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GANGAI Gaby, épouse BONNET, puis épouse BOUNY [née GANGAI Gabrielle, Angèle]

  • Renaud Poulain-Argiolas
  • 5 déc.
  • 15 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

Née le 10 octobre 1943 aux Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) ; rédacteur de la fonction publique, puis permanente du PCF, contractuelle de mairie et rédacteur au Conseil général des Bouches-du-Rhône ; secrétaire du conseil communal aixois du Mouvement de la Paix ; syndicaliste CGT ; militante communiste des Bouches-du-Rhône et du Cher, membre du comité fédéral (1970-1974, 1976-1977, 1990-1996) et du bureau fédéral (1977-1986) du PCF des Bouches-du-Rhône, du comité fédéral et du bureau fédéral du Cher (1987-1990) ; conseillère municipale d’Aix-en-Provence (1983-1986) ; secrétaire de la section PCF d’Aix-en-Provence, du comité de ville d’Aix, puis de la section de Martigues (1991-1996) ; militante associative.


Gaby Bonnet, fin 1982
Gaby Bonnet, fin 1982

Gabrielle Gangai était la fille d’un couple de Marseillais. Son père, Antoine Gangai, d’origine italienne, fut successivement ouvrier maçon et artisan maçon. Il rejoignit le PCF à quinze ans et fut actif dans le service d’ordre du parti durant la campagne « Marseille propre » des législatives de 1936, menée autour de François Billoux contre Simon Sabiani. Ses convictions révolutionnaires et anticoloniales inspirèrent l’engagement militant de sa fille. La mère de Gabrielle Gangai, Marguerite Mas, fille d’immigrés espagnols, fut mécanicienne avant de devenir mère. Elle vécut durement les privations de la guerre alors qu’elle était enceinte de sa fille. Elle demanda à bénéficier du statut J3, destiné aux femmes enceintes et aux jeunes de 13 à 21 ans. La carte de rationnement correspondante lui donna accès à des rations de pain plus importantes, des suppléments de sucre, de confiture et de chocolat. Gabrielle vit le jour à la maison que sa grand-mère maternelle avait achetée aux Pennes-Mirabeau avec son second mari. Sa fratrie s’agrandit d’un frère, René, en 1945, et d’une sœur, Danielle, en 1955. Son frère sera au moins un temps membre du PCF et sa sœur de l’Union des jeunes filles de France (UJFF). Leur mère sera engagée dans l’Union des Femmes françaises (UFF).


Gabrielle Gangai suivit les cours complémentaires de l’école élémentaire Saint-Louis et obtint le BEPC en 1958. Elle se destinait à l’enseignement. Ses bons résultats scolaires lui auraient permis d’y passer  le concours d’entrée pour l’École normale d’Aix-en-Provence. Mais son père s’y opposa parce qu’il refusait de la voir aller dans une école mixte. À la fin des années 1950, Antoine Gangai trouva un emploi rémunéré à la tâche pour une entreprise de travaux publics basée à Aix. La famille s’y installa en 1959. Gabrielle fréquenta la section Moderne prime du collège Pierre et Marie Curie. Plus littéraire que scientifique, elle se retrouva néanmoins en échec scolaire, bien qu’elle ait développé très jeune un goût pour la lecture. À seize ans, elle avait lu Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, la Bible, le Coran et la Torah. La même année 1959, elle participa à une manifestation contre la guerre d’Algérie devant le Palais de Justice d’Aix. Le rassemblement était organisé par les Témoins de Jéhovah dont elle ne connaissait pas les idées. On lui demanda de tenir une banderole. Des policiers la lui arrachèrent pour la frapper avec sur la tête – lui faisant découvrir la violence en manifestation.


Malgré l’affection d’Antoine Gangai pour pour sa fille, il lui interdisait de sortir. Elle se sentait prisonnière. Sachant qu’à dix-huit ans révolus elle pouvait légalement être émancipée de la tutelle de ses parents si elle disposait d’un travail, elle prit dix mille francs dans l’armoire de la maison et fugua en faisant de l’autostop jusqu’à Nice. Elle y vécut de petits boulots : femme de ménage chez des particuliers, plongeuse dans un restaurant, vendeuse de fleurs, puis postula chez Gelati Motta, une enseigne de glaces italiennes qui cherchait du personnel. Elle franchit la frontière cachée dans un coffre de voiture et arpenta l’Italie en travaillant au noir. Elle y vécut trois ans dans des pensions de famille qui proposaient un loyer bon marché. L’italien, elle l’apprit avec les locaux. En 1965, elle tomba enceinte et rentra en France, sur les conseils de sa mère, pour se faire avorter. C’est un médecin communiste du centre de santé de l’UDMT d’Aix-en-Provence, le Dr Maurice Boumendil, qui fit l’intervention. Ses parents avaient acheté un appartement. Ils lui laissèrent le logement social qu’ils avaient occupé jusque là sur la route des Alpes. Gabrielle fut embauchée comme ouvrière chez Léonard Parli, fabriquant de calissons. Sans contrat de travail, elle travailla plus de cinquante heures par semaine pendant un an.


Elle passa plusieurs concours avec succès. La Poste ne lui proposait qu’un emploi en Ile-de-France, les impôts à Bordeaux. Elle opta pour la mairie d’Aix, où elle commença à travailler le 1er juillet 1966 en qualité de rédacteur au Bureau de l’urbanisme et des constructions. Bien notée par sa hiérarchie, elle restera dans ce service jusqu’en 1974, moment où elle passa à l’état civil en qualité de conservateur des cimetières d’Aix. Pascal Fieschi la fit adhérer à la CGT en 1966. L’ancien résistant, admiré et respecté pour son passé, aurait été d’après elle nommé responsable du personnel des écoles pour réduire sa visibilité. Sa bonne réputation aurait néanmoins grandi grâce aux embauches de femmes en situation difficile qu’il avait permises. Gaby Gangai fit signer des pétitions pour la campagne du « bâteau pour le Vietnam » (1967-1968), lancée par le PCF pour envoyer nourriture et matériel aux Vietnamiens en lutte pour leur indépendance. L’expérience fut très formatrice pour la jeune militante. Sa réflexion lui fit percevoir les limites du combat syndical en terme de transformation sociale. Après avoir été approchée sans succès par des militants d’extrême-gauche (probablement Voix ouvrière – future Lutte ouvrière), elle adhéra au Parti communiste en janvier 1968. Elle devint rapidement secrétaire de la cellule des municipaux de la section d’Aix-nord.


Le mouvement de mai 1968 suscita son enthousiasme. Elle n’avait jamais vu autant de monde dans les rues d’Aix ! Après quelques jours de grève, elle réalisa son premier séjour à Cuba, un mois organisé par la Jeunesse communiste. Le voyage, prévu de longue date, lui avait coûté presque une année de salaire. Les grèves rendaient impossible tout décollage de France. Elle prit donc un autocar jusqu’à l’aéroport de Madrid-Barajas en Espagne, fit une escale au Canada avant d’atteindre La Havane. Effectuant un tour de l’île en autocar, elle fut émerveillée de voir des bibliothèques ouvertes jusqu’à minuit dans la rue principale de la capitale, des cités universitaires confortables et meublées, des autochtones qui parlaient facilement aux étrangers. À son retour, son salaire mensuel d’environ 650 F était passé à plus de 1000 F, conséquence des Accords de Grenelle.


Carte de déléguée de Gabrielle Gangai pour le congrès du PCF de 1970
Carte de déléguée de Gabrielle Gangai pour le congrès du PCF de 1970

Gabrielle Gangai suivit une école élémentaire du Parti communiste en février 1968, une école fédérale en novembre 1968 et une école centrale d’un mois en août 1969. Elle devint secrétaire de la section PCF d’Aix-centre durant la même année 1969. Elle assurait de plus le secrétariat de la cellule Maurice Thorez à la mairie d’Aix. Dans le questionnaire biographique qu’elle remplit en avril 1969, elle précisait être membre du secrétariat de la section aixoise et avoir été secrétaire du conseil communal du Mouvement de la Paix. Robert Avit, membre du bureau fédéral des Bouches-du-Rhône notait à son sujet : « Camarade très active. Comprenant très bien la politique du parti et capable de l’adapter à sa section. A de très grandes possibilités de se développer. » Au milieu des années 1980, elle sera secrétaire du comité de ville lorsque la commune comptera trois sections (Aix-centre, Aix-nord et Aix-sud), franchissant le seuil du millier d’adhérents. Elle était domiciliée 18 avenue de la Cascade. En février 1970, elle était déléguée à Nanterre à l’occasion du XIXe congrès du PCF. L’objectif principal de la rencontre était de réaliser l’union des forces ouvrières et démocratiques. Le mouvement de mai-juin 1968 fut évoqué, ainsi que la conférence mondiale des partis communistes réunis en juin 1969 à Moscou et le projet de tenue d’un grand congrès mondial des forces anti-impérialistes. La même année, Gabrielle Gangai entrait au comité fédéral des Bouches-du-Rhône. Elle siégea au comité fédéral jusqu’en 1977, à l’exception d’une brève parenthèse de 1974 à 1976 où son nom ne semble pas figurer parmi les élu-es des instances dirigeantes.


Départ d'une partie de la délégation des Bouches-du-Rhône pour le congrès du PCF, Marseille, gare Saint-Charles, février 1970 [photo publiée dans La Marseilliaise]
Départ d'une partie de la délégation des Bouches-du-Rhône pour le congrès du PCF, Marseille, gare Saint-Charles, février 1970 [photo publiée dans La Marseilliaise]

En 1971, elle se maria avec René Bonnet avec qui elle aura deux enfants : Sébastien en 1972, Marianne en 1975. Le parti lui proposa de suivre l’École supérieure de Sciences sociales, organisée à Moscou par le PCUS (Parti communiste d’Union soviétique) ou une école centrale du PCF de quatre mois à Draveil (Essonne). Enceinte de son premier enfant, elle se décida pour la seconde option. L’école centrale, qu’elle fréquenta de février à juin 1972, lui apporta une ouverture intellectuelle comparable à ce que peut apporter l’université. Elle se plongea dans l’histoire, découvrit la danse, la musique, l’économie, approfondit sa connaissance de la littérature et de la philosophie. Des sorties lui laissèrent des souvenirs durables : une visite au Musée d’art moderne (Palais de Tokyo) – elle n’était jamais allée au musée – une représentation du Lac des cygnes par la ballerine soviétique Maïa Plissetskaïa, un cours de Jean Elleinstein sur le rapport Khrouchtchev au XXe congrès du PCUS. La formation fit grandir son intérêt pour l’Amérique du Sud. La Section de montée des cadres émit à son propos un avis favorable : « Bon travail, assimile bien. Participe aux débats. C’est une camarade qui ouvre des perspectives. » En février 1976, elle était présente à L'Île-Saint-Denis pour le XXIIe congrès du PCF, qui fut marqué par l’abandon du concept de « dictature du prolétariat » et le tiraillement de la direction entre eurocommunisme et loyauté envers l’URSS. En 1977, Gaby Bonnet était élue au bureau fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône, chargée de la santé et du cadre de vie (elle y siégera encore en 1985). En novembre de cette année-là, elle habitait la résidence L’Esparelle, bâtiment C, rue de la Verdière à Aix. Le 28 septembre 1980, le parti la présenta aux élections sénatoriales. Les grands électeurs (députés, conseilleurs généraux et représentants des conseils municipaux) du département devaient élire sept sénateurs. Elle ne fut pas élue.


Les candidat-es communistes aux sénatoriales de 1980 dans La Marseillaise
Les candidat-es communistes aux sénatoriales de 1980 dans La Marseillaise

Lors des présidentielles de 1981, Gaby Bonnet suivit la ligne exprimée officiellement par le PCF en appelant à voter François Mitterrand au second tour. Cependant depuis la rupture des nouvelles négociations portant sur la réactualisation du Programme commun en 1977 – en vue des législatives de 1978, qui s’étaient déroulées sans union à gauche – les relations étaient tendues entre communistes et socialistes. Comme d’autres responsables fédéraux, elle s’autorisait à dire en aparté à ses camarades que l’élection de Mitterrand serait une mauvaise chose. Elle vota nul au second tour du scrutin. Lors d’une réunion du bureau fédéral, elle échangea avec Guy Hermier. Tandis qu’elle se montrait confiante sur l’avenir, son interlocuteur lui répondit qu’il faudrait plusieurs générations pour rattraper les erreurs qui avaient été commises. A posteriori, elle jugera que le président socialiste aura fait davantage pour installer le néolibéralisme en France que son prédécesseur Giscard d’Estaing. Entre 1981 et 1985, elle dirigea les écoles fédérales du PCF des Bouches-du-Rhône, à Allauch avec René Féniche, et les écoles centrales d’un mois en région parisienne – dont une avec Pierre Blotin, membre du bureau politique du parti et responsable à l’éducation. Sollicitée par Jeanine Porte pour la remplacer à l’activité en direction des femmes, Gaby Bonnet assuma cette responsabilité au bureau fédéral à partir de 1982. La même année, elle organisa un apéritif à la section d’Aix pour fêter l’entrée de Danielle Bleitrach au comité central. Elle se prononça en faveur de l’intégration au bureau d’Annick Boët, qui devint effective en 1984. En 1985, Gaby Bonnet y était en charge du secteur éducation, succédant à René Féniche dans cette fonction.


Pascal Fieschi (au premier plan à gauche) avec les trois élu-es au conseil municipal d'Aix. Debout de gauche à droite à côté du précédent : Régine Verdet, Yves Kleniec, Gaby Bonnet [extrait de La Marseillaise]
Pascal Fieschi (au premier plan à gauche) avec les trois élu-es au conseil municipal d'Aix. Debout de gauche à droite à côté du précédent : Régine Verdet, Yves Kleniec, Gaby Bonnet [extrait de La Marseillaise]

Dans la perspective des municipales de mars 1983, le Parti socialiste aixois était opposé à l’union avec le PCF. Le mandat précédent d’Alain Joissains, maire UDF, s’était terminé par des accusations d’abus de biens sociaux venant des rangs socialistes. UDF et PS avaient mené une lutte acharnée pour gagner la mairie. Secrétaire de la section communiste, Gaby Bonnet fut convaincue par Georges Lazzarino de se présenter sur une liste de gauche. Doutant de son élection, elle figurait en 3e position derrière l’avocat Yves Kleniec, membre du parti, et l’ouvrière Régine Verdet, secrétaire du syndicat CGT de l’usine SESCO (Société européenne de semi-conducteurs) devenue Thomson. Le reste des candidats de leur liste n’étaient pas communistes. Ce fut la liste du médecin Jean-Pierre de Peretti della Rocca, conseiller général UDF, qui remporta le scrutin. Maryse Joissains, épouse de l’ancien maire – et ex-militante des Jeunesses communistes et de la CGT passée à l’UDF – devint premier adjoint. Les trois premiers candidats de la liste menée par Kleniec furent élus dans une opposition dominée par les socialistes. D’après l’intéressée, la première réunion du conseil municipal eut lieu dans un climat aux accents anticommunistes prononcés, sur fond de campagne menée par le parti contre l’apartheid en Afrique du Sud. Gaby Bonnet démissionna de son emploi de rédacteur qu’elle ne pouvait cumuler avec la fonction d’élue. Elle devint permanente du PCF, active dans la cellule de l’entreprise Thomson CSF.


Divorcée en 1981, elle fit en 1984 un voyage en Bulgarie avec ses enfants organisé par Tourisme et Travail. Elle y fit la connaissance de Jean-Pierre Bouny, cheminot cégétiste et membre du comité fédéral du PCF du Cher. Ils se marièrent à Saulgond (Charente) l’année d’après. À la fin de l’année 1984, elle accueillit à Gardanne au nom du bureau fédéral du PCF une délégation de femmes de mineurs britanniques. Ces derniers menaient leur neuvième mois de lutte contre la politique de saccage social de Margaret Thatcher. Gaby Bouny était aux côtés de Mme Jorda, 1er adjoint au maire, Raymond Navarro, secrétaire fédéral, F. Dominati, secrétaire de la section de Gardanne-Trets, Michel Ré, président de l’association des élus communistes et républicains. Des représentantes de l’UFF remirent à leurs visiteuses 1200 F collectés en soutien à la grève. En septembre 1985, elle prit la parole pour le Parti communiste lors de l’enterrement de Pascal Fieschi. Plusieurs milliers de personnes étaient présentes, dont une garde d’honneur de membres du parti, de la CGT, d’anciens résistants et déportés. L’élue voulait que le cortège funèbre allât de l’Union locale au cimetière Saint-Pierre. Le sous-préfet s’y serait opposé, mais les militants auraient outrepassé son avis afin que le cercueil traversât la commune.


Son mari ne pouvant pas être muté en Provence, Gaby Bouny mit fin à son mandat municipal et déménagea à Bourges (Cher) en juin 1986 pour vivre avec lui. Elle travailla comme rédacteur contractuel au cabinet du maire Jacques Rimbault, député-maire de Bourges, qui était épaulé par Gilbert Camuzat. Quoiqu’elle ne fut plus syndiquée, elle suivait les grèves. En 1987, elle entrait au comité fédéral et au bureau fédéral du Cher. Elle y siégea jusqu’en 1990, ainsi qu’au comité de section du PCF de Bourges. Malgré la personnalité dominante qu’elle trouvait à Rimbault, elle eut le sentiment de se faire sa place et de s’exprimer librement dans sa nouvelle section. En 1988, elle fut envoyée sur deux cantons et contribua à la réélection des élus communistes sortants. Robert Bret, membre du bureau fédéral des Bouches-du-Rhône, lui proposa de revenir en Provence : le parti cherchait un collaborateur pour officier en tant que secrétaire d’élu auprès de Michel Vaxès, conseiller général délégué au port. Elle aurait eu également à s’occuper de la questure au Conseil général. Au terme de sa période d’activité dans le Cher, elle gagnait un million d’anciens francs, un salaire qu’elle jugeait confortable.


De retour dans les Bouches-du-Rhône en 1990, Gaby Bouny travailla comme rédacteur au Conseil général à Marseille. Elle assistait Michel Vaxès à la fois dans le groupe communiste et à Port-de-Bouc, tout en habitant Martigues dans un petit appartement du quartier de L’Île. Elle emménagea un temps dans un logement plus grand au bâtiment A de la résidence Les Ifs, sur l’avenue des Espérelles, puis dans un HLM. En décembre 1990, elle fit son retour au comité fédéral des Bouches-du-Rhône. Parachutée à Martigues en 1991, elle fut élue secrétaire de section à la suite de Didier Morata. Le questionnaire biographique qu’elle rédigea cette année-là fut validé par une appréciation de Raymond Mateu, secrétaire à l’organisation, en janvier 1991 : « Cette camarade revient dans le département qu’elle avait quitté pour raisons familiales. Nous la récupérons avec satisfaction en lui confiant la responsabilité de la section de Martigues. La plus grande ville que nous dirigeons et où nous avons aussi le député. » Ce dernier, Paul Lombard, avec lequel elle s’entendait bien, lui fit part de son soucis de trouver un premier adjoint. Cette question donna lieu à des discussions dans les cellules communistes locales pendant plusieurs mois. Au terme de ces consultations, Gaby Bouny proposa Florian Salazar-Martin, qui était apprécié des élèves et de leurs parents. Mais Lombard choisit Gaby Charroux, qui lui succèdera à la tête de la municipalité. Elle contribua au renouvellement du conseil municipal.


À Martigues, Gaby Bouny trouva des cellules actives – dans les quartiers de Jonquières, Boudème, Ferrières, Carro-La Couronne, Canto-Perdrix, Croix-Sainte, Le Grès, Paradis-Saint-Roch, Font Sarrade, de l’hôpital, de la centrale EDF, de la mairie et des enseignants – qui menaient des activités annuelles, assuraient le porte-à-porte militant et la vente des journaux. Une exception cependant : la cellule Jacques Duclos de Naphtachmie, à laquelle elle fut affectée, qu’elle ne trouvait pas assez dynamique. Elle y eut des conflits avec certains militants dont Patrick Ledda. Elle tenta d’améliorer la présence communiste parmi les travailleurs en vendant La Marseillaise, tôt devant l’usine, une fois par semaine avec Jean-Claude Sautel, secrétaire de la cellule. Les deux militants échangeaient de façon complice. Elle rencontra quelques difficultés au comité de section de Martigues, où elle avait l’impression que les réunions se refaisaient au bar après la réunion. En janvier 1994, elle fut réélue au comité fédéral des Bouches-du-Rhône, mais pas en décembre 1996. Cette même année, elle fut remplacée par François Orillard au secrétariat de section de Martigues. Elle demeura secrétaire de la cellule du quartier de Boudème.


Gaby Bouny à la Fête de l'Huma
Gaby Bouny à la Fête de l'Huma

Lors de la création d’un nouveau canton, la section martégale dirigea en 1994 la campagne de Marc Frisicano, dont la réélection n’était pas acquise. Gaby Bouny donna un contenu au programme en faisant le lien au mouvement social contre le CIP (Contrat d’insertion professionnelle) dit « SMIC jeune », réforme du gouvernement Balladur à destination des jeunes de moins de 26 ans à qui on proposait des emplois payés 80 % du SMIC. Frisicano fut finalement réélu avec 58,36 % des suffrages face au candidat UDF Serge Pétricoul. En charge de coordonner la fête de la section martégale prévue à Carro, Bouny travailla avec Florian Salazar-Martin chapeauta la programmation musicale. Cette fête fut un grand événement culturel, largement bénéficiaire, qui attira en deux jours des milliers de jeunes et des groupes musicaux – dont beaucoup de la région marseillaise – qui allaient devenir célèbres par la suite. La conseillère municipale de Carro cuisina une grande paëlla. Ce rendez-vous se perpétuera après le départ de la militante de la section de Martigues. Sous son secrétariat la section prépara une grande bouillabaisse pour la Fête de l’Humanité, qui fut vendue au stand de la fédération communiste des Bouches-du-Rhône, en présence de Jean-Claude Sautel, adjoint au développement social des quartiers et à la vie associative de Martigues. Le stand du 13 attira une foule considérable. Les ventes de soupe et de vin de la coopérative vinicole de Saint-Julien-les-Martigues furent un gros succès financier. Jean-Pierre Bouny faisait le sommelier parmi les militants provençaux. Entre 1994 et 1995, les Bouny se séparèrent. Gaby s’installa dans un appartement à Boudème, puis vers 1999 à Marseille, où elle acheta un appartement grâce à un petit héritage.


Au fil des années, des points de désaccords s’étaient creusés entre Gaby Gangai et son parti. Passionnée de longue date par les autres cultures et civilisations, elle avait développé un regard critique sur l’ethnocentrisme occidental en découvrant Le Monde chinois, livre du sinologue Jacques Gernet paru en 1972, des ouvrages sur l’Amérique du Sud, l’Inde, l’Afrique et l’Iran. En plus de l’anglais qu’elle avait appris à l’école, elle lisait l’italien. Au niveau international, elle désapprouvait la non-reconnaissance par le PCF du socialisme cubain et le manque d’intérêt des communistes français pour la Chine ou l’Iran après la révolution de 1979. Sur le plan national, elle estimait que l’union de la gauche, la « Gauche plurielle », réalisée pour les législatives de 1997 causait du tort aux communistes et que Marie-Georges Buffet aurait dû quitter le gouvernement de Lionel Jopin. À l’intérieur du parti, elle regrettait que les élus puissent avoir, comme à Martigues, plus de poids que les militants. Elle éprouvait une certaine amertume, l’impression de s’être investie sans compter pendant plusieurs décennies et que les efforts consentis n’étaient jamais jugés suffisants par l’organisation. En outre elle avait besoin de prendre du temps pour elle. Grand-mère en 1998, elle quitta le PCF sur la pointe des pieds pour pouvoir profiter de ses petits-enfants. Elle divorça en 2000 et prit sa retraite en 2004.


Gaby Bouny lors du lancement de la 2e flottille de la liberté, Marseille, juin 2011 [tiré de La Marseillaise]
Gaby Bouny lors du lancement de la 2e flottille de la liberté, Marseille, juin 2011 [tiré de La Marseillaise]

La suite de ses engagements s’inscrit dans la sphère associative. De 1998 à 2020, elle fit partie de l’association France Amérique latine. À son arrivée à Marseille, elle rejoignit « Femmes en blanc », organisation de solidarité avec le peuple palestinien. Elle y restera jusqu’à la fin des années 2010 [l’association allait s’auto-dissoudre ultérieurement]. En juin 2011, elle était présente au Vieux port de Marseille pour le lancement de la 2e flottille de la liberté de l’opération « un bateau français pour Gaza » en vue de casser le blocus israélien dont souffrait la population palestinienne. 80 organisations syndicales, politiques et associatives avaient contribué à la préparation. Quelques mois en amont, neuf militants turcs avaient été tués par l’armée israélienne lors d’une 1ere flottille de la liberté. Active à France Cuba Marseille durant une vingtaine d’année, elle en assuma la trésorerie jusqu’en 2022. Elle apprit l’espagnol en regardant la chaîne de télévision Tele Sur, lancée en 2005 à l’initiative d’Hugo Chavez pour contrer le monopole des chaînes nord-américaines, telles que CNN, en Amérique du Sud. Entre 2005 et 2011, elle fit un voyage par an à Cuba, en séjournant chez des habitants, pendant au moins deux mois. En 2006, elle était présente avec l’association France Amérique latine au Forum social mondial à Caracas (Vénézuela) qui rassembla entre 70 000 et 100 000 personnes. Elle fut impressionnée par le discours d’Hugo Chavez. Au premier rang, des hommes et des femmes portant des fusils, l’Armée du peuple, écoutaient le président vénézuélien.


Restée une observatrice attentive de l’actualité politique nationale et internationale, Gaby Gangai ne soutint pas Fabien Roussel, secrétaire national du PCF candidat aux présidentielles de 2022, qu’elle trouvait insuffisamment engagé dans la bataille de classe. En revanche, elle vit d’un bon œil le score de 37 % réalisé par Olivier Mateu, secrétaire général de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, au 53e congrès de la CGT en mars 2023. Selon elle, le dirigeant incarnait un renouveau des positions « lutte de classe » à l’intérieur du syndicat, à travers par exemple, sa proximité avec la Fédération syndicale mondiale (anti-impérialiste) et une défense des droits du peuple palestinien, qui tranchaient avec les positions de la Confédération européenne des syndicats, à laquelle était affiliée la CGT sur le plan national.


Sources : Archives du PCF, questionnaires biographiques. — Articles de La Marseillaise : « PCF : Le 19e congrès s’ouvre ce matin à Nanterre », 4 février 1970 ; « Sénatoriales : les candidats du parti communiste », 21 septembre 1980 ; « Gabrielle Bonnet, secrétaire du PCF : il faut une liste de large union de la gauche à Aix », fin 1982 ; « Une délégation de femmes de mineurs britanniques reçue en mairie », décembre 1984 ; « Aix – Conseil municipal : Question en débat », 4 novembre 1987 ; « L’épopée d’un bateau français pour Gaza », 18 juin 2011. — Collectif, Communistes dans les Bouches-du-Rhône : 1920-2020, Un siècle au service des luttes et du bien commun, Fédération PCF des Bouches-du-Rhône/Association Former Transformer Partager, 2020. — Collectif, Fragments d’Histoire, Centenaire de la section du Parti communiste français de Martigues, Section PCF de Martigues, 2021. — Notes du collectif histoire du PCF de Martigues. — Notice Maitron de FIESCHI Pascal par Antoine Olivesi et Jean-Marie Guillon. — Ciné-Archives. — Entretiens avec l’intéressée (novembre 2023 – décembre 2025). — Site Généanet, Arbre généalogique de Steflio.


1ere version : 10 décembre 2025.

2e version : 12 décembre 2025.

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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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