé adjudant des Eaux et Forêts et revenu à La Motte-du-Caire dans la maison forestière de Beauséjour. Le chef départemental des FFI, "Noël" (Georges Bonnaire), annotait à son propos le 15 novembre : « Très bonne instruction générale. Moralité très bonne. Très actif. Très discipliné. Adjudant d’active des eaux et forêts. Apte à commander aux sections. » Le chef régional FFI Henri Simon ajouta le 19 décembre : « Nommé sous lieutenant (sous réserve d’une visite médicale) ». Jayne tomba néanmoins malade et fut renvoyé dans ses foyers en réforme dans le courant du mois.


On lui décerna la médaille d’Honneur des Eaux et Forêts par arrêté du 24 août 1945 en récompense de sa participation à la Résistance et de son action contre l’ennemi (publication au JO le 9 septembre 1945). Il était depuis passé en exercice à Aubagne.


En mai 1949, il remplit un dossier de demande d’appartenance aux FFI. Il avait des attestations écrites de Jean Pignol, commandant du dépôt d’infanterie 158 (camp Maud’Huy, Digne) et ex-commissaire aux effectifs FTPF des Basses-Alpes, certifiant qu’il avait bien appartenu aux FTP, et de Paul Roux, chef du bureau de liquidation FTPF des Basses-Alpes, qui témoignait qu’il avait servi comme intendant dans la 12e compagnie. En plus de "Forester", il avait eu comme pseudonymes "Jampol" et "Moki" dans la clandestinité.

Henri Jayne reçut un certificat d’appartenance aux FFI, signé le 14 septembre 1949 par le général de corps d’armée Magnan, commandant la IXe région militaire par délégation, pour ses services rendus dans les FTPF du secteur 2 de Sisteron (Basses-Alpes). Il était domicilié villa « Clos des Fauvettes » à Aubagne. La commission nationale d’homologation FFI lui attribua finalement le titre de sous-lieutenant en date du 10 avril 1952 (publication au JO n°97 du 20 avril 1952, p. 4154) avec prise de rang au 9 juin 1944.


L’article nécrologique que lui consacra La Marseillaise le 7 août 1991 mentionnait qu’il fut dirigeant du PCF dans les Alpes et les Bouches-du-Rhône (sans plus de précisions), responsable de la CGT à l’ONF, qu’il reçut en 1965 la Médaille du courage et du dévouement pour son action contre les feux de forêt. Passionné par la nature, il transmit son amour des arbres aux jeunes générations en se consacrant à l’éducation forestière des écoliers. De 1971 à 1977 il fut conseiller municipal à Cuges-les-Pins, dans l’opposition au maire de droite, l’avocat Pierre Cornille. Il était aussi membre de l’ANACR.


Henri Jayne fut enterré le 7 août 1991 à Cuges en présence du maire communiste de la commune, l’instituteur Jean-Claude Molina, et d’Alix Macario, ancien chef FTPF du maquis des Maures.


En plus de sa femme Valentine Lauze, qui fut une militante communiste, il y avait un certain nombre de figures engagées dans son entourage : son beau-père Louis Lauze et Catherine Lauze, née Filippi, la seconde femme de celui-ci, sa belle-sœur Mireille Lauze, demi-sœur de Valentine tragiquement disparue à Ravensbrück. Sa fille aînée Jeanne épousa Alain Fabre, qui fut pendant plus de vingt ans le rédacteur en chef de La Marseillaise.

 

Sources : SHD, Vincennes GR 16 P 307673. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, Recensement de la population de Cuges-les-Pins, 1911, 6 M 423 ; 1931, 6 M 467. — Arch. de la Fédération PCF des Bouches-du-Rhône, Questionnaires biographiques, articles de presse, correspondance 315 J 631, Jayne Fortuné 1 AV 1642. — Jean Garcin, De l'armistice à la libération dans les Alpes-de-Haute-Provence : 17 Juin 1940-20 Août 1944, Presses B. Vial, 1983. — Propos recueillis auprès de sa fille Suzanne. — Site Match ID, Acte n°9, Source INSEE : fichier 1991, ligne n°315602.


Version au 10 décembre 2025.

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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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