BARONTINI Charles [né BARONTINI Cafiero, Emilio, Ranieri, dit Charles]
Dernière mise à jour : 13 mai
Né le 22 mars 1921 à Calcinaia (province de Pise) dans la région de Toscane (Italie), mort le 9 janvier 2000 à Marseille (9e arr.) ; terrassier ; syndicaliste CGT ; militant communiste ; résistant du Front national de lutte pour la libération et des Francs-Tireurs et Partisans français ; membre du bataillon de la centrale d’Eysses ; déporté à Dachau ; secrétaire de la section PCF d’Arles ; secrétaire de la Commission nationale de la MOI (Main-d’œuvre immigrée) et collaborateur du comité central du PCF.
Les parents de Cafiero dit Charles Barontini étaient Cesare Barontini, né à San Miniato, et Argentina Pieracci, née à Calcinaia, tous deux originaires de la province de Pise en Italie. En 1921, Cesare Barontini travaillait déjà en France comme domestique à Beauvoisin (Gard). Charles rejoindra plus tard ce père anarchiste qui avait fui le régime fasciste. Il commença à travailler dans la vigne à dix ans avec sa sœur : « Nous étions tellement petits que nous ne pouvions pas porter les seaux. Des plus âgés venaient lorsque les seaux étaient pleins. Les vendanges se faisaient en famille, dans une cole. C’était, si l’on peut dire, une bonne affaire pour les parents, car les enfants étaient nourris, même s’ils ne travaillaient pas. » À douze ans, il était laveur de bouteilles, avant d’être embauché comme terrassier en Camargue, une activité qu’il décrivait comme un « travail de bagnard » : "C’étaient les terrassiers italiens qui curaient les roubines de Camargue. Des jours et des jours, à la pelle, les pieds dans la vase. On partait d’Arles à vélo. Je me rappelle avoir travaillé pour un mas, près du Sambuc. Le matin, 30 km, le soir, après le travail, 30 km. Tout à vélo. Et quand le mistral soufflait, il fallait se mettre les uns bien derrière les autres. C’était pas toujours simple. J’ai commencé à travailler à seize ans, mon frère à quinze."
Au moment du Front populaire Charles Barontini s’engagea à la CGT. Il fut naturalisé français. En septembre 1940, il entra dans la clandestinité et rejoignit le Parti communiste. Il avait « Baron » pour pseudonyme. En mai 1941, il était responsable du groupe arlésien affilié au Front national de lutte pour la libération avec pour chef Henri Morand. Dans les Francs-Tireurs et Partisans français il était sous l’autorité du capitaine Tinarage. Il racontera plus tard avoir réalisé régulièrement des inscriptions murales et des des distributions de tracts pour appeler la population à résister à l’occupant et à Pétain. C’est justement lors d’une action d’inscription à la peinture sur le mur du cimetière des Alyscamps à Arles qu’il fut arrêté par la police française dans la nuit du 12 au 13 août 1941. Roger Reboul, René Giovannini, Étienne Larnac et Lillo Dall’Oppio furent appréhendés au même moment. Barontini fut incarcéré à Avignon et aux prisons Saint-Pierre et Saint-Nicolas de Marseille. Il fut jugé avec ses camarades le 6 septembre 1941 pour "inscriptions communistes" par la section spéciale du Tribunal militaire de la XVe région et condamné à cinq ans de réclusion et deux mille francs d’amende. Il fut détenu à Nîmes, puis à la centrale d’Eysses (Lot-et-Garonne), où il arriva le 15 octobre 1943.
Responsable à la solidarité de la centrale et membre du comité directeur en prison, il était sous les ordres du capitaine Fernand Bernard. Il prit part à l’action du 9, 10 et 11 décembre 1943, ainsi qu’à la tentative d’évasion collective des 19 et 20 février 1944, les armes à la main contre les forces de Vichy et l’artillerie allemande. Il fut un acteur de l’arrestation des surveillants. Lors de la répression sanglante qui s’abattit sur les mutins, douze d’entre eux furent fusillés, dont Fernand Bernard. Les 1200 prisonniers restants seront déportés. Interné à Compiègne, Charles Barontini était le 18 juin 1944 à bord du convoi I. 229 à destination de Dachau transportant 2143 hommes, dont Roger Reboul. Il fut blessé pendant le transfert. Le voyage prendra fin trois jours plus tard : « On est donc arrivés dans ce camp énorme, sur une grande place. Au bout de quelques heures, je vois arriver un commando de travailleurs habillés en zébré, au physique décharné, marchant au pas. C’était impressionnant. » Après six ou sept heures de désinfection, les déportés furent envoyés dans les Blocks. Barontini reçut le matricule 73049 et fut installé au Block 17. Il travaillera tour à tour en tant que terrassier et cuisinier, mentionnant également le Block 6 comme lieu où il avait été affecté.
Mi-juillet 1944, les déportés de Dachau furent dispersés. Charles Barontini fut envoyé au Kommando de Landsberg, composé de 250 prisonniers ayant pour tâche de niveler le sol pour préparer des terrains d’aviation pour l’armée allemande. Le camp était sous la responsabilité de communistes allemands. Comme l’armée soviétique avançait à l’est, les Kommandos furent rabattus à pied vers Dachau, marchant une centaine de kilomètres en dormant dans les fossés. Ceux qui n’arrivaient pas à avancer étaient abattus. « Quand nous sommes arrivés près de Dachau, le camp était plein. Au lieu d’aller à Dachau, on nous a envoyés à Allach (…) à 8 km de Dachau. » Ce Kommando regroupa jusqu’à 3850 détenus qui travaillaient pour BMW et pour des chantiers de l’organisation Todt. Les SS qui gardaient le camp avaient fui. C’était en avril 1945. Le 28 du mois, Charles Barontini fut libéré par l’armée américaine. Il fut dirigé vers le lac de Constance, où il resta plusieurs semaines. Le 21 juin, on le rapatria via Lyon jusqu’à son domicile. Il reprit son travail de terrassier à Salin-de-Giraud (Arles).
En janvier 1948, il était domicilié 9 quai de la Roquette à Arles. Élu cette année-là au comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône, il y siégera jusqu’en 1952. Après la guerre, il poursuivit son combat pour les droits de l'Homme à la tête de la Commission nationale de la MOI (Main-d’oeuvre immigrée), devenue Secteur Immigration du PCF, de 1951 à 1982. En cette qualité il était un collaborateur du comité central du Parti communiste.
Secrétaire de la section communiste d’Arles, il fut remplacé en 1953 par Maurice Garenq.
Marié, son épouse Isabelle, journaliste, sera une dirigeante nationale de l’Union des Femmes Françaises. En 1954, elle participa à la campagne de l’UFF pour promouvoir les méthodes d’accouchement sans douleur prônées par le Dr Fernand Lamaze en publiant pendant huit semaines dans Femmes françaises le récit de la préparation de son accouchement à la polyclinique des Bluets à Paris. Le couple eut deux enfants. En 1961, Charles Barontini vivait à Saint-Denis, bâtiment A1 de la Cité Paul Langevin.
En novembre 1965, il fut un des artisans d’un protocole d’accord entre les partis communistes français et italien, aux côtés de Georges Marchais et de Jean Burles pour le journal l’Humanité, organe du PCF, et d’Amendola, Barca, Fontani, Pajetta et Arcangelo Valli, représentants l’Unita, organe du PCI. Devant l’importance de l’immigration italienne en France, qui rassemblait 700 000 personnes sur un total de trois millions d’immigrés, et dans un contexte d’immigration favorisée par le pouvoir gaulliste pour fournir une main-d’oeuvre bon marché aux grandes entreprises, les deux partis joignirent leurs efforts pour mieux organiser la classe ouvrière. Au terme de trois jours d’entretiens, les deux partis décidèrent de renforcer la collaboration entre la CGT et la CGIL (Confederazione generale italiana del lavoro), d’organiser des conférences et des manifestations sur la résistance en Italie et en France, de développer des rencontres et des initiatives des organisations de masse en faveur des immigrés, de diffuser en France les publications du PCI, de créer un mensuel, l'Émigrant, publié en italien par le PCF et documenté par le PCI, d’envoyer des cadres et des orateurs d’Italie afin de favoriser les adhésions et la structuration politique parmi les travailleurs italiens en France.
Plusieurs anciens camarades de Charles Barontini attestèrent de son action dans la Résistance : le Docteur Fuchs Stéphane, président de l’Amicale des anciens détenus de la centrale d’Eysses, Raymond Prunières, secrétaire général de l’Amicale, et Georges Tinarage, capitaine FTP-FFI du secteur d’Arles. Il reçut un certificat d’appartenance aux FFI en avril 1948 à Bordeaux par le lieutenant-colonel Robin, par délégation pour le général de CA Duche, commandant la IVe Région militaire, au titre de son action dans les FTPF du Lot-et-Garonne en août 1941. En mars 1962 il fut homologué Déportés et internés de la résistance (DIR).
Dans les années 1960, il reçut plusieurs attestations médicales du Centre de réforme de Paris, faisant état de nombreuses pathologies physiques et psychiques que lui avait causées la déportation. Cela lui donna droit à une pension militaire d’invalidité.
Charles Barontini œuvra pour la mémoire de la Résistance et de la Déportation en tant que président de la FNDIRP (Fédération nationale des Internés Déportés Résistants Patriotes).
En décembre 1984, il était domicilié à Nice (Alpes-Maritimes), 67 chemin noir. Dans la décennie suivante, il retrouva à Arles Maurice Garenq, qui lui avait succédé à la tête de la section locale du PCF dans les années 1950. Les deux hommes étaient voisins dans la rue Gérard Philipe.
En 1992, il fut fait chevalier de la Légion d’honneur. En 1997, il participa, notamment aux côtés de Roger Reboul, à la création du Centre Résistance et Déportation d’Arles et pays d’Arles (CRDA), porté par l'ANACR (association nationale des anciens combattants de la Résistance) et la FNDIRP. Lieu de transmission et de mémoire, de réflexion et d’éducation à la citoyenneté, le CRDA fut installé dans l’ancien collège Frédéric Mistral à Arles. Les archives et la bibliothèque de Charles Barontini, données par sa famille à l’association, constituent un des fonds principaux du centre.
Le 22 octobre 1999, il publia une « Tribune libre » dans l’Humanité pour appeler les forces de gauche à être plus « à l’offensive » contre toutes les formes de discriminations envers les immigrés et pour l’égalité des droits, notamment concernant le droit de vote des étrangers aux élections municipales.
Sources : SHD Vincennes, GR 16 P 34106. — SHD Caen, AC 21 P 625449 (nc). — Notice GARENQ Maurice par Jean-Claude Lahaxe dans le Maitron. — « Au tribunal militaire de la XVe région – Treize cheminots arlésiens sévèrement condamnés pour propagande communiste », Le Petit Provençal, 9 septembre 1941. — « Les partis communistes italien et français se préoccupent des travailleurs transalpins en France », Le Monde, 12 février 1966. — « Décès de Charles Barontini » par J.-P. M., l’Humanité, 11 janvier 2000 (en ligne). — « Le sel et les roubines », La Marseillaise, 19 septembre 2015 (en ligne). — Marianne Caron-Leulliez et Jocelyne George, L'Accouchement sans douleur : Histoire d'une révolution oubliée, Editions de l’Atelier, 2004, p. 75. — Jean-Claude Lahaxe, Les Communistes à Marseille à l’apogée de la guerre froide : 1949-1954, Publications de l’Université de Provence, 2006, p. 53. — Collectif, Résister en pays d’Arles. 1944-2014 : 70e anniversaire de la Libération, Actes Sud/Association du Musée de la Résistance et de la Déportation d’Arles et du Pays d’Arles, 2014, p. 117 [photographie]. — Collectif, Communistes dans les Bouches-du-Rhône : 1920-2020, Un siècle au service des luttes et du bien commun, Fédération du PCF des Bouches-du-Rhône/Association Former Transformer Partager, 2020. — Livre-Mémorial, Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Site Match ID, Acte n°56 N, Source INSEE : fichier 2000, ligne n°106563. — Site Filae : Recensement de la population de Beauvoisin (Gard), 1921 ; Acte de décès d’Argentina Pieracci, Marseille, 1933. — Musée de la Résistance en ligne.
Iconographie : Centre de la Résistance et de la Déportation du pays d'Arles (CRDA) (avec son aimable autorisation).
1ere version : 9 février 2024.
2e version : 13 mai 2024.
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