FOURNIER Marius, Alexandre, Eugène
- Renaud Poulain-Argiolas
- 28 nov. 2023
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 août
Né le 19 septembre 1925 à Saint-Mitre-les-Remparts (Bouches-du-Rhône), mort le 5 mai 1995 à Martigues (Bouches-du-Rhône) ; gardien dans les GMR (Groupes mobiles de réserve) puis dans les CRS, ajusteur, permanent syndical, monteur en chauffage central ; syndicaliste CGT, membre du bureau syndical des CRS à Aix (1946-1947), délégué du personnel et du comité d’entreprise aux Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) (1948-1949), secrétaire du syndicat des Métaux des CAP (entre 1949-1950 et 1951), fondateur du syndicat CGT de Naphtachimie, secrétaire intersyndical de l’entreprise Naphtachimie (1951-1952), secrétaire de l’Union locale CGT de Martigues, membre du bureau de l’Union départementale des Bouches-du-Rhône ; militant communiste d’Aix-en-Provence, de Saint-Mitre-les-Remparts, de Port-de-Bouc et de Martigues ; membre du comité de section de Port-de-Bouc, secrétaire de la section de Martigues, membre du comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône (1956-1960) ; conseiller municipal de Saint-Mitre (1953), adjoint au maire, puis maire (1957-1989) ; membre du Mouvement de la Paix.
![Marius Fournier [photo transmise par Jean-Jacques Lucchini]](https://static.wixstatic.com/media/080998_feb4e102fea5497fb759b2622ab043ed~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_884,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/080998_feb4e102fea5497fb759b2622ab043ed~mv2.jpg)
Marius Fournier était le fils de Léon Alexis Fournier – appelé Alexis Fournier – ouvrier boulanger, et d’Eugénie Joly, sans profession, tous deux natifs de Saint-Mitre-les-Remparts et d’opinions politiques socialistes. [Dans un questionnaire biographique qu’il remplira en février 1955 pour le Parti communiste, il écrivait néanmoins que sa mère s’appelait Eugénie Paginacci]. Au moment du recensement de 1931, la famille était domiciliée à Saint-Mitre au n°1 rue de la Fontaine. Marius avait un frère cadet, Marcel, né en 1929. Leur mère travaillait comme boulangère avec son époux. Le foyer s’agrandit d’une fille, Andrée, dans la suite de l’année 1931. Alexis Fournier exerça également le métier de cantonnier.
À dix ans, Marius Fournier perdit son père. Peu de temps après, il obtint le certificat d’études primaires. En 1941 ou 1942, il rejoignit les Amis de la Légion, créés en octobre 1940 à l’initiative de Joseph Darnand dans le but d’intégrer des non-combattants à la Légion. Étendus à toute la zone sud début 1941, les Amis de la Légion étaient devenus en novembre la « Légion française des combattants et des Volontaires de la Révolution nationale », répondant à l’appel du maréchal Pétain. [L’organisation sera à l’origine de la formation de la Milice en janvier 1943]. En novembre 1942, Fournier s’engagea dans l’armée d’armistice. Il fut soldat de 2e classe dans le 7e régiment de chasseurs à cheval, stationné à Nîmes. Mais l’expérience tourna court, car il fut démobilisé un mois plus tard au moment de l’occupation de la « zone libre » par l’armée allemande. L’épisode vichyste du parcours de Marius Fournier sera ultérieurement passé au crible par la direction du PCF. Pierre Doize, secrétaire fédéral des Bouches-du-Rhône, s’exprimera en 1955 sur la question dans une note d’"observation" jointe au questionnaire biographique rempli par le militant. Le dirigeant mettra en avant la jeunesse de l’intéressé au moment de son engagement (seize ans), le soutien de sa mère à Pétain depuis 1940, la prise de conscience à la Libération « qu’il n’était pas sur le bon chemin. » Et Doize de conclure : « Après avoir connu les communistes, il donna son adhésion au Parti en février 1945 (dix-neuf ans). Il fut désapprouvé par sa famille avec laquelle il est en froid depuis. »
Le 5 juin 1944, Marius Fournier épousa Hélène Gautier à Saint-Mitre. Sympathisante communiste, elle sera membre de l’Union des Femmes françaises (UFF). Au moment de leur mariage, il était domicilié à Échirolles (Isère) et travaillait comme gardien dans les GMR (Groupes mobiles de réserve). Le couple aura une fille nommée Danièle. À la Libération, Fournier était présent à Saint-Mitre même s’il n’y joua aucun rôle. Le 8 décembre 1944, les GMR étaient dissous par décret du Gouvernement provisoire et les CRS (Compagnies républicaines de sécurité) créés à partir de leurs effectifs épurés. Marius Fournier passa donc aux CRS. En février 1945, il adhéra au Parti communiste à Aix-en-Provence et fut membre du bureau de sa cellule jusqu’en 1947. Il fréquenta notamment Pascal Fieschi, premier secrétaire de la section aixoise.
Dans la demande de carte de vétéran du PCF qu’il fera vers la fin des années 1980, il notera avoir été licencié des CRS « parce que PCF ». Difficile de ne pas rapprocher cette éviction des troubles qui agitèrent Marseille le 12 novembre 1947. Sur fond de rupture entre le PCF et la SFIO – exclusion au mois de mai des ministres communistes du gouvernement, grèves soutenues par le PCF – et de tensions locales importantes – victoire électorale à Marseille du RPF Michel Carlini, soutenu par la SFIO et le MRP, sur Jean Cristofol, le maire communiste sortant – le climat général était électrique. L’augmentation du prix des tramways par Carlini avait motivé une manifestation ponctuée de heurts violents. Le 12 novembre, jour du jugement de plusieurs des meneurs, une nouvelle manifestation avait eu lieu à l’appel du PCF. À l’annonce des peines de prison ferme, le rassemblement avait tourné à l’émeute : le palais de justice et la mairie avaient été envahis, les juges et le maire malmenés. Une polémique éclata alors. Elle reposait sur le fantasme d’une complicité entre le Parti communiste et des CRS noyautées par les militants, nouvel avatar de la crainte d’une prise de pouvoir armée par les communistes répandue chez leurs adversaires. Lors d’un débat parlementaire, Jules Moch, ministre des Travaux publics, des Transports et de la reconstruction, s’associa à Édouard Depreux, ministre de l’Intérieur, pour affirmer que les CRS avaient fait la « courte échelle » aux manifestants. Gaston Defferre, député socialiste des Bouches-du-Rhône et adversaire farouche des communistes dans la course à la mairie de Marseille, accusa les forces de l’ordre d’avoir fourni des armes aux émeutiers. Le 27 novembre 1947, onze compagnies de CRS, soupçonnées d’accointances avec l’ennemi intérieur furent dissoutes, dont les compagnies 151 à 153 (stationnées à Marseille) et la 154e (stationnée à Aix). Marius Fournier appartenait-il à l’une d’entre elles ? Des travaux d’historiens, comme ceux de Maurice Agulhon et de René Gallissot, ont démontré depuis qu’il n’y avait eu ni action préméditée ni collusion entre les CRS et le PCF. Les premières avaient simplement été débordées par le nombre de manifestants.
Les mandats politiques de Marius Fournier se succèdent à un rythme assez effréné (biographie de 1955). De son adhésion à juin 1954, il fut tour à tour trésorier et secrétaire de cellule à Saint-Mitre, membre du comité de section de Port-de-Bouc de 1948 à 1953, membre du secrétariat de la section de Martigues – dirigé par Albert Domenech – à partir de 1954 (il l’était encore en février 1955). Il avait suivi une école de section à Istres en 1948. En outre, il avait été élu en 1953 au conseil municipal de Saint-Mitre.
La même année, il perdit son frère Marcel des suites d’une opération. Âgé de vingt-trois ans, ce dernier avait rejoint le parti deux mois auparavant. Sa sœur, Andrée épouse Morvan, était institutrice dans une école confessionnelle à La Fare-les-Oliviers et mariée à un sympathisant communiste. Il écrivait avoir lu quelques œuvres de Lénine et une partie de celles de Maurice Thorez : les tomes I et II, ainsi que son autobiographie, Fils du peuple.
Au niveau syndical, après avoir rejoint la CGT en 1945, Fournier avait été membre du bureau syndical des CRS à Aix de 1946 à 1947. Une fois renvoyé de la police, il exerça le métier d’ajusteur aux Chantiers et Ateliers de Provence (CAP) de Port-de-Bouc. De 1948 à 1949, il y fut délégué du personnel et du comité d’entreprise. Il fut de plus secrétaire du syndicat des Métaux du chantier naval de 1949 à 1951 (dans un autre questionnaire biographique signé en 1956 il écrit avoir exercé cette fonction de 1950 à 1951). En février 1951, il suivit une école centrale de la CGT pendant un mois.
Au début des années 1950, le complexe industriel Naphtachimie, produit de l’association des compagnies Péchiney, Kuhlmann et SHGP (du groupe BP), se développa dans le hameau de Lavéra, à Martigues, en vue de produire de l’éthylène, du propylène et de l’oxyde d’éthyle. Le chantier de construction de l’usine mobilisa plusieurs milliers de travailleurs. Embauché par une entreprise sous-traitante de la firme pétrochimique, Marius Fournier participa à la création d’une section intersyndicale à Naphtachimie. Il était secrétaire de la séance qui décida de l’élection du bureau, présidée par Antoine Santoru. Les premiers responsables élus furent Jacques Pradié (secrétaire général), René Vergnaud (secrétaire adjoint), Robert Trotin (trésorier général), Marius Blanc (trésorier adjoint) et Roland Pasturel (archiviste). Fournier fut secrétaire de la section de 1951 à 1952. En août 1952, il fit un séjour de deux semaines en Pologne en délégation syndicale.
Au vu des informations qu’il fournit dans ses différents questionnaires biographiques, la chronologie de son activité professionnelle et syndicale est un peu difficile à renconstituer au début des années 1950. Les dates se chevauchent parfois entre Port-de-Bouc et Martigues. En effet, s’il mentionne avoir des responsabilités syndicales aux CAP en 1950-1951, à Naphtachimie en 1951-1952, l’historien Jean Dominichino évoque son licenciement des CAP en 1954 pour avoir prolongé un congé accordé pour un stage syndical. C’est Albert Domenech qui lui succéda au poste de secrétaire du syndicat. En juin de la même année, il devint secrétaire de l’Union locale de Martigues. Il l’était encore en février 1955, en tant que permanent, moment où il déclarait siéger au bureau de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, être adhérent du syndicat du bâtiment et du Mouvement de la Paix. Il était toujours domicilié à Saint-Mitre. L’année suivante, il était membre de la commission exécutive de son syndicat.
À partir de 1954, il était membre du secrétariat de la section de Martigues. En février 1955 il exerçait toujours cette fonction, tout en militant dans la cellule de Lavéra. Georges Lazzarino, secrétaire de la fédération des Bouches-du-Rhône, rédigea comme appréciation à son propos : « Camarade animé d’un grand esprit de parti. A fait de grands efforts pour accomplir les diverses responsabilités que lui a confié successivement le parti. A obtenu des résultats à toutes ces responsabilités. Doit veiller à ne pas se laisser absorber par des tâches pratiques au détriment de son effort idéologique. » Du 13 février au 12 mars 1955, Fournier suivit une école centrale syndicale d’un mois. Gaston Plissonnier, secrétaire administratif du PCF, envoyait le 2 mai au nom de la Section de montée des cadres une appréciation sur sa présence au secrétariat fédéral des Bouches-du-Rhône : « A peiné pour suivre surtout au début. S’est accroché. Bon camarade, attaché au Parti. Un peu confus. L’école l’a fait beaucoup réfléchir. Devrait progresser. »
En juin 1956, Marius Fournier était secrétaire de la section PCF martégale. Il était devenu monteur en chauffage central pour l’entreprise Gaymard, sise à Martigues, et était investi dans la cellule communiste du bâtiment. Son questionnaire biographique de 1956 portait des appréciations politiques enthousiastes de Pascal Posado, membre du secrétariat fédéral, signées le 7 juillet 1956 : « Militant populaire, il prit une part très active à la Direction des grandes grèves de Port-de-Bouc. Puis militant du syndicat du Bâtiment il organisa des mouvements puissants dans les entreprises du Bâtiment qui construisaient le Naphtachimie. »
Le lendemain, 8 juillet, Fournier était élu au comité fédéral. Il fut réélu en juin 1957 et en juin 1959. Une note ultérieure (non datée) d’observations de la fédération relevait cependant qu’il était souvent absent au comité fédéral. Entre-temps il avait été élu maire-adjoint à Saint-Mitre. Cette note critique a pu être rédigée entre 1956 et 1959. Elle spécifiait que « le maire s’absentant fréquemment, c’était dans la réalité Fournier qui assurait la fonction de "premier magistrat du village". » Comme il avait des difficultés à remplir sa tâche au comité fédéral, la fédération recommandait qu’il se consacre aux tâches municipales et à l’association des élus républicains. On proposait son retrait avec son accord. En 1957, il devint maire de Saint-Mitre-les-Remparts et ne fut pas réélu au comité fédéral en novembre 1960.
Entre 1964 et 1966, la menace de la fermeture des CAP provoqua de nombreuses mobilisations. Lorsque l’annonce de la fermeture fut officielle, des actions de résistance continuèrent à avoir lieu du 15 janvier au 4 mars à Port-de-Bouc et dans le département. La CGT et le PCF étant très investis dans cette lutte, de nombreux représentants du Parti communiste – dont Marius Fournier – vinrent participer aux meetings de soutien.
![Inauguration place Jean Moulin, 1985. De gauche à droite : M. Pellegrino (sous-préfet) Marius Fournier et M. Hubert Gay (adjoint). [photo transmise par Jean-Jacques Lucchini]](https://static.wixstatic.com/media/080998_5f383702b6264348921081e5226bf5d4~mv2.jpg/v1/fill/w_550,h_383,al_c,q_80,enc_avif,quality_auto/080998_5f383702b6264348921081e5226bf5d4~mv2.jpg)
Lorsqu’il rejoignit les vétérans du PCF vers le milieu des années 1980, il habitait au 16 place Jean Moulin à Saint-Mitre. Il militait dans la cellule locale Hélène Fournier du canton d’Istres. Hélène Fournier était une cousine de Marius, leurs pères Alexis et Adrien étant demi-frères. Elle avait été une victime civile de l’armée allemande en 1943.
Marius Fournier fut maire de Saint-Mitre jusqu’en 1989. Il perdit les municipales face à la liste menée par Christian Beuillard (divers droite) après avoir passé plus de trente ans à la tête de la commune.
Il mourut le 5 mai 1995 à l'hôpital de Martigues. La municipalité de Saint-Mitre donna son nom à l’avenue qui relie l’avenue Charles de Gaulle à l’avenue de Massane.
Sources : Arch. de la fédération communiste des Bouches-du-Rhône, 315 J 617, biographie (1 AU 0157). — Arch. de la CGT Naphtachimie. — État civil de Saint-Mitre-les-Remparts, Naissances 1925, Acte n°9 ; Mariages 1944, Acte n°12. — État civil de Martigues, Décès 1995, Acte n°196, Copie intégrale délivrée le 25 juillet 2025. — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, Recensement de la population de Saint-Mitre-les-Remparts, 1931, 6 M 513. — Journal officiel de la République française. Lois et décrets, 9 décembre 1944 (76e année, N°145), p. 1771 ; 12 et 13 janvier 1948 (80e année N°11), pp. 381-382. — Anne-Sophie Anglaret, « Le serment de la Légion française des combattants : l’ordinaire combattant au service de la propagande de Vichy », in Nazisme et serment de fidélité (dir. par Marie-Bénédicte Vincent), Histoire @ politique, n°40, 2020. — Collectif, Communistes dans les Bouches-du-Rhône : 1920-2020, Un siècle au service des luttes et du bien commun, Fédération PCF des Bouches-du-Rhône / Association Former Transformer Partager, 2020. — Jean Domenichino, Une ville en chantiers : La construction navale à Port-de-Bouc, 1900-1966, Edisud, 1989 (pp. 257, 285-286, 291). — Cédric Moreau de Bellaing, Une matraque républicaine ? Genèse et pérennisation des compagnies républicaines de sécurité : 1944-1955, Mémoire de DEA sous la direction de Serge Berstein, IEP de Paris, 1999. — Site Match ID, Acte n°196, Source INSEE : fichier 1995, ligne n°248171.
1ere version dans Le Maitron : 10 octobre 2022.
2e version : 27 juillet 2025.
3e version : 6 août 2025.
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