PRIVAT Maurice, Marcel
- Renaud Poulain-Argiolas
- 16 mai
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mai
Né le 21 mai 1946 à Caveirac (Gard), mort le 4 octobre 2024 à Puimoisson (Alpes-de-Haute-Provence) ; agent technique de sécurité (pompier), patron de bar, puis chauffeur de poids lourds ; syndicaliste CGT ; militant communiste de Martigues (Bouches-du-Rhône), un des responsables de la section PCF de l’usine Naphtachimie.

Le père de Maurice Privat, René Privat, né à Langlade (Gard), était ouvrier agricole et bayle du mas du Grand Argence à Fourques. Il fut plus tard chauffeur de poids lourds. Sa mère, Jeanne Fayet, née à Générac (Gard), éleva les quatre enfants du foyer : Renée, Paul (nés avant la guerre), Maurice et Jeanine (nés après la guerre). Peu enclin à travailler la terre comme son père, Maurice Privat s’engagea à dix-sept ans en tant que mousse sur une péniche qui transportait des marchandises sur le Rhône. Il trouva ensuite un emploi de pompier professionnel auprès de la mairie de Grenoble (Isère). Il logeait à la caserne. Le 20 avril 1968, il épousa à Saint-Gilles (Gard) une native de la commune. Le couple s’installa à Seyssinet-Pariset dans un appartement de fonction. De mémoire familiale, il participait à des réunions – probablement de la CGT – à la caserne. Sa femme travaillait chez Lustucru au service de la publicité. En 1969, ils eurent un fils, Thierry.

Au début des années 1970, Maurice Privat fut embauché comme agent technique de sécurité (pompier) par la société pétrochimique Naphtachimie, filiale de Rhône-Poulenc, installée à Martigues dans le quartier de Lavéra. Posté et syndiqué à la CGT, c’était aussi un membre actif de la cellule communiste d’entreprise. En mai 1974, il assista à l’allocution de Jacques Duclos à Martigues. Ce dernier appela à faire gagner l’Union de la gauche aux élections présidentielles. C’est certainement la même année que Maurice Privat fit avec son épouse un voyage d’une dizaine de jours en URSS, via Kiev et Moscou, organisé par le comité d’entreprise de Naphtachimie. Sa conjointe garda le souvenir d’un beau voyage quoiqu’il leur fût interdit de ressortir une fois rentrés à l’hôtel. Il suivit l’école fédérale du PCF des Bouches-du-Rhône du 17 février au 1er mars 1975 à Allauch, animée par René Féniche. À la même session étaient présents Brigitte Argiolas, Yves Boussié, Mireille Granelli, Martine Meyraud, Roger Rey et Alain Ros. De l’avis de plusieurs de ses camarades de l’époque, c’était un bon recruteur de militants : autour de lui tous ses collègues pompiers (ou presque) auraient pris leur carte au Parti communiste.

Dans la seconde moitié des années 1970, Maurice Privat participa, aux côtés de Jean-Claude Sautel et de Roger Allemand, à la création d’une section communiste à Naphtachimie. Il en fut un des principaux animateurs. Jouissant d’une autonomie par rapport à la section de Martigues, elle rassemblait la cellule des salariés à la journée et celle des postés de l’usine, louant un box pour stocker son matériel. Des réunions politiques et syndicales avaient lieu régulièrement au domicile de Privat, 10 avenue Geine verte, à Lavéra. C’était sans doute avant que la section PCF de Naphtachimie n’eût un lieu de réunion attitré. Cela provoquait des tensions avec son épouse qui n’était pas militante. En plus de Sautel et Allemand, celle-ci fut amenée à côtoyer bon gré mal gré Jean-François Bassompierre, Michel Desbiolles, Jean-Claude Graziani, Salvador Prunera, Liliane Barbier et Maryse Trémaux, qui se rendaient à leur domicile. Bientôt la section de Naphtachimie se réunit dans une salle de la mairie de Lavéra. Il semblerait qu’elle eût une existence assez brève Si une brochure éditée par la section PCF de Martigues mentionne que Sautel en fût le secrétaire entre 1979 et 1982, un tract tiré lors d’une grève en 1977 atteste qu’elle existait déjà à cette époque. D’après les souvenirs d’un ancien responsable fédéral, Privat aurait été le secrétaire de la section avant Sautel.
![Réunion au siège de la section PCF de Martigues vers 1974, probablement après une collecte pour le journal La Marseillaise. De gauche à droite : [debout avec des moustaches] Jules De Luca (de Martigues), [assis avec des moustaches] Maurice Privat, [se touchant le menton] Robert Cadière (Port-de-Bouc), Maurice Fabre (Miramas), Vincent Salas (Port-de-Bouc), Maurice Garenq (Martigues), Christian Perrin (Istres), Jean Bourdeau (Istres), [derrière Bourdeau] non identifié, [le moustachu souriant à droite] non identifié. Dans le cadre accroché au mur au milieu de la pièce, on peut voir un portrait d'Albert Bastoni, ancien secrétaire de la section martégale.](https://static.wixstatic.com/media/080998_1f17b5c1049e43ab835a98443e10b375~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_598,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/080998_1f17b5c1049e43ab835a98443e10b375~mv2.jpg)
À partir de 1974, les conflits entre les syndicats (CGT et CFDT) et la direction de Naphtachimie se durcirent considérablement. Cette dernière accumulait les promesses non tenues – notamment à propos de l’embauche – et remettait en question la politique de négociations. Maurice Privat fut très investi dans les grèves. Lors de celle de mai 1975, la direction lock-outa l’usine avant d’assigner en justice deux délégués syndicaux – Conejon pour la CGT, Baratelli pour la CFDT. En affirmant défendre la « liberté du travail », l’entreprise visait à frapper lourdement la trésorerie des syndicats. Elle réclamait 450 000 F aux deux inculpés, au titre de « journées perdues payées aux non-grévistes ». De leur côté, les syndicats argumentaient par la défense du droit de grève, garanti par la Constitution de 1946. Les dix-huit jours de grève de décembre 1977 étaient selon la CGT et la CFDT le conflit « le plus dur de l’histoire de Naphtachimie ». Privat aimait écrire, aussi bien des textes militants que jouer avec les mots. Il se moqua de la cupidité de Renaud Gillet, le PDG de Rhône-Poulenc, en intitulant un tract « Renaud Gilet aux grandes poches ».

Les deux sections communistes martégales (la section principale et celle de Naphtachimie) réclamaient dans un tract du 11 décembre 1977 la nationalisation de Rhône-Poulenc, en accord avec les perspectives du Programme commun, signé entre PCF et Parti socialiste. Les militants martégaux replaçaient cette grève dans le mouvement social plus large – qui touchait la Sécurité sociale, l’EDF et la SNCF – en faveur de l’emploi et la sécurité. Les communistes dénonçaient le fait que la direction de Naphtachimie n’ait pas tenu son engagement de nouvelles embauches alors que Rhône-Poulenc avait « augmenté ses profits de 24 % pour le 1er trimestre 77 sur 76 ». Ils pointaient du doigt la complicité du gouvernement Giscard-Barre qui laissait Naphtachimie lock-outer alors que c’était illégal, en précisant que ce conflit concernait environ 10 000 travailleurs (et autant de familles), liés directement ou indirectement à l’activité de l’usine. Pour finir, ils formulaient un désaccord important avec le Parti socialiste sur les contours qu’ils voulaient donner à la nationalisation : l’élection du PDG de l’entreprise nationalisée et « la constitution des conseils d’atelier » dans une perspective autogestionnaire, points que le PS désapprouvait.
Maurice Privat divorça en 1977 et démissionna de son poste de pompier. Il se remaria à Martigues l’année suivante et eut un second fils. Domicilié à Puimoisson (Alpes-de-Haute-Provence), il y tint pendant quelques années un bar restaurant qu’il avait acheté. Il aurait cessé ses engagements militants à cette époque. L’entreprise Air liquide, spécialisée dans les gaz industriels, l’embaucha comme chauffeur de poids lourds. Il revoyait ses anciens camarades lorsqu’il effectuait des livraisons d’hydrogène à Naphtachimie. En 1988, il divorça de nouveau. Il vécut une tragédie quelques semaines plus tard : la disparition de son fils Thierry dans un accident de moto, qui mourut dans ses bras. Remarié en 1995 à Puimoisson, cette union fut de courte durée. Une fois à la retraite, il s’établit à Vinon-sur-Verdon (Var) avant de revenir vivre à Puimoisson avec une nouvelle compagne.

Autodidacte et amateur de polars, il écrivait avoir été correspondant d’un journal local. Il pourrait s’agir de La Marseillaise ou de Midi Libre. Il publia un roman policier, De la blanche dans la garrigue, en 2017. Il avait commencé à en écrire une suite quand il fut fauché par un accident vasculaire cérébral.
Sources : Archives familiales. — Archives Argiolas. — Notice Maitron de SAUTEL Jean-Claude par Renaud Poulain-Argiolas. — « 450 000 réclamés à deux militants syndicaux par la direction de Naphtachimie », Le Provençal, 16 juin 1976. — « Naphtachimie : pour de véritables négociations », La Marseillaise, 24 décembre 1977. — Philippe Madelin et Jean-Pierre Michel, Dossier J… comme justice, Alain Moreau, 1978. — Fragments d’histoire (brochure), Section du PCF de Martigues, 2021, 52 p. — Site Match ID, Acte n°26, Source INSEE : fichier 2024, ligne n°486977. — Page auteur sur le site d’Amazon. — Témoignage de sa première épouse. — Propos recueillis auprès de Brigitte Argiolas et Jean-François Poulain.
Œuvre : De la blanche dans la garrigue – Roman noir, Édilivre, 2017 – 280 p.
1ere version : 17 mai 2025.
2e version : 19 mai 2025.
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