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Renaud Poulain-Argiolas

CAPPOEN Maurice, Édouard

Dernière mise à jour : 16 août

Né le 6 avril 1898 à Waziers (Nord), mort le 23 février 1945 à Dachau (Allemagne) ; mineur ; résistant des Francs-Tireurs et Partisans français et du Front national de lutte pour la libération, chef de la section FTPF de Douai-Ouest avec le grade de sous-lieutenant ; déporté.


Maurice Cappoen [photo fournie par Didier Fenain]

Maurice Cappoen vit le jour rue Dhainaut, à Waziers, au domicile de ses parents. Il était le fils d’Henri Louis Cappoen, trente-deux ans, né à Méteren, qui fut notamment magasinier et employé de verreries, et de Marie Rose Bonnet, née à Vred, vingt-six ans, qui avait été servante avant de se marier. C’était le troisième d’une fratrie de sept enfants qui comprenait aussi : Paul, né en 1894 ; Germaine, née en 1901 ; Henri, né en 1904 ; Ernest, né en 1907 ; Georges, né en 1909 ; et Romanie, née en 1914. Marie-Rose Cappoen avait de plus accouché de deux filles qui étaient mortes en bas âge. En 1906, la famille vivait rue de l’Escarpelle à Flers-en-Escrebieux, où le père était employé par la Compagnie des mines d'Aniche. Lorsqu’ils arrivaient en âge de travailler, tous les hommes du foyer allaient à la mine. Ce fut le cas des aînés, Paul et Maurice, puis de leurs jeunes frères. Maurice semble avoir commencé à travailler à partir de 1914 pour la Compagnie des mines de l'Escarpelle. Il avait seize ans. Il y sera actif pendant plus de vingt-cinq ans.


La Première guerre mondiale toucha les Cappoen de plein fouet. Mobilisé, Paul, l’aîné, fut caporal dans le 1er régiment d’infanterie et mourut en mars 1916, aux Islettes (Meuse), des suites de ses blessures. Il fut reconnu « Mort pour la France ». Henri, le père, trouva la mort en tant que victime civile à Flers en juillet 1918. Maurice devint alors soutien de famille. En décembre 1919, un jugement du tribunal civil de Douai décidait l’adoption par la Nation des trois plus jeunes enfants du foyer familial : Ernest, Georges et Romanie.


Maurice Cappoen s’était marié à Flers le 15 septembre 1919 avec Claire Diverchy, journalière originaire de Roost-Warendin. Ils auront trois enfants : Paul Henri en 1919, Maurice Joseph en 1921 et André en 1922. Ce dernier jouera un rôle important parmi les résistants FTPF du Nord. Ils vivaient dans le hameau de Pont-de-la-Deûle.


La fiche de matricule militaire de Maurice Cappoen brosse de lui un portrait succinct : c’était un homme d’un mètre cinquante, aux yeux bleus, aux cheveux châtains et au visage rond, avec un front haut et un nez rectiligne. L’armée le recensa tardivement en raison d’un « cas de force majeure » précise-t-on, allusion plausible à sa situation familiale difficile. En effet, il fut seulement mobilisé dans la campagne contre l’Allemagne du 18 juin au 23 octobre 1919. Affecté au 1er régiment d’infanterie, il passa dans le 6e régiment de chasseurs le lendemain. Il obtint un certificat de bonne conduite et rentra dans ses foyers, 80 rue des Briquettes, à Flers-en-Escrebieux, en juin 1920. L’année d’après, Cappoen était domicilié à à Roost-Warendin, rue de l’Escarpelle, où une nouvelle fosse de la compagnie minière était devenue fonctionnelle. En décembre 1925, le foyer des Cappoen était revenu à Flers, au n°66 de la Cité Bommart.


Fin mai 1940, Maurice Cappoen se trouvait à Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) au sanatorium de Rocheplane, ouvert une décennie plus tôt par l’Association Métallurgique et Minière contre la tuberculose. On peut supposer qu’il était malade. De retour dans le Nord, il ne lui fallut pas longtemps après l’armistice de juin 1940 avec l’Allemagne pour entrer dans l’action clandestine. Après sa disparition tragique, Efisio Argiolas, ancien chef de secteur Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) de Douai-Ouest, remplira pour lui le questionnaire destiné à obtenir le certificat d’appartenance aux FFI. Les deux hommes avaient été compagnons d’armes. D’après les informations données par Argiolas, Cappoen rejoignit le 14 juillet 1940 à Pont-de-la-Deûle (secteur du canton de Douai-Ouest) ce qui allait devenir la résistance d’obédience communiste. D’une façon anachronique, Argiolas le fait intégrer tantôt les FTPF tantôt le Front national, bien qu’aucune de ces deux organisations créées par le Parti communiste n’existât encore en 1940. À ce moment-là, malgré une habitude de la clandestinité déjà bien ancrée au parti, un puissant vent de désorganisation soufflait dans ses rangs, accompagné d’incertitudes et de complexité, qu’on peut rapprocher de la désorganisation qui frappait l’armée et de l’abattement qui touchait l’ensemble de la société française. Argiolas et Cappoen n’auraient-ils pas été simplement des militants communistes ? Cela pourrait expliquer le flou dans la chronologie et les contours organisationnels : les différentes structures liées au parti représentant peut-être aux yeux des militants un même continuum idéologique. Que faisaient précisément les militants dans cette période de grande confusion ? S’opposer à Vichy, c’était déjà beaucoup.


Quoiqu’il en soit, Maurice Cappoen était sous les ordres de Marceau Martin et d’un certain Moché. Il pourrait s’agir d’Amand Moché ou - hypothèse moins probable - d’Henri Moché. Tout comme Marceau Martin, Cappoen aurait pu être membre de l’Organisation spéciale (OS) qui intégrera plus tard les FTPF. Martin fut arrêté en août 1941 et sera fusillé l’année suivante. Argiolas ou un autre de leurs camarades mentionna dans le dossier de Cappoen qu’en mars 1941 il avait été nommé sous-chef de section FTPF avec le grade d’adjudant par Emmanuel Charlet à Pont-de-la-Deûle (commune de Flers-en-Escrebieux). En novembre 1941 (ou en décembre 1940 selon une autre version moins crédible), il fut nommé chef de section avec le grade de sous-lieutenant. Celui qui associa par erreur le nom de Charlet à cette promotion devait ignorer qu’il avait été abattu par les Allemands en août 1941. Emmanuel Charlet, qui avait été un des principaux acteurs de la reconstitution du Parti communiste dissout dans la région douaisienne durant l’été 1940, était proche de Marceau Martin et était passé à la clandestinité au même moment que Cappoen. Encore un point qui pourrait accréditer l’hypothèse des convictions communistes de l’intéressé. Quoiqu’il en soit, Maurice Cappoen réalisa un travail d’organisation considérable pour la résistance communiste et participa à de nombreuses actions : distribution de journaux clandestins, transport d’armes et sabotages. Il aura vingt-trois hommes sous ses ordres.


Voici le détail de ses actions listées par Efisio Argiolas :

- août 1940 : organisation et formation de groupes dans la section de Pont-de-la-Deûle,

- septembre 1940 : prises d’armes à la compagnie Roger Alexandre et à la caserne Conroux (Douai) qui furent transportées à Pont-de-la-Deûle,

- novembre 1940 : sabotage d’une locomotive SNCF en gare de Pont-de-la-Deûle,

- décembre 1940 : transport d’armes de Vred à Pont-de-la-Deûle,

- janvier 1941 : collages et distributions de journaux clandestins,

- février 1941 : prise d’une moto allemande à Douai, ramenée à Pont-de-la-Deûle. Elle sera remise aux Anglais à la Libération,

- mars-avril 1941 : coupure de ligne téléphonique sur la grand route de Lille qui provoqua un arrêt pendant 48 heures,

- mai-juin 1941 : transport de matériel et d’armes d’Auby à Pont-de-la-Deûle. 


Le procès de Maurice Cappoen dans Le Grand Echo du Nord, 5 mars 1943

Maurice Cappoen fut arrêté par la Gestapo à son domicile le 19 juin 1941. Faute de preuves, il fut relâché le 23. Il reprit alors ses activités dans la Résistance :

- août 1941 : arrêt d’un convoi allemand de dix voitures dont plusieurs crevaisons avec des étoiles,

- octobre 1941 : transport de matériel de sabotage et de munitions,

- décembre 1941 : distributions de journaux clandestins,

- janvier 1942 : transport de ronéo pour le secteur de Douai-Nord,

- février 1942 : sabotage de wagon SNCF,

- mars 1942 : sabotage d’un camion allemand dans la rue de la Briquette à Pont-de-la-Deûle. Efisio Argiolas était présent lors de cette action.

- avril-mai 1942 : collage d’affiches et distribution de journaux,

- juin 1942 : transport de munitions et de matériel de sabotage à l’Escarpelle (commune de Roost-Warendin),

- juillet 1942 : attaque pour saboter la salle des machines de la fosse n°9 des mines de l’Escarpelle. Ce fut un échec.

- août 1942 : prises d’armes au Polygone de Dorignies, caserne militaire de Douai (trois fusils, quatre revolvers et cent vingt cartouches).

Suite à une dénonciation, Cappoen fut arrêté une nouvelle fois par la Gestapo le 29 octobre 1942. Il subit plusieurs interrogatoires et des tortures sans donner les noms de ses camarades. On l’enferma à la prison de Cuincy, maison d’arrêt de Douai, dans le quartier allemand. Le 4 mars 1943, il fut jugé par la section spéciale de la Cour d’appel de Douai pour activité communiste avec vingt coaccusés, dont Ernest Cappoën, André Cappoën et Efisio Argiolas. Maurice Cappoen fut condamné à quinze mois de prison et 1200 F d’amende. La presse locale, comme Le Réveil du Nord et Le Grand Écho du Nord de la France, relaya le jugement dans ses colonnes le lendemain.


Il ne quitta la prison de Cuincy que le 6 ou le 10 mai 1943 pour être transféré à la citadelle de Huy (Belgique). Ce camp d’internement, destiné aux otages communistes, était utilisé par les autorités françaises du Nord-Pas-de-Calais en complément des prisons de la zone rattachée. Les Allemands venaient y piocher dans les effectifs pour avoir des hommes à fusiller ou à déporter. Ce fut le principal lieu de départ des hommes arrêtés dans le Nord-Pas-de-Calais vers le camp de concentration de Mauthausen (Autriche), puis vers celui de Vught (Pays-Bas), dans la province du Nord-Brabant. Maurice Cappoen fut déporté à Vught (Konzentrationslager Herzogenbusch en allemand) le 22 octobre 1943. Ernest et André Cappoen y arrivèrent avec lui. Enregistré le 23 octobre, Maurice reçut le matricule 8023 et fut envoyé au Block 19. Le camp était composé de treize Kommandos extérieurs et situé à proximité des usines Philips dans lesquelles les détenus étaient contraints de travailler. La majorité d’entre eux étaient des opposants politiques, des résistants et des otages.


Sa fiche d'enregistrement au camp de Dachau. En bas à gauche : la date présumée de sa mort, 23 février 1945 [Archives Arolsen]

Le 26 mai 1944, Maurice Cappoen fut transféré à Dachau (Allemagne) à bord d’un train transportant 580 hommes. On lui donna le matricule 68744. Là encore André et Ernest Cappoen étaient transférés avec lui. À partir de décembre 1944, le KL Dachau connut une épidémie de typhus qui provoqua une forte mortalité parmi les déportés. L’administration allemande du camp date la mort de Maurice Cappoen au 23 février 1945, d’une cause non précisée, trois mois avant la libération de Dachau. Si dans son dossier d’homologation les dates du 22 et du 23 février co-existent, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation et l’état civil de Waziers, sa commune d’origine, ont retenu celle du 23 février. La mention « Mort pour la France » a été ajoutée en marge de son acte de naissance.


En août 1947, Maurice Cappoen fut homologué adjudant à titre rétroactif par la 2e Région militaire (commission nationale n°24383) avec effet au 1er octobre 1942. Il était domicilié 66 Cité Bommart à Pont-de-la-Deûle, sur la commune de Flers. On lui attribua un certificat d’appartenance aux FFI daté du 11 janvier 1949 et signé par le Général de Division Chevillon, commandant de la 2e Région militaire de Lille, pour son engagement dans les FTPF du Nord, secteur de Douai-Ouest, de juillet à octobre 1942.


Son nom figure sur le Monument aux Morts du quartier de Pont-de-la-Deûle à Flers-en-Escrebieux parmi les FFI de la commune. Ceux d’Henri Cappoen, son père, et de Paul Cappoen, son frère aîné, sont inscrits au même endroit, respectivement parmi les victimes civiles et parmi les victimes militaires de la guerre de 1914-1918.

Son frère Henri Cappoen, engagé dans les FTPF du Pas-de-Calais, périt à Buchenwald en février 1945. Son frère Ernest Cappoen (1907-1977) et son fils André Cappoen (1922-2000) furent des rescapés de Dachau.


Sources : Arch. Dép. Nord, État civil de Waziers, Naissances-mariages-décès 1889-1900, Acte de naissance n°64 (1898), 1 Mi EC 654 R 002 ; Recensement de la population de Flers-en-Escrebieux, 1906, M 474/231 ; Registres des matricules militaires (Valenciennes/Douai), volume 4, Matricule 1729, 1R 3441 ; État civil de de Flers-en-Escrebieux, Mariages 1911-1927, Acte n°40 (1919), 3 E 6201. — Archives Nationales du Monde du Travail (Roubaix), Compagnies des mines d'Aniche et de l'Escarpelle : dossiers individuels des mineurs, Compagnie des mines de l'Escarpelle / Compagnie des mines d'Aniche, 1994 8 7681. — SHD Vincennes, GR 16 P 105438. — SHD Caen, AC 21 P 433 165 (nc). — Archives Arolsen. — Archives de Didier Fenain. — Le Grand Écho du Nord de la France, 5 mars 1943. — Le Réveil du Nord, 5 mars 1943. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Mémorial GenWeb. — [Sur Henri Louis Cappoen] Mémorial GenWeb. — [Sur Paul Cappoen] Arch. Dép. Nord, Etat civil de Douai, Naissances 1894-1895, Acte n°593 (1894) - 1 Mi EC 178 R 025. — Mémoire des Hommes. — Mémorial GenWeb.


1ere version : 30 juillet 2024.

2e version : 16 août 2024.

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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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