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Renaud Poulain-Argiolas

ROMANO Dominique [ROMANO Domenico, Bruno, Saverio]. Pseudonymes dans la clandestinité : ROUVIER Denis ; ROMAN Donat

Dernière mise à jour : 5 nov.

Né le 14 janvier 1921 à Castiglione Messer Raimondo (province de Teramo) dans les Abruzzes (Italie), mort le 30 janvier 1998 à Codognan (Gard) ; employé de la SNCF à Miramas (Bouches-du-Rhône), boucher, puis employé de bureau ; militant des Jeunesses communistes d’Arles – Fourques (Bouches-du-Rhône et Gard) ; résistant de l’Organisation spéciale, du Front national de lutte pour la libération et des Francs-tireurs et Partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) du secteur d’Arles, chef de groupe FTP-MOI, puis chef de détachement sur le secteur d’Arles-Saint-Rémy-de-Provence ; interné ; arrêté par la Gestapo, évadé ; représentant de la MOI au sein du Comité local de Libération d’Arles ; engagé dans l’armée de libération.


Dominique Romano en 1944

Domenico Romano était le fils aîné de Donato Romano, qui fut cultivateur, manœuvre et terrassier, et de Giocondina Migione, sans profession, tous deux originaires de Castiglione Messer Raimondo (province de Teramo) dans les Abruzzes (Italie). Son père avait été mobilisé sous l’uniforme italien pendant la Première guerre mondiale. Fait prisonnier, il avait dû rester en Bohème jusqu’à sa démobilisation fin 1918. La famille était arrivée en France en 1923 avec ses deux enfants, Domenico et Stefanina, née cette année-là. Elle déménagea à plusieurs reprises dans les Alpes-Maritimes, l’Ardèche, puis le Gard et s’installa à Fourques en janvier 1930. Elle s’était s’agrandie par de nouvelles naissances : Adelina en 1926, Anna en 1928, Émile en 1929, Odette en 1932, Marguerite en 1934, Étienne en 1941. Un autre de leurs enfants était décédé en bas âge.


Domenico fréquenta l’École publique de garçons de Fourques et obtint le certificat d’études primaires. D’après un rapport que le préfet du Gard produira longtemps après, il adhéra aux Jeunesses communistes de la section d’Arles-Fourques dont il fut un élément très actif. Son père Donato participait lui aussi à des réunions communistes. Le 23 juillet 1935, tous les membres du foyer furent naturalisés français (annonce au JO le 28 juillet). Jusqu’en juin-juillet 1940, les Romano vivaient tous ensemble dans le quartier de la Fabrique. Domenico était employé par la SNCF au service de l’exploitation de la gare de Miramas (Bouches-du-Rhône). Quand il fera sa demande de certificat FFI fin 1950, il mentionnera avoir fait de la résistance individuelle de juillet 1940 à juin 1941 en participant à des collectes de fonds et de vivres en faveur des prisonniers politiques d’Arles et de leurs familles.


Une ellipse dans son parcours professionnel nous fait le retrouver début août 1940 à Port-Saint-Louis-du-Rhône, employé chez M. Pernelle, boucher-charcutier. Il y resta jusqu’à fin juin 1941, incorporé le 1er juillet au groupement n°19 des Chantiers de jeunesse à Meyrueis (Lozère). Après son retour, qu’il date au 28 février 1942 – ou, selon les versions, au 18 mars 1942 – il rejoignit l’Organisation spéciale, dont le colonel Fabien (c’est lui qui le soulignait) avait contribué à poser les bases, en donnant son adhésion à Gino Rocchi, responsable d’un triangle.

Au mois de mars, il fut embauché chez M. Godillon-T.P., chemin de l’abattoir à Arles. Il adhéra aux Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) d’Arles le 18 juillet 1942. Il y mena l’activité dite politique, en lien avec l’imprimerie, la rédaction et la diffusion de tracts, de papillons et de journaux clandestins. L’organisation lui donna pour consigne de conserver ses occupations habituelles. Désigné pour partir au STO au mois d’octobre, il fut réfractaire.


Dans un courrier du 14 octobre 1941, Angelo Chiappe, préfet du Gard, interpella le secrétaire d’État à l’Intérieur de Vichy au sujet de la famille Romano. Il pointait du doigt les cas de Donato et « Dominico » (son prénom est déformé). À propos du premier, Chiappe écrivait : « Sympathisant communiste, il suivait son fils Dominico, élément notoire du parti communiste, dans tous les mouvements de l’ex-parti. Guidé par ses intérêts, il fréquentait tour à tour l’Église et la cellule. » Et plus loin : « Dominico Saverio Bruno, actuellement au camp de Jeunesse 19 (...) était un élément des plus en vue de la Section Arles-Fourques des Jeunesses Communistes. À la suite d’une diffusion de tracts communistes à Arles, une perquisition opérée au domicile de l’ancien Secrétaire général des Jeunesses Communistes, a permis d’établir que ce dernier était encore en relations avec Romano Dominico, qui a mené une campagne néfaste lors du Front populaire. Communiste convaincu, Romano Dominico, primaire mais très intelligent, est considéré comme dangereux dans l’intérêt national. » En conclusion, le préfet demandait l’application de la loi du 22 juillet 1940 (sur la révision des acquisitions de la nationalité française) en l’étendant à la mère et aux six autres enfants, « considérés comme douteux ». Fin décembre, le secrétaire d’État à l’Intérieur écrivit à ce propos au Garde des Sceaux. La commission de révision des naturalisations décida le 12 février 1942 le « retrait général », décrété le 3 août 1942 (annonce au JO le 21 août). Le 27 octobre, Paul Wiisler, commissaire de police principal aux Renseignements généraux de Nîmes, avisa les concernés de leur dénaturalisation. Il leur retira cartes d’identité et décrets de naturalisation.

 

Angelo Chiappe rédigea le 24 novembre un arrêté visant Domenico Romano. Ce dernier fut arrêté le 27 novembre par la gendarmerie de Beaucaire pour activité antinationale, incarcéré à la maison d’arrêt de Nîmes et interné le 4 décembre au camp du Vernet (Ariège), quartier B. Le 3 février 1943, un arrêté ministériel demandait en outre son expulsion de France. Libéré du camp du Vernet le 13 mai 1943, Romano entra en contact avec les responsables locaux de la MOI. Pour des raisons de sécurité on ne lui fit reprendre son activité que plus tard. Entre-temps il s’occupa de la liaison avec l’organisation de la résistance du camp. Le 5 septembre 1943, il fut versé à la section militaire de la MOI (Main-d’oeuvre immigrée). Il donna son adhésion verbale à Carmignani dit "Henry le coiffeur", responsable du recrutement pour le secteur Nord des Bouches-du-Rhône. Le chef de secteur était Alfredo Mordini alias "Richard". Romano avait le matricule 64.119 et pour pseudonyme "Denis Rouvier". Il se fera aussi appeler "Donat Roman". Il succédait à Gino Tuccini, autour de qui la MOI arlésienne s’était organisée. L’organisation disposait d’armes individuelles (pistolets, revolvers), de grenades et d’explosifs. De septembre 1943 à avril 1944, il prépara la désertion des soldats italiens prisonniers des Allemands au camp d’aviation des Chanoines en liaison avec la section politique de la MOI. À l’intérieur du camp, il sabota les constructions et les travaux.


En octobre 1943, il avait repris son travail chez M. Godillon-T.P. Le mois suivant, il était nommé chef de groupe par Mordini alias "Richard" à Arles avec le grade de sergent. Il dirigea un groupe de neuf hommes sur le secteur d’Arles et de ses environs, une zone d’action qui ne semblait pas vraiment délimitée. Dans le prolongement de la création du CNR (Conseil national de la Résistance) se tint le 6 février 1944 la première réunion clandestine du Comité local de Libération d’Arles, à La Roquette, 16 rue Lagoy. Pierre Pouly le présidait, avec Henri Morand (Front national) comme secrétaire et Julien Chavoutier (Armée secrète) comme chef militaire, chargé de coordonner les opérations et organiser l’insurrection de la ville. Dominique Romano représentait la MOI, Victorin Mourgues les FTPF, Georges Tinarage les Milices patriotiques) et Léon David le Parti communiste, Cartier le Parti radical et Coulomb la CGT (s’agirait-il d’Émilien Coulomb ou d’Émile Coulomb ?). Les avis étaient partagés au sein du comité. Si les communistes souhaitaient poursuivre l’action immédiate, tenant l’insurrection pour l’achèvement de tout le travail accompli jusque là, les autres, plus prudents, désiraient bien préparer le terrain avant de passer à l’offensive. Le 13 avril 1944 au matin, la Gestapo française arrêta Dominique Romano comme réfractaire au STO. Il s’évada pendant son transfert devant le cinéma « Le Studio », où étaient détenus réfractaires et victimes de rafles. Il cessa dès lors d’avoir toute occupation légale.


En mai 1944, Mordini dit "Richard" le nomma chef de détachement à Arles. Il avait de vingt-cinq à trente hommes sous ses ordres, comprenant les groupes d’Arles et de Saint-Rémy-de-Provence. Jusqu’en juillet 1944, il assura la liaison entre les maquis MOI du Gard (avec le commandant Pierre) et le Centre à Marseille. À la tête de son groupe, il participa à plusieurs sabotages sur les voies ferrées de la ligne Avignon-Marseille (de Graveson à Raphèle), provoquant des arrêts de trafic importants, ainsi que sur des pylônes à haute tension de ligne de la Camargue et de la Papeterie à Arles. Cela paralysa la construction du mur de la Méditerranée. Après le débarquement allié en Provence du 15 août, le Comité local de Libération désigna une commission militaire menée par Julien Chavoutier – et comprenant Victorin Mourgues et Henri Morand – pour préparer le soulèvement à la villa Lascol, à Pont-de-Crau, le 18 août. Les troupes allemandes furent chassées par l’insurrection populaire des 22, 23 et 24 août 1944 : la caserne, l’hôtel Jules César (siège de la Kommandantur), la mairie et la sous-préfecture d’Arles furent prises grâce à l’action des Milices patriotiques, des CFL (Corps francs de Libération), des FTPF et du groupe espagnol de la MOI, sous le commandement du commandant Chavoutier (Armée secrète) et du capitaine Tinarage (FTPF). La section MOI fut scindée en deux demi-groupes : l’un avait pour mission de défendre l’usine électrique du Pont-de-Crau aux côtés Chavoutier et du lieutenant Ernest Agostini ; l’autre – avec Dominique Romano – prit part aux combats de la route de Tarascon, de la gare et de la Porte de la Cavalerie. Le second groupe laissa un mort et un blessé.


Après la Libération, Dominique Romano s’engagea dans le 1er bataillon du 3e Régiment Rhône et Durance à Arles. Il signa un engagement pour la durée de la guerre. À la dissolution du régiment, il fut versé au bataillon 5/15, puis muté au bataillon 6/15 à Tarascon le 25 novembre 1944 et au bataillon 21/15 (Haute-Tinée) le 28 décembre. Il fut détaché pour stage à l’École des cadres de Puget-Théniers-Entrevaux du 11 janvier au 8 avril 1945 et rejoignit le lendemain le bataillon 21/15, affecté à la 4e compagnie de la campagne des Alpes (avril-mai) et muté au 3e RIA, stationné dans le secteur de Nice-Hyères (juin-août). Jusqu’en février 1946, il était actif dans la 446e compagnie du Dépôt de PGA (Prisonniers de guerre allemands) n°156 (février à juin), puis au Dépôt de PGA n°153 d’Hyères, d’où il fut démobilisé le 30 septembre 1946.


D’après les informations qu’il donna sur lui à la fin de l’année 1944 dans sa fiche individuelle d’officier FFI, il était alors boucher et célibataire. Il vivait à Fourques avec sa mère, devenue veuve, et avait la charge de ses quatre frères et sœurs les plus jeunes. En décembre 1946, il fut décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze par le général de division Olleris, commandant de la IXe région militaire, et cité à l’ordre du régiment : « Lors de la libération de la ville d’Arles, prend part avec son groupe à la défense de l’Hôtel-de-ville et à la prise de la caserne, ainsi qu’aux combats de la route de Tarascon. Bon entraîneur d’hommes, a toujours fait preuve d’abnégation et de courage devant le danger. » En mai 1948, il fut promu lieutenant de réserve (JO du 4 octobre 1949). Employé de bureau, il était domicilié 23 quai de la Roquette à Arles. En mars 1952, il était lieutenant de réserve, en octobre le secrétariat d’État à la Guerre l’homologuait sous-lieutenant (annonce au JO le 13 novembre).


Romano eut du mal à fournir des attestations de ses anciens responsables pour témoigner de son engagement dans la Résistance. Georges Tinarage dit "Georges le sportif" certifia qu’il avait également rejoint le Front national en septembre 1942. Par contre, il avait perdu le contact avec les chefs de la MOI, nombre d’entre eux étant retournés vivre dans leur pays d’origine. Néanmoins il donna aux autorités militaires les noms de :

- Gino Rocchi, alias "Cino", chef de groupe demeurant à Arles,

- Alfredo Mordini, alias "Richard", chef de détachement, entré dans la police à Milan,

- "Pierre", chef de secteur, rapatrié en Bulgarie,

- "Bernard", chef départemental MOI, rapatrié en Tchécoslovaquie,

- "Georges", chef inter-départemental MOI, rapatrié en Roumanie,

- "Gaston", chef inter-régional MOI, passé après la Libération au "Comité Allemagne libre",

- "Gusti",commissaire technique régional, dont il ignorait l’adresse,

- "Pierre", chef des maquis MOI du Gard.

Parmi les responsables régionaux des FTPF de la Zone Sud, il mentionnait le Commandant Callas, commissaire aux opérations régional, et Colonel Henry Simon, chef régional pour la région de Marseille. En avril 1952, la IXe région militaire lui attribua finalement un certificat d’appartenance aux FFI, signé du général de division Molle, commandant la région militaire, et du général de division Raynal, pour ses services dans les FTPF-MOI de septembre 1943 à fin août 1944.

On perd la trace de ses engagements par la suite.


Sources : Archives nationales en ligne, BB/27/1422-BB/27/1445 (dénaturalisés de Vichy). — SHD Vincennes, GR 16 P 519049. — Résister en pays d’Arles : 1944-2014, 70e anniversaire de la Libération, Actes Sud/Association du Musée de la Résistance et de la Déportation d’Arles et du Pays d’Arles, 2014 (pp. 101, 138-139). — Site Match ID, Acte n°00005, Source INSEE : fichier 1998, ligne n°317959.


Version au 4 novembre 2024.

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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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