GIANNETTI Armand [né GIANNETTI Armanno, Ottorino]
[Cette biographie s'inspire d'un texte originellement écrit par Antoine Olivesi et Jean-Marie Guillon ainsi que d’un article signé Louis Botella. Je les ai rassemblés et complétés, en mettant en gras mes propres apports pour pouvoir les distinguer.]
Né le 18 août 1893 à Bientina (province de Pise, Italie) ; métayer ; militant communiste de Martigues (Bouches-du-Rhône) ; syndicaliste CGTU ; responsable de la cellule locale des Amis de l’URSS ; interné.
Arrivé en France à l’âge de trois ans avec ses parents, Jacobo Giannetti et Caroline Vincenti, Armand Giannetti s’était marié en 1919 en Italie avec Rachele Zambelli, et, devenu veuf, avait épousé en 1929 à Martigues Blanche Bidot. Il avait combattu dans l’infanterie italienne pendant la Première Guerre mondiale. Naturalisé par décret le 27 juin 1928 (sur intervention de Fernand Bouisson, président de la Chambre des députés et élu des Bouches-du-Rhône d’après lui), il habitait Martigues (Bouches-du-Rhône) depuis le début du siècle. Accidenté du travail et sans doute pensionné, il était, depuis 1931, le secrétaire du groupement autonome des mutilés et invalides du travail de Martigues. En 1940, il n’avait pas de profession définie d’après la police, jouant le rôle d’écrivain public, s’occupant des démarches en faveur des accidentés du travail, intervenant pour les expulsés pour solliciter des délais. Il était aussi un militant communiste ardent. Il dira avoir adhéré au parti en 1927.
Dans un rapport sur la propagande communiste qu’il adressait le 19 août 1927 au Directeur de la Sûreté générale, le commissaire de police Tomasi de Martigues mentionnait que les chefs des cellules de la région avaient recruté près de 140 membres en trois jours dans différentes usines, suite aux ordres du rayon de Marseille. Il ajoutait que « tous ces membres, affiliés maintenant à la CGTU, [étaient] en partie des étrangers de nationalité italienne ou espagnole ». Parmi les « étrangers propagandistes », membres de la cellule de Martigues, "Armando" Giannetti, Joseph Negro, Giuseppe Bastoni et Vincenzo Alphonsi avaient été identifiés. Giannetti était alors métayer dans la commune. Toujours aux dires de Tomasi, les militants avaient intensifié leur propagande près du secteur industriel stratégique de Caronte. L’usine Verminck y employait 900 ouvriers et les Établissements maritimes de Caronte voyaient leur production s’envoler. Celle-ci devait passer de 30 à 40.000 tonnes à environ 700.000 tonnes en janvier 1928, faisant du port maritime le 7e de France pour son trafic. Les dockers CGTU de Marseille comme les communistes voyaient cette évolution avec intérêt et tentaient d’y recruter de nouveaux adhérents. Une cellule communiste était d’ailleurs en formation dans le secteur de Croix-Sainte. La Direction de la Sûreté écrivit à Tomasi qu’"Armando" Giannetti était arrivé à Martigues en 1906 depuis Marseille, qu’il avait deux enfants en bas âge avec sa femme Rachelle et qu’il était à ce moment-là à Barrême (Basses-Alpes) à l’Hôtel Gilbert.
Dans un nouveau rapport du 28 novembre 1928, le commissaire Tomasi informait sa hiérarchie que Giannetti était domicilié Villa Montplaisir, Pointe Paradis, à Martigues. Sans profession, il aurait eu l’intention d’organiser une section syndicale CGTU dans la commune, ayant déjà fait adhérer « de nombreux ouvriers et garçons coiffeurs de la région ». En revanche, le matin-même, il n’avait pas réussi à convaincre les ouvriers charretiers de demander une augmentation à leurs patrons. Une permanence hebdomadaire devait être mise en place tous les dimanches de 10h à midi, au siège du syndicat CGTU, 20 Rue Capoulière, 1er étage, à Martigues. Une notice individuelle sur Giannetti accompagnait le rapport. Elle rappelait qu’au moment des élections législatives et du Conseil d’arrondissement, il avait fait campagne pour le communiste Marty, faisant le collage des affiches. Il était en possession d’un passeport pour l’Italie où son épouse se trouvait hospitalisée.
D’après la police, Armand Giannetti était « secrétaire général » de la cellule communiste de Martigues en 1930 et président de la section locale des Amis de l’URSS. L’un de ses deux enfants était prénommé Lénine. Il avait créé un incident au cimetière, devant le monument aux morts, le jour de Toussaint 1933, en prenant la parole après le maire, pour dire qu’il « unissait dans une même pensée les accidentés du travail et les morts au soi-disant champ d’honneur, victimes les uns des patrons et les autres des parasites du gouvernement ». Le commissaire de police demanda alors sa déchéance de nationalité.
En novembre 1936, un Giannetti – probablement le même – était le secrétaire du syndicat général CGT des travailleurs de l’Alimentation du canton de Martigues.
Giannetti écrira dans un texte en défense, signé le 18 août 1940, qu’il avait démissionné du parti communiste et n’avait adhéré à aucun parti depuis, ajoutant que les communistes de Martigues et Port-de-Bouc avaient lancé « une campagne de diffamation » contre lui avec un article dans Rouge-Midi du 7 avril 1934 et qu’il lui reprochaient l’autonomie de son groupement.
Il fut arrêté le 28 septembre 1939 pour propos défaitistes, écroué quarante-cinq jours à la maison d’arrêt d’Aix-en-Provence, puis au Fort Saint-Nicolas à Marseille (Bouches-du-Rhône) et finalement condamné le 28 mars 1940 à un an de prison et 1 000 francs d’amende par le tribunal militaire de la XVe Région. D’après lui, il aurait été dénoncé par un lieutenant qui l’aurait entendu dire le 8 septembre, à 9 heures du soir, dans le bar Cyrnos de Port-de-Bouc, à des militaires que « les officiers ne s’occupaient pas [d’eux et qu’ils étaient] mal habillés et mal nourris ». Dans le texte déjà cité du 18 août 1940 (intitulé « Mémoires »), il se défendait d’avoir été un défaitiste, se disait fier d’être français et proclamait son amour pour la France. Il rappelait qu’il avait organisé en 1938 et 1940 des fêtes de bienfaisance en faveur de l’œuvre antituberculeuse des Bouches-du-Rhône, patronnées par les autorités politiques et militaires, qu’il avait incité les étrangers à s’engager en août 1939 et avait rempli plusieurs demandes, qu’il s’était lui-même engagé dans une compagnie de travailleurs militaires et avait rejoint la poudrerie de Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône) le 5 septembre (alors qu’il n’aurait dû y aller que le 25) et que le tribunal militaire avait suspendu sa peine et l’avait libéré le 18 avril 1940.
Il avait rejoint alors la poudrerie mais avait été libéré avec la classe 13, soit le 11 mai suivant. Cette défense intervenait après que la Police spéciale ait proposé, le 19 juillet, sa déchéance de nationalité et son éloignement du territoire français. Il fut l’objet d’un arrêté d’internement administratif, le 20 septembre 1940 et envoyé au camp de Chibron (commune de Signes, Var). Il figurait sur la liste des communistes "dangereux". À la dissolution de Chibron, il fut transféré le 16 février 1941 à Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). La Police spéciale donna un avis défavorable à sa libération le 15 septembre suivant. Auditionné par le commissaire du camp de Saint-Sulpice, le 5 juin 1942, il assura avoir démissionné par écrit du parti communiste en février 1928 par suite de désaccord. Selon la formule consacrée, il condamnait et reniait le parti et le pacte germano-soviétique, était disposé à signer volontiers l’acte de loyalisme au gouvernement actuel et s’engageait à suivre le Maréchal dans sa politique de Révolution nationale. Le chef de camp donna un avis favorable car il s’était publiquement désolidarisé des meneurs des incidents du 2 avril (la protestation contre l’envoi d’internés en Afrique du Nord) et était revenu de ses idées « de façon absolue ».
Sources : Registro degli atti di nascita del comune de Bientina, 1893, N. 80 (archives du site internet Family Search). — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M 6/11379, rapport du sous-préfet d’Aix du 18 janvier 1934 et 5 W 187 (dossier d’internement). — Arch. Dép. Var, 4 M 291 (Jacques Girault). — Arch. Nat., Dossiers nominatifs du fichier central de la Sûreté nationale (1870-1940), 19940448/177, Dossier 15105. — Rouge Midi, organe régional hebdomadaire du Parti communiste, 17 novembre 1936 (BNF Gallica).
1ere version d’Antoine Olivesi et Jean-Marie Guillon pour le Maitron : 10 septembre 2022.
Doublon de Louis Botella dans Le Maitron : 11 mai 2018.
2e version complétée par moi : 8 septembre 2024.
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