BALME Gabriel, Auguste
Né le 28 juin 1915 à Arles (Bouches-du-Rhône), mort le 21 mars 1999 à Arles ; chef du personnel aux Établissements Kuhlmann de Port-de-Bouc, puis chef de section à la Sécurité sociale ; résistant des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF), lieutenant des Mouvements unis de la Résistance (MUR), responsable à Port-de-Bouc du Front national de lutte pour la libération (FN), des Milices patriotiques, des Forces unies de la jeunesses patriotique (FUJP) et de l’Armée secrète (AS), chef militaire de la Résistance de Port-de-Bouc à partir de novembre 1942, secrétaire de l’"Union interlocale de la CGT" ; secrétaire du Comité local de Libération de Port-de-Bouc et premier adjoint de la délégation municipale ; engagé dans l’armée de libération.
Les parents de Gabriel Balme étaient Émile Balme, né à Marguerittes (Gard), tourneur, et Catherine Adolphine Ribière, née à Nîmes (Gard) sans profession. Ils vécurent dans la commune d’Arles, 1 rue Mireille, à Salin-de-Giraud.
Gabriel avait un cadet frère, Paul, plus jeune que lui de cinq ans. Ce dernier, ajusteur aux Établissements Kuhlmann et aux Chantiers et Ateliers de Provence de Port-de-Bouc, fut également résistant dans les MUR, les FTPF et le Front national sur le secteur de Martigues – Port-de-Bouc.
Gabriel Balme obtint le brevet élémentaire avant de passer les 1ere et 2e parties du brevet supérieur. Après huit années d’études primaires supérieures, il ne finalisa toutefois pas sa formation. Le 27 octobre 1938, il se maria à Arles avec Thérèse Élisabeth Gargal, née en 1917 et arlésienne comme lui. Le couple n’aura pas d’enfants.
Appartenant à la classe 1935, il fut incorporé en octobre 1936 sous le matricule 3277 dans le 11e Bataillon de chasseurs alpins stationné à Gap (Hautes-Alpes). Plus tard, il fut muté dans le 14e Train et fut secrétaire d’état-major à la 27e Division d’infanterie. Après l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne, il fut secrétaire à l’état-major de la 6e Armée. Il reçut un témoignage de satisfaction du général commandant la gendarmerie de la 6e Armée et fut démobilisé le 13 juillet 1940. À partir d’octobre 1940, Gabriel Balme était le chef du personnel, de la main-d’œuvre et des services sociaux des Établissements Kuhlmann de Port-de-Bouc, une fonction qu’il exercera jusqu’au 20 août 1944.
D’après le récit qu’il fera après la guerre en vue d’être homologué FFI, il rechercha, suite à la défaite française, des groupes de résistance déjà constitués pour se joindre à eux. Mais ce fut individuellement qu’il s’engagea, dans un premier temps, en réalisant des actions isolées. Il date au 1er juillet 1942 le moment de son passage à la résistance organisée en donnant son adhésion à Cyrille Blaya, chef du secteur Martigues – Port-de-Bouc – Fos-sur-Mer – Port-Saint-Louis-du-Rhône – Salin-de-Giraud des Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF). Balme y fut enregistré sous le matricule 70.007. Parallèlement à cela, il entra en contact avec Aldéric Chave, responsable des Mouvements Unis de la Résistance (MUR) du secteur de Martigues – Marignane – Istres. Parmi les éléments plus élevés dans la hiérarchie de l’organisation, il mentionne le colonel Schuller, Max Juvénal et son frère Jean Juvénal, dit "Joinville" ou "Janville".
Dans le dossier de Gabriel Balme dans les archives du Service historique de la Défense de Vincennes (ancien "Bureau Résistance"), des dates d’engagement différentes coexistent concernant son entrée dans la résistance organisée. Elles viennent parfois se contredire. Peut-être faut-il y voir, au moins en partie, le résultat des engagements multiples du résistant. Dans un document interne à la XVe région militaire, une formule qu’il utilise pour décrire ses responsabilités semble résumer tout le reste : « chef militaire de la Résistance de la commune de Port-de-Bouc depuis novembre 1942 » Il dit avoir créé « un mouvement de résistance local dès que les Allemands arrivèrent en Provence ». Par "mouvement" on peut entendre qu’il avait construit une articulation entre les structures existantes. En plus de son rôle dans les FTPF et les MUR, il mena en effet des actions pour le Front national (de lutte pour la libération et l’indépendance de la France – FN), les Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP), ainsi qu’au sein des Milices Patriotiques à partir de mai 1943. Il avait dans ce dernier groupement le matricule 71.214. Dans la clandestinité, il eut comme pseudonymes successifs "André" et "Vincent". Il fut de plus responsable communal de l’Armée secrète (AS).
Sur la Fiche individuelle d’officier qu’il remplira quand il sera dans les FFI, il datera contre toute attente au 2 août 1943 son entrée dans les MUR et les FTPF. Le 15 août, Gabriel Balme fut nommé par Aldéric Chave lieutenant responsable des MUR à Port-de-Bouc. Il mena des effectifs d’environ 250 à 300 hommes sous la direction de Chave et de Robert Daugey. Du fait de son poste de chef du personnel aux Établissements Kuhlmann, on peut deviner qu’il était en contact avec un nombre important de jeunes ouvriers, un vivier de nouvelles recrues pour la Résistance. Il relate lui-même : « Surtout spécialisé dans les mouvements de jeunesse, j’avais créé à Port-de-Bouc une maison de jeunesse dont je fus le directeur où plus de 300 jeunes étaient groupés et agissaient contre le Boche. Responsable des FUJP et désireux d’unifier davantage la Résistance, je fis de gros efforts pour faire agir en commun le FN que j’avais réussi à détecter et les MUR. »
En tant que responsable du Front national, Gabriel Balme était en contact avec Georges Galdy (qu’il orthographie "Galdi") du Comité départemental du FN, qui était chef du personnel à l’usine Verminck de Martigues. Responsable également des FUJP, il collaborait avec un certain "Alain". Avec l’appui de René Rieubon, il créa un Comité local de la Résistance, qui devint plus tard Comité local de Libération, puis délégation municipale. Il en assuma le recrutement. Il organisa les Milices patriotiques avec "Lefort" (Blaya) et "Marat", qu’il nomme "Geriboni" [il s’agit en réalité de Joseph Giribone]. Il était aussi secrétaire de l’"Union Interlocale de la CGT", présent autant dans la préparation des actions de résistance que dans les actions proprement dites. Il rédigea et diffusa des tracts, participa à des actes de sabotage contre les installations téléphoniques, ferroviaires et contre le matériel allemand de la Kriegsmarine (marine de guerre allemande), transporta des armes entre Martigues et Port-de-Bouc, organisa des dépôts et fabriqua du matériel de sabotage. Il ajoute avoir placé cinquante jeunes aux Chantiers et Ateliers de Provence pour leur éviter d’être "déportés" en Allemagne. Il faut comprendre ici qu’il leur permit d’échapper au STO (Service du travail obligatoire), réquisition par le IIIe Reich de la main-d’œuvre française pour contribuer à son effort de guerre.
Balme assurait une liaison régulière avec l’organisation militaire de Martigues – notamment avec Robert Daugey, Aldéric Chave et Paul Di Lorto – et la direction effective de la Résistance à Port-de-Bouc avec René Rieubon et Cyrille Blaya. Il fournit des renseignements militaires sur les fortifications côtières allemandes de Fos au Rove à plusieurs agents de renseignements de l’AS. Durant la même période, il participa à la rédaction et à la diffusion du journal Le Patriote Martiguais, organe du Front national de Martigues, distribua d’autres titres de la presse patriotique et recruta de nouveaux membres pour les FTPF.
Il évalue à une centaine d’hommes les effectifs qu’il commandait avant la Libération. Dans la nuit du 20 au 21 août 1944, alors que les Allemands n’avaient pas encore quitté la ville, il coupa les fils des mines du pont du canal d’Arles à Bouc, le sauvant de la destruction. Il participa aux combats pour libérer la commune, aux patrouilles qui permirent de capturer neuf Allemands et à la lutte pour éviter la destruction du port. « Résultat positif, commente-t-il, puisque Port-de-Bouc fut le premier port à être employé par les navires de guerre alliés malgré les pertes infimes en hommes (un fut tué sur plus de trois cents FFI). » Son dossier au SHD de Vincennes évoque une proposition du Comité local de Libération de Port-de-Bouc de lui attribuer la médaille de la Résistance. On n’en trouve cependant pas la trace sur le site "Ordre de la Libération", qui répertorie les bénéficiaires de cette distinction.
Le 21 août 1944, Gabriel Balme entrait officiellement en qualité de secrétaire au Comité local de Libération de Port-de-Bouc, présidé par René Rieubon, aux côtés d’Armand Peynichou, lui-même vice-secrétaire. Il convient de s’interroger un instant sur les idées politiques de Balme. Si son dossier au SHD de Vincennes ne donne aucune indication à ce sujet, on constate que l’écrasante majorité des camarades qu’il nomme étaient liés soit au PCF soit à la SFIO. Il intégra tous les mouvements de résistance locaux, qu’ils fussent d’inspiration communiste (FTPF, FN, Milices patriotiques), non communiste (MUR, AS) ou simplement voués à rassembler toutes les sensibilités (FUJP). À son échelle, il semblerait qu’il ait voulu réaliser – un peu avant l’heure – la mission que se donnera officiellement le Conseil national de la Résistance (CNR) à partir de mai 1943. Ce dernier n’était encore qu’une utopie lorsque Gabriel Balme intégrait les principales forces en présence autour de lui et tentait de les unifier. Faut-il y voir le signe d’un pragmatisme partisan, quoique sans parti, doublé d’une lucidité politique très aiguisée ? Il siégeait dans un Comité local de Libération dominé par les communistes. On pourrait en déduire qu’à défaut d’être un membre du PCF, il en aurait été au moins sympathisant ou aurait eu un sentiment élevé du bien commun. Peut-être à la manière d’un Joseph Brando, venu de la SFIO, qui siégeait dans le même comité ?
Une fois Port-de-bouc libérée, Balme contribua à la libération de Martigues et à la liaison avec l’armée américaine. Membre de la délégation municipale, qui fut validée le 15 septembre 1944 [elle restera en place jusqu’aux élections municipales d’avril 1945], il ne s’y attarda pas. À son départ, la municipalité publia dans la presse – probablement dans La Marseillaise – un portrait de lui plein de reconnaissance. Il s’engagea pour la durée de la guerre dans le 3e régiment Rhône et Durance, basé à Arles. Le 1er novembre, il y était officier adjoint au commandant de la 2e 1/2 brigade et chef du secrétariat d’état-major, à la tête de 70 hommes. Son frère Paul prit la même trajectoire vers le régiment Rhône et Durance. Depuis la fusion des principaux mouvements militaires de la Résistance intérieure dans les FFI – début 1944 –, l’armée s’était structurée de manière plus verticale. Fin décembre 1944, le colonel Henri Simon, chef régional FFI de la région R2, maintint la nomination de Gabriel Balme au grade de lieutenant.
Balme et sa femme vivaient alors au 26 rue de La Bruyère à Arles.
Le 1er février 1945, le 5/15 de la 1/2 brigade Rhône et Durance prit l'appellation de 2e bataillon du 8e Zouaves, sous les ordres du capitaine Eugène Vial. Les supérieurs de Gabriel Balme ne tarissaient pas d’éloges à son propos. Le capitaine Vial écrivait par exemple en mars 1945 : « A permis, par ses qualités d’ordre, de discipline et de volonté, la mise en ordre des archives de la 1/2 Brigade, laissées par son prédécesseur dans un désordre indescriptible. D’une instruction générale très poussée, a commandé avec un rare brio, une section durant un mois, obtenant d’elle des résultats étonnants. À maintenir dans l’armée active comme officier chef de Section. » Le lieutenant-colonel Fleuret, commandant la 1/2 brigade, notait le même mois : « Jeune officier qui doit réussir. À guider. Bonne instruction générale. Instruction militaire à perfectionner dans une école de cadres. Très bon élément. »
Bien qu’il fût volontaire pour suivre des stages de formation militaire et les cours de l’École des cadres d’Aix-en-Provence, ses demandes ne furent pas agréées car son bataillon était en instance de départ pour le Maroc. Le 2/8e Zouaves, dirigé par le chef de corps Henry Paul, débarqua à Oran en mai 1945. Balme y était toujours officier adjoint. Les sites dédiés à l'histoire militaire permettent d’en reconstituer les déplacements : installé d’abord à Eckmuhl, il était le 16 juin à Arzew, le 9 septembre à Chanzy (aujourd’hui Sidi Ali Benyoub, dans la wilaya de Sidi Bel Abbès) et le 10 octobre de nouveau à Oran. Gabriel Balme fut démobilisé le 15 novembre 1945.
En juin 1950, il était toujours domicilié rue de La Bruyère à Arles et travaillait comme chef de section à la Sécurité sociale. Il entreprit des démarches pour faire valider ses services dans la Résistance. Cyrille Blaya, ex-capitaine FFI et FTPF de Port-de-Bouc, rédigea une attestation confirmant qu’il avait appartenu à son organisation et pris part à la libération de Port-de-Bouc. Balme informa l’armée qu’il ne pourrait pas fournir d’autre attestation, ses chefs Chave et Daugey dans les MUR ayant été fusillés par les Allemands.
En novembre 1950, il reçut un certificat d’appartenance aux FFI, signé par le Général Magnan, commandant la IXe Région militaire, au titre de son appartenance aux FTPF du secteur de Martigues pour la période allant du 2 août 1943 au 31 août 1944. 2e classe dans l’armée de réserve, il fut homologué lieutenant pour la IXe région militaire (ex 15e) – subdivision de Marseille – avec effet rétroactif s’appliquant à partir du 9 juin 1944.
Le Bulletin des Amis du Vieil Arles publia en septembre 1995 un texte de Gabriel Balme qui évoquait sa Camargue natale. Décédé dans la commune le 21 mars 1999, il fut incinéré et ses cendres furent dispersées sur la plage Piémanson, dans le décor familier qui l’avait vu grandir.
Sources : Arch. mun. Port-de-Bouc. — SHD Vincennes, 16 P 29691. — 80 ans de la Libération, Ville de Port-de-Bouc, juillet 2024. — Bulletin des Amis du Vieil Arles, n°90, septembre 1995. — Le vieux Chacal [bulletin de l’Amicale des Anciens Combattants et Anciens Militaires du 8e Régiment de Zouaves], n° 284, juin 2015. — Blog consacré à l'histoire du 8e Zouave. — Site Match ID, Acte n°191, Source INSEE : fichier 1999, ligne n°364308. — Propos recueillis auprès de Monique Garenq (août 2024).
1ere version : 30 août 2024.
2e version : 1er septembre 2024.
Posts récents
Voir toutNé le 27 novembre 1893 à Castiglione Messer Raimondo (province de Teramo) dans les Abruzzes (Italie), mort le 15 novembre 1943 à Fourques...
[Cette biographie s'inspire d'un texte originellement écrit par Antoine Olivesi et Jean-Marie Guillon ainsi que d’un article signé Louis...
Comments