top of page
  • Twitter
  • Facebook
  • Instagram

CAPPOËN Ernest, Louis

  • Renaud Poulain-Argiolas
  • il y a 3 jours
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 14 heures

Né 16 janvier 1907 à Flers-en-Escrébieux (Nord), mort le 30 Mars 1977 à Flers-en-Escrébieux ; ouvrier mineur, conducteur de locomotive (mécanicien) ; militant communiste du Nord ; résistant des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF), chef de groupe de Pont-de-la-Deûle – Flers-en-Escrébieux ; déporté.


Le père d’Ernest Cappoen était Henri Louis Cappoen, quarante ans, né à Méteren. Il fut successivement magasinier, employé de verreries et employé des mines. Sa mère, Marie Rose Bonnet, trente-quatre ans, née à Vred, fut servante et donna naissance à neuf enfants. Parmi les membres de la fratrie, Paul (né en 1894), Maurice (1898), Germaine (1901), Henri (1904), Georges (1909) et Romanie (1914) parvinrent également à l’âge adulte. Ernest vit le jour au domicile de ses parents, situé rue de L’Escarpelle – du nom de la compagnie minière – à Flers-en-Escrébieux. Paul Cappoën, caporal dans le 1er régiment d’infanterie, mourut de ses blessures aux Islettes (Meuse) en 1916. Il fut reconnu « Mort pour la France ». Henri Cappoën, leur père, fut une victime civile de la Première guerre. Tué en juillet 1918, il fut de même reconnu « Mort pour la France ». La famille habitait alors rue des Frères Pasquet à Flers. Maurice Cappoen, nouvel aîné des garçons, devint soutien de famille, tandis qu’Ernest, Georges et Romanie, les plus jeunes, furent adoptés par la Nation par un jugement du tribunal civil de Douai le 31 décembre 1919.


Comme tous ses aînés masculins dans le foyer, Ernest Cappoën travailla à la mine. Il était ouvrier mineur lorsqu’il se maria à Flers le 7 novembre 1925 avec Philomène Stiévenard, servante, native de Lallaing. Leurs témoins étaient son frère Maurice Cappoen et son beau-frère Eugène Lalande, époux de Germaine Cappoën. Le couple aura deux enfants : Charles en 1926 – qui mourut âgé d’à peine quelques jours – et Claude en 1932. 


Lors de la défaite française de juin 1940, Ernest Cappoën travaillait comme conducteur de locomotive (mécanicien) aux Mines de L’Escarpelle. Il déclarera après la guerre avoir organisé à partir du 14 juillet 1940 la résistance à l’ennemi « à titre individuel » avec d’autres mineurs sur le secteur de Pont-de-la-Deûle – Roost-Warendin. Son groupe, mené par le capitaine Marceau Martin, chef de train aux Mines de L’Escarpelle, membre de l’Organisation spéciale et du Parti communiste clandestin, rejoignit ultérieurement les Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF). De mémoire familiale, Ernest Cappoën était militant du Parti communiste. On peut supposer que c’est la confiance dont il bénéficiait dans le milieu militant qui motiva Martin à lui donner immédiatement la fonction de chef de groupe de Pont-de-la-Deûle – Flers-en-Escrébieux. Il avait vingt-et-un hommes sous son autorité. Leurs réunions se déroulaient à Flers chez Henriette Martin, la mère de Marceau. Cappoën eut comme supérieurs directs Emmanuel Charlet (chef de réseau), René Lejaille (chef de secteur) et plus tard Germain Bédart.

D’autres membres de la famille Cappoën étaient actifs dans les FTP : Maurice et son fils André (dans le même secteur qu’Ernest), Henri dans le Pas-de-Calais.


Avec ses camarades, Ernest Cappoën réalisa des opérations de sabotage : ils plaçaient de la limaille dans les boîtes de graissage des wagons de chemin de fer pour en faire chauffer les coussinets. Ils récupéraient les armes individuelles pour éviter qu’elles soient remises aux Allemands. Cappoën dut donc effectuer des transports d’armes. Il recruta des résistants FTPF et distribua des journaux et des tracts clandestins.

Voici une chronologie des actions auxquelles il dira avoir participé ou auxquelles des camarades à lui associeront son nom :

- 14 juillet 1940 : pancarte, tracts et affiche dans les fils du tramway à Dorignies,

- Août 1940 : déraillement d’un train de charbon aux Mines de L’Escarpelle,

- Septembre 1940 : mise de limailles de fer dans les coussinets de wagons,

- Novembre 1940 : transport d’armes de Roost-Warendin à Pont-de-la-Deûle (environ 5 km),

- Janvier 1941 : participation à la grève des mineurs de L’Escarpelle,

- Février 1941 : transport d’armes de Flines-lez-Raches à Raimbeaucourt (environ 8 km) avec son neveu André Cappoën,

- Février ou avril 1941 : fil téléphonique coupé au champ d’aviation de Cuincy, déraillement d’un train à la sortie de Dorignies avec René Lejaille,

- Avril 1941 : sabotage de la conduite d’air à la Fosse n°9 à Roost-Warendin avec André Cappoën,

- Mai 1941 : déraillement d’un train de matériel allemand à Douai avec Lejaille et Cochez (probablement Albert Cochez), transport d’armes de Flines-lez-Raches à Pont-de-la-Deûle (environ 10 km), participation à la grève des mineurs du Groupe de Douai,

- Juin 1941 : grève des mineurs de L’Escarpelle,

- Juillet 1941 : mise en rapport avec Émile Lafosse à Méricourt-sous-Lens, chez qui il allait chercher des tracts de façon répétée avant de participer à leur distribution, distribution de tracts et collage d’affiches à Auby et Cuincy,

- Août 1941 : explosion du pylône à haute tension entre Lécluse et Goeulzin, avec Lejaille, Cochez et Brabant, vol d’armes allemandes au Polygone de Douai,

- Août ou octobre 1941 : recherche de liaisons à la suite de l’arrestation des chefs Lejaille, Martin et Legroux,

- Octobre 1941 : liaison avec Augustin Cachera et Germain Bédart de Douai, regroupement de résistants,

- 24 décembre 1941 : sabotage de la machine d’extraction de la Fosse n°4 de Carvin avec André Cappoën et Henri Pollet. Ce dernier révèlera qu’ils tentèrent ensemble de faire évader leurs camarades enfermés à la maison d’arrêt de Lille-Loos et condamnés à mort le 13 janvier 1942.

- Janvier 1942 : transport de matériel explosif de Vred à Pont-de-la-Deûle (une quinzaine de kilomètres), par la suite André construisit et mit en place un engin explosif à l’écluse de Fort-de-Scarpe,

- Mars 1942 : coupage de demi-accouplement de wagon à la mine de L’Escarpelle (Pont-de-la-Deûle),

- Mai 1942 : transports d’armes de Frais-Marais à Pont-de-la-Deûle (4 km), 

- Juin 1942 : distribution de journaux clandestins, de tracts et d’affiches sur le secteur de Auby – Flers – Cuincy,

- Juillet 1942 : fil téléphonique coupé entre Douai et Leforest,

- Août 1942 : sabotage d’un train de charbon par bris de freins, récupération de la ronéo chez Emile Lafosse après son arrestation,

- Septembre 1942 : distribution de journaux clandestins et de tracts sur le secteur d’Auby et Douai.

Après l’arrestation de Marceau Martin par la Gestapo le 29 août 1941, les réunions du groupe FTP d’Ernest Cappoën continuèrent à se tenir chez Henriette Martin. C’est René Lejaille qui fut le nouveau chef de secteur. Marceau Martin fut fusillé comme otage par les Allemands le 14 avril 1942 au fort du Vert-Galant à Wambrechies (Nord).


Dans la nuit du 29 au 30 octobre 1942, ce fut au tour d’Ernest Cappoën d’être arrêté par la Gestapo : à son domicile, 23 rue de la Briquette, à Pont-de-la-Deûle, sur la commune de Flers-en-Escrébieux. On le conduisit au quartier allemand de la prison de Cuincy à Douai. Il y fut torturé, mais déclarera ne pas avoir parlé. La section spéciale de la Cour d’Appel de Douai le jugea 4 mars 1943 avec vingt co-accusés pour activité communiste. Les journaux locaux publièrent le lendemain les noms des condamnés :

- Joseph Herlin, 55 ans, employé à la SNCF à Pont-de-la-Deûle, condamné à 5 ans de prison et 60.000 francs d’amende ;

- Giovanni Ficco, 37 ans, mineur à Liévin, condamné à 3 ans de prison et 1200 F d’amende ;

- Efisio Argiolas, 23 ans, monteur à Pont-de-la-Deûle ; Joseph Lis, 43 ans, mineur à Pont-à-Vendin, condamnés à 18 mois de prison et 1200 F d’amende ;

- Ernest Cappoën, 36 ans, mécanicien ; Maurice Cappoën, 45 ans, mineur ; Jean-Baptiste Carlier, 47 ans, mineur ; André Cappoën, 20 ans, mineur ; Joseph Renkin, 53 ans, mineur ; Arthur Wion, 23 ans, mineur à Pont-de-la-Deûle, Edmond Lenne, 20 ans, aide-chaudronnier à Raimbeaucourt, condamnés à 15 mois de prison et 1200 F d’amende ;

- Zéphir Despres (orthographié « Desprez »), 57 ans, retraité des mines ; Émile Gourdin, 40 ans ; Florimond Gabelle (sans doute Florimond Gabelle), 53 ans, débitant de boissons ; Joseph Capelle, 58 ans, mineur ; Léon Riquet, 54 ans, charpentier ; Jules Laine (orthographié « Laisne »), 32 ans, mineur ; Léon Alexandre (ou Allandre – il s’agirait de Léon Allendre), ajusteur monteur ; Camille Veirman, 61 ans, mineur à Pont-de-la-Deûle ; François Rousseau, 40 ans, mineur à Roost-Warendin (il serait question de François Rousseaux, 39 ans) ; Raymond Saudmont, 62 ans, mineur à Cuincy, condamnés à 12 mois de prison et 1200 F d’amende.

Le 8 avril 1943, Ernest Cappoën fut transféré de Douai à la citadelle de Huy (Belgique) dans le convoi I. 91 qui transportait 88 hommes. Son neveu André Cappoen en faisait partie, ainsi que la quasi-totalité de ceux qui avaient été jugés avec eux. Réservé aux otages communistes, ce camp d’internement était utilisé par les autorités françaises du Nord-Pas-de-Calais pour servir aux Allemands de réserve d’hommes à déporter ou à fusiller. C’était de plus le lieu d’emprisonnement utilisé par le SD (service de sécurité de la SS) de Lille pour les hommes non-jugés qui relevaient de la détention de sécurité (Schutzhaft) avant leur transfert dans un camp de concentration.


Inventaire des objets possédés par Ernest Cappoën à son entrée au camp de Dachau [Archives Arolsen]
Inventaire des objets possédés par Ernest Cappoën à son entrée au camp de Dachau [Archives Arolsen]

Ernest Cappoën fut déporté à Vught (Hollande), seul camp de concentration à n’être pas situé sur le territoire du Reich. Enregistré le 23 octobre 1943, il porta le matricule 8021 et séjourna au Blok 17. Sa fiche d’enregistrement mentionnait qu’il mesurait 1,75 m, avait un nez droit, des cheveux bruns, une maigre corpulence, un visage ovale, des oreilles décollées et des yeux bleus. Il avait une seule articulation à deux doigts de la main gauche, ce qui suggère qu’il lui manquait plusieurs phalanges. Au sujet de son passé, on nota qu’il avait une formation scolaire primaire, n’avait pas de confession religieuse et avait fait une année de service militaire en 1927. Le camp était voisin des usines Philips, dans lesquelles les détenus travaillaient de force. La majorité d’entre eux était des opposants politiques, des résistants et des otages. Cappoën arriva le 26 mai 1944 au camp de Dachau, en Bavière, à bord d’un convoi de 580 hommes. On lui attribua le matricule 68743. L’inventaire de ses possessions énumérait une casquette, deux paires de chaussures, une paire de chaussettes, un manteau, un veston, un pantalon, deux pullovers, deux chemises, un bleu de travail, un portefeuille, deux sacs-à-dos, une valise, un couteau et des photos. Lors des dernières semaines de la guerre, Dachau disposait de 169 Kommandos extérieurs, répartis dans le Wurtemberg, en Bavière et dans les régions limitrophes de l’Autriche. Un registre de novembre-décembre 1944 précise que Cappoën travailla à cette époque dans le groupe « Munich 60 ».


Ernest Cappoën déclara avoir été libéré le 28 avril 1945 par les troupes américaines, soit la veille de la libération officielle de Dachau. Peut-être était-il alors dans un Kommando loin du camp principal ? Il quitta le camp le 29 et fut rapatrié d’Allemagne le 1er juin vers le centre d’accueil de Mulhouse (Haut-Rhin). Il y serait arrivé le lendemain. Il était identifié comme malade. Avait-il contracté le typhus qui avait fait de gros dégâts à Dachau à partir de novembre 1944 ? On l’hospitalisa en janvier 1946 dans une maison de repos à Nevers. Il y resta trois mois.


La commission nationale d’homologation des grades FFI N°16.532 nomma Ernest Cappoën adjudant pour la 2e région militaire – subdivision de Lille – le 21 février 1947 avec prise de rang au 1er octobre 1942. La notification était signée du colonel Dauphin, alias "Duc", et du capitaine Savoie, respectivement président et secrétaire de la commission. Il était alors domicilié au 23 rue Marceau Martin à Pont-de-la-Deûle. En février 1948, on lui adressa un certificat d’appartenance aux FFI signé du général de division Chevillon, commandant la 2e région militaire, et du capitaine Lavigne, délégué régional FFCI, pour ses services accomplis du 1er avril 1941 au 29 octobre 1942 dans les FTPF du Nord, secteur de Pont-de-la-Deûle.


En mars 1954, l’Office national des Anciens combattants et Victimes de guerre lui attribua la carte de Combattant volontaire de la Résistance. En revanche, le mois suivant sa demande de carte de Déporté et Interné de la Résistance (DIR) fut rejetée par le ministère des Anciens combattants, qui ne lui attribua que le titre de Déporté politique.

Cappoën sollicita un recours gracieux en mars 1961 auprès du ministère, dénonçant un « abus de pouvoir » commis par la commission nationale d’attribution des titres DIR.


En mars 1964, la police judiciaire de Lille mena une enquête pour vérifier qu’Ernest et André Cappoën avaient bien eu une activité résistante avant leur arrestation. Ernest, âgé de 56 ans, était retraité des Houillères Nationales [les mines avaient été nationalisées en décembre 1944] et domicilié 23 Cité A, rue Marceau Martin à Flers. Au moment de son déposition, il relevait que sur les vingt-et-un condamnés par la section spéciale de la Cour d’Appel de Douai en 1942, seuls trois étaient encore en vie : André Cappoën, Edmond Lenne et lui-même (il oubliait Efisio Argiolas).

Le quartier de la Briquette à Pont-de-la-Deûle (Flers-en-Escrébieux)
Le quartier de la Briquette à Pont-de-la-Deûle (Flers-en-Escrébieux)

Cinq anciens résistants furent interrogés : Efisio Argiolas, ex-chef de secteur du groupement FTPF de Douai-Ouest ; Edmond Lenne, ex-chef de groupe FTPF responsable du secteur Raimbeaucourt ; Henri Pollet, ex-chef du groupe FTPF de Carvin ; Émile Lafosse, ex-commandant du Groupe de Choc des cheminots de Lens ; Mme veuve Henriette Martin, dont les déclarations convergeaient sur le mérite de l’intéressé et son engagement précoce dans la Résistance. La veuve Martin ajouta que c’était chez elle qu’avaient été planifiés le sabotage de la Centrale électrique de la Briquette en septembre 1941, la pose du drapeau français au Monument aux morts de Raimbeaucourt et la collecte de fonds pour les familles des membres arrêtés par la Gestapo, actions auxquelles Cappoën avaient participé.


En décembre 1965, Ernest Cappoën reçut une pension en raison des pathologies qu’il avait développées en déportation. En mai 1966, on lui remit le titre de Déporté Interné Résistant.

Le ministère des Armées lui adressa un certificat de validation des services, campagnes et blessures en mai 1967. Le document le dit blessé le 23 octobre 1943, jour de son arrivée à Vught.


Il fut décoré à plusieurs reprises. Le 7 mars 1962, Pierre Messmer, ministre des Armées, lui remit la Croix du Combattant volontaire 1939-1945. Le 19 novembre 1968, il reçut la Médaille militaire (par décret du 8 novembre 1968). Le 1er décembre 1976, il fut fait Chevalier de la Légion d’honneur (avec prise de rang au 27 février 1977).


Ses frères Maurice Cappoën et Henri Cappoën avaient trouvé la mort à Dachau et Buchenwald. Son neveu André Cappoën était revenu de Dachau.


Sources : Arch. Dép. Nord, État civil de Flers-en-Escrebieux, Naissances 1907, Acte n°2, 3 E 6196. — SHD Vincennes, GR 16 P 105433. — SHD Caen, AC 21 P 721705 (nc). — Archives Arolsen. — [concernant Henri Louis Cappoen] MémorialGenWeb. — Le Réveil du Nord, 5 mars 1943. — Le Grand Écho du Nord de la France, 5 mars 1943. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation.


Version au 25 avril 2025.


Comentários


L'animateur du site :
Renaud Poulain-Argiolas.jpg

Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

Archives des articles

Tags

Pour être informé.e de la parution des prochains articles :

Merci !

bottom of page