MILLE Clément, Joseph
Dernière mise à jour : 20 avr.
[Cette biographie s'inspire d'un texte originellement écrit par Antoine Olivesi et Michel Pigenet.
Je l'ai complété, en mettant en gras mes propres apports pour pouvoir les distinguer, y compris de ceux de Jean-Marie Guillon qui y a fait des ajouts par la suite.]
Né le 19 septembre 1899 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), mort le 13 mai 1982 à Martigues (Bouches-du-Rhône) ; docker et pêcheur ; militant communiste, secrétaire de la cellule communiste de Port-de-Bouc au début des années 1930, secrétaire du rayon communiste de Martigues pendant le Front populaire ; syndicaliste CGTU puis CGT, secrétaire du syndicat CGTU des dockers ; conseiller général du canton de Martigues de 1945 à 1951, maire-adjoint de la municipalité René Rieubon de 1945 à 1959.
Clément Mille était le fils de Lucius Marius Mille, journalier cultivateur né à Saint-Mitre-les-Remparts (Bouches-du-Rhône), et de Marie, Gabrielle Olive, sans profession, née à Port-de-Bouc. Il vint au monde dans le quartier Saint-Jean, où vivaient ses parents, et fut le troisième d’une fratrie de six enfants (quatre filles et deux garçons).
Après avoir fait des études primaires, il travailla comme docker à Port-de-Bouc. Incorporé dans l’armée en avril 1918, il participa dans l’infanterie à la campagne d’Allemagne jusqu’en octobre 1919, puis fut affecté à l’occupation de la Rhénanie jusqu’en janvier 1921. Il fut renvoyé dans ses foyers, à Martigues, en mars 1921. Le 6 septembre 1924, il épousa à Port-de-Bouc Nathalie Plaxine, originaire de Simferopol (alors situé en République socialiste soviétique autonome de Crimée, aujourd’hui sous administration russe). D’après son état signalétique, Clément Mille était officiellement domicilié dans le quartier des Comtes en juillet 1926. Le couple divorça en octobre 1969.
Clément Mille figurait parmi les responsables du syndicat unitaire des dockers de Port-de-Bouc lors de la signature du procès-verbal de conciliation du 7 novembre 1927 qui mit fin à un grave conflit par la garantie de la priorité d’embauche, sous le contrôle d’un délégué ouvrier, des dockers professionnels et par l’institution du tour de rôle en cas de chômage.
Au début des années trente, la cellule communiste de Port-de-Bouc comptait environ cent dix membres. Clément Mille en était le secrétaire et assurait aussi le secrétariat du syndicat CGTU des dockers.En octobre 1931, candidat communiste aux élections pour le conseil général dans le canton de Martigues, il n’obtint que 159 voix au premier tour puis 57 au second, sur 4 981 inscrits. Au VIIIe congrès de l’Union régionale unitaire, qui se tint à Marseille les 28 et 29 mai 1932, il fut élu membre de la commission exécutive. Le mois suivant, il anima une grève des dockers à Port-de-Bouc et des ouvriers des Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) dont l’échec entraîna une baisse d’influence et d’effectifs.
Mille avait été condamné, successivement à un mois, trois mois et huit mois de prison pour entrave à la liberté du travail des dockers. Les affrontements du 6 juin 1932 avec les forces de l’ordre sur les chantiers de Caronte furent à l’origine du procès de vingt-quatre manifestants le 1er juillet devant le Tribunal correctionnel d’Aix. Un article du journal local Le Petit Provençal évoquait des "incidents sanglants". Plusieurs leaders syndicaux furent alors visés par la justice, dont Clément Mille et Dominique Nicotra. Le procès se déroula dans une salle relativement bien remplie avec un gros déploiement de forces de police et de gendarmerie. Mille fut cette fois condamné à huit mois de prison et cinq ans d’interdiction de séjour.
À la fin de l’année 1934, la cellule de Port-de-Bouc comptait une soixantaine d’adhérents et une quarantaine de sympathisants. Elle reprit de l’importance avec le Front populaire. Clément Mille fut alors candidat sur une liste d’union avec le socialiste Henri Lazzarino et Lucien Giorgetti aux élections municipales de mai 1935 à Port-de-Bouc, puis au conseil général dans le canton de Martigues, où il obtint, en octobre 1937, 639 voix sur 6 034 inscrits. Il était alors secrétaire du rayon communiste de Martigues. Au mois de janvier précédent, il s’était présenté dans le même canton, au conseil d’arrondissement lors d’une élection complémentaire. Sa profession indiquée était alors celle de pêcheur.
Délégué au congrès de la Fédération des Ports et Docks réuni en 1938, il évoqua l’aggravation de la situation de l’emploi à Port-de-Bouc, consécutive à l’arrivée de travailleurs algériens mis en concurrence avec les dockers professionnels du cru. Il expliqua comment les actions entreprises s’étaient heurtées à une "répression formidable".
Sous le régime de Vichy il fut interné administratif à Fort Barraux (Isère). Par un arrêté du 17 juin 1941 sa femme Nathalie fut astreinte à résidence à Châteaurenard, car elle avait été signalée par le commandant de la section de gendarmerie comme militante communiste "notoire". Libéré le 8 juin 1942, Clément Mille vint la rejoindre. Le couple était considéré comme discret. Il partit ensuite à Saint-Martin-les-Eaux (Basses-Alpes, aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence) et demanda la levée de l’astreinte de sa femme pour qu’elle puisse le rejoindre (11 mars 1943). Il avait cependant repris des activités communistes et résistantes après sa libération.
Membre du Comité local de Libération de Port-de-Bouc en août 1944, Clément Mille siégea par la suite au conseil municipal présidé par René Rieubon dont il fut adjoint. Il fut continuellement réinvesti par les élections d’avril 1945, d’octobre 1947 et d’avril 1953, achevant son dernier mandat en 1959.
Élu conseiller général pour le canton de Martigues en 1945, il continua à s’occuper des questions syndicales. Lors du congrès fédéral de mars 1946, il défendit le travail au rendement, qualifié de « nécessité nationale ». Trois ans plus tard, il fut désigné pour siéger au bureau central de la main-d’œuvre, organisme paritaire chargé de contrôler les conditions d’embauche des dockers, pour les « annexes » du port de Marseille.
En 1949, les ouvriers des Chantiers et Ateliers de Provence de Port-de-Bouc (CAP) ayant refusé la suppression d’une prime au lancement des bateaux et des baisses de salaires prévues par leur direction, cette dernière lock-outa l’entreprise, donnant lieu à un mouvement social passionné qui mobilisa la ville, rayonna dans le département, la région et le pays quatre mois durant. De nombreuses assemblées furent organisées, présidées par René Rieubon, le maire, ou par Clément Mille, qui étaient tous les jours sur le terrain. D’autres assemblées se déroulèrent avec la présence d’intervenants extérieurs à la ville, comme en juillet avec Henri Jourdain, membre du secrétariat de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, ou encore Ambroise Croizat, le prestigieux "Ministre des Travailleurs".
C’est grâce à l’intervention de Clément Mille que le Conseil général des Bouches-du-Rhône accorda une subvention exceptionnelle d’un million de francs à la caisse de grève des CAP. Alors que la guerre froide avait commencé et que la scission de la CGT était consommée, certains se félicitèrent de voir en août 1949 dans une même tribune Théodore Cheillan, le maire SFIO de Martigues, et Clément Mille, le conseiller général PCF. En septembre, c’était aux tours de Raoul Exbrayat, secrétaire adjoint de l’UD-CGT, et de Jean Cristofol, député communiste et ancien maire de Marseille, de faire honneur à la lutte des chantiers de Port-de-Bouc en assistant à un meeting de soutien. Clément Mille conserva son siège de conseiller général jusqu’en 1951.
L’artiste port-de-boucain Francis Olive réalisa une stèle sur un rond-point de la ville pour rendre hommage au militant.
Le Service historique de la Défense de Vincennes possède des éléments sur Clément Mille dans ses archives.
Sources : Arch. mun. Port-de-Bouc. — SHD Vincennes, GR 16 P 419311 (nc). — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, État civil de Port-de-Bouc, Naissances, 1899, Acte n°16 ; III M 56 et 57, V M 2/283, M 6/10808, M 6/10809, M 6/10874 et 11379 ; 5 W 201. — État signalétique et militaire : MILLE, Clément, Joseph, classe 1919, matricule 3537, 1 R 1475. — Arch. nat. : F7 13705. Centre des archives contemporaines : 870150, art. 143. Congrès de la Fédération nationale des Ports et Docks, les 27-29 janvier 1938 (Nantes) ; 19-22 mars 1946 (Paris). — Le Petit Provençal, 2 juillet 1932. — Rouge-Midi, 1er mai 1935 ; 23 septembre et 1er octobre 1945 (photo). — Port-de-Bouc 1944-1975 : 30 ans de gestion municipale au service de la population, Ville de Port-de-Bouc, 1975 [photographie]. — Office municipal socio-culturel, Un siècle d’images martégales, Martigues, 1977 [photographie]. — Jean Domenichino, Une ville en chantiers : La construction navale à Port-de-Bouc, 1900-1966, Edisud, 1989 (pp. 230, 236-237, 242-243). — Renseignements communiqués par Louis Porte. — Site Filae. — Site Généanet. — Notes de Jean-Marie Guillon.
1ere version pour Le Maitron par Antoine Olivesi et Michel Pigenet : 23 mars 2021.
2e version complétée par moi pour Le Maitron : 9 octobre 2022.
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