CESARACCIO Paul [CESARACCIO Paolino, dit Paul]
Dernière mise à jour : 26 avr.
Né le 18 mai 1894 à Busachi (province d’Oristano) en Sardaigne (Italie), mort dans les années 1970 ; boulanger ; militant socialiste et laïc de Marseille (Bouches-du-Rhône) ; lié à la Résistance.
Le père de Paolino Cesaraccio, Giovanni Cesaraccio, était originaire de Sassari, ville côtière du nord de la Sardaigne. Sa mère, Maria Sionis, vit le jour à Zeppara (dépendant de la commune d’Ales) dans la province d’Oristano (Sardaigne). Paolino était le deuxième enfant d’une fratrie de sept, qui comprenait aussi Luigina [Louise] née en 1882, Battistina [Baptistine] née en 1897, Antoine-Pierre né en 1900, Antoinette née en 1903, Bernard-Charles né en 1906, Francesca Bonaria [Françoise] née en 1911. Baptistine sera elle aussi engagée sur le plan politique.
De source familiale, les parents Cesaraccio arrivèrent en France avec leurs enfants. Comme leur fille Battistina travaillait déjà en 1917 à l’usine Kuhlmann de L’Estaque (actuel 16e arrondissement de Marseille), on peut supposer que Paolino aurait suivi ses parents à la même époque. Au début des années 1920, ces derniers étaient domiciliés au 2 place de l’Église, une adresse que la famille conserva bien après que les parents eurent quitté la région. Les Cesaraccio tenaient une cantine à L’Estaque dans laquelle venaient manger les ouvriers des tuileries et de chez Kuhlmann. Dans cette zone à l’activité industrielle intense, les travailleurs immigrés avaient formé des communautés selon leur culture d’origine : corse, algérienne ou italienne. Les Italiens auraient été nombreux à fréquenter la cantine.
En mai 1923 l’adresse du 2 place de l’Église est liée à une affaire de cambriolage qui défraya la chronique et fut évoquée dans les colonnes du Petit Provençal. Dans les environs de la gare de L’Estaque, une mystérieuse bande dévalisa des wagons de marchandises en échangeant une quinzaine de coups de feu avec la police ferroviaire. Les cambrioleurs réussirent à s’enfuir, semant derrière eux trois ballots de chaussures d’un poids total de 270 kilos. La brigade de sûreté effectua plusieurs perquisitions, dont une à l’Estaque-Plage chez les parents Cesaraccio. On y découvrit "un lot important de marchandises : bicyclettes, draps, linge, parapluie etc.". Une partie de ces objets provenait d’un cambriolage. Louise Cesaraccio, épouse Chessa (sœur de Paul), assistant à la perquisition, aurait aussitôt couru chez elle pour déposer devant la maison une magnéto de valeur. Plusieurs personnes furent arrêtées, dont Maria Sionis (la mère), Louise Chessa et son mari Francesco Chessa.
En novembre 1923, le Tribunal correctionnel prononça des peines pour recel : quatre ans de prison et cinq ans d’interdiction de territoire français pour un certain Pierre Cesaraccio, présenté comme le mari en fuite de Maria Sionis Il doit s’agir d’une confusion, car son mari s’appelait Giovanni. En revanche, un de ses fils s’appelait Antoine Pierre. Deux ans de prison furent requis contre Maria et des peines plus légères pour leurs complices, un couple qui vivait chez eux. Les Chessa avaient été quant à eux relâchés. On peut se demander si cette affaire n'aurait pas influencé une partie de la famille dans son choix de quitter la région. Quelques années plus tard, Maria Sionis et quatre de ses enfants (Antoine-Pierre, Antoinette, Bernard-Charles et Francesca) étaient domiciliés dans le nord-est de la France. Il semble que le père ne restât pas sur le territoire français. Paul, Louise et Baptistine restèrent à Marseille. C’est d’ailleurs encore au 2 place de l’Eglise que cette dernière mit au monde son fils Jean-Marie Argiolas en 1924.
On trouve des mentions régulières à Paolino ou Paul Cesaraccio dans Le Petit Provençal. Naturalisé français en janvier 1926 (annonce publiée dans le Journal officiel le 12 janvier 1926), il était domicilié à Marseille et militant socialiste. Investi dans la SFIO lors des élections législatives de 1928, Paul Cesaraccio était l’un des nombreux secrétaires-adjoints de la Commission de propagande de Bernard Cadenat, candidat pour la 2e circonscription de Marseille, qui correspondait aux quartiers populaires de la banlieue Nord de Marseille, dont L’Estaque.
Il milita durant de nombreuses années pour la promotion de la culture et de la laïcité au sein des Amis de l’instruction laïque à Marseille. En 1929, il était délégué aux cours de broderie (en binôme avec Maurice Cadenat). En 1931, il occupait la même fonction avec un certain Gautier dans le quartier de la Belle-de-Mai. Membre de la commission des fêtes en 1932, il cumulait les fonctions de délégué aux cours de broderie (avec Gautier) et de délégué aux activités sportives des garçons. En 1935, il était trésorier adjoint des Amis de l'Enfance de la Belle-de-Mai, trésorier de la commission des fêtes, membre de la commission de la limonaderie et de celle des élections, et, avec d'autres, délégué aux cours de broderie et au cinéma. En 1936, il était toujours trésorier de la commission des fêtes.
Paul Cesaraccio était marié avec Thérèse Siniorsi avec qui il avait eu trois enfants : André en 1923, Jean en 1928 et Paulette en 1929. Il possédait une maison de campagne à Mirabeau (Vaucluse), où son fils cadet, Jean, passa une partie de son enfance, car malade, il avait besoin de respirer du bon air.
À l’occasion de la fête nationale, Le Petit Provençal envoya en 1942 un colis à 400 prisonniers de guerre originaires de la région et détenus par l’occupant. Ces envois faisaient suite à un tirage au sort et furent effectués par la Croix rouge française. Bernard Cesaraccio, frère de Paul et adjudant du 171e RIF, était prisonnier en Allemagne au Stalag VII A, dans les environs de Moosburg (aujourd’hui Moosburg an der Isar, Bavière) sous le matricule 44.116. C’est l’adresse de Paul qui apparaissait comme contact de la famille, le 49 rue Hoche (Marseille, 3e arr.), près du boulevard National. C'est à cette adresse qu’était située sa boulangerie. [Cette partie du quartier fut détruite vers 1968 pour construire l'autoroute A7.]
Sous l’Occupation, Paul Cesaraccio était en lien avec la Résistance, bien qu’on ignore quel rôle il joua précisément. Il permit à son neveu Albert Chessa, communiste recherché par les Allemands, de se cacher à Collobrières (Var) auprès d’un boucher nommé Pourchier. C’est également Paul Cesaraccio qui mit en contact son fils Jean avec l’Armée secrète (AS), organisation de résistance gaulliste, à Marseille. Ce dernier écrivit après la guerre : "En 1944, je suis parti avec mon père pourchassé par la Gestapo. Je me suis réfugié à Mirabeau. Mon père à Marseille était en contact avec l’AS et de suite je me suis mis au service du maquis de Mirabeau où j’ai servi vu mon jeune âge d’agent de liaison puis j’ai pu être désigné pour des missions de parachutage et transports d’armes."
Jean, Raymond Cesaraccio a un dossier dans les archives du Service historique de la Défense de Vincennes. Né le 15 septembre 1928 à Marseille, il disait avoir été étudiant en 1940 avant de travailler jusqu’en 1944 comme boulanger dans le magasin de son père. Il était d’ailleurs domicilié au 49 rue Hoche. Un rapport du 22 avril 1949 du capitaine Henri Paylan, chef du maquis de Mirabeau, médaillé de la Résistance, Croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945, précise que Jean Cesaraccio fut d’abord employé à la garde d’un poste radio émetteur et récepteur pour l’AS à Marseille. A partir du 1er février 1944, il entra comme 2e classe au service de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée), organisation de résistance giraudiste, au maquis de Mirabeau sous le pseudonyme de « Jeannot » et sous les ordres du capitaine Paylan. Attaché au groupe de commandement dès son arrivée, en raison de son jeune âge (il avait quinze ans), il servit comme agent de liaison. Son supérieur précise qu’il s’était "signalé pour son initiative intelligente, sa discipline et son courage". Jean Cesaraccio fut désigné pour des missions de parachutage, puis de transport d’armes, de munitions et de vivres.
Parmi les actions dangereuses que Jean Cesaraccio effectua, il participa le 25 avril 1944 à la destruction d’une ligne à haute tension au Brondon (sur la zone de Beaumont-Mirabeau). Les 28 et 29 avril, il convoya un camion d’armes à Valençoles-Riez. Le 4 mai, il prit part à la destruction du pont du chemin de fer de la ligne Pertuis-Veynes, le 16 mai à une embuscade contre la Gestapo à Grambois et Beaumont et les 9 et 10 juin à l’attaque d’un convoi allemand à Saint-Eucher. Le 11 juin, il était impliqué dans le déraillement d’un train d’Allemands sous un tunnel du Brondon, le 1er juillet dans la démolition d’un pylône au plastic d’une ligne de 150.000 volts, le 16 juillet dans l’explosion de plusieurs wagons de munitions au plastic en gare de Meyrargues et le 30 juillet dans la destruction du pont de chemin de fer. Les 8 et 9 août, il était présent lors de l’attaque du maquis par les miliciens et les Allemands. Le 16 août, il participa à la démolition au plastic du pont de Mirabeau. Il était à son poste lorsque le maquis parachuta 42 avions d’armes et de munitions. Plusieurs fois par mois il se rendait en missions, notamment à Marseille, Aix-en-Provence, Avignon, Digne, Forcalquier et Manosque, assurant la liaison avec les maquis de la région. Selon le capitaine Paylan, il prit part à la libération de Pertuis « toujours au service de l’État-major où sa discrétion et son dévouement absolu ont été remarqués ». Jean Cesaraccio servit dans la même organisation sous les ordres de Francis Moucan, chef de secteur, et du capitaine « Pilote » avant d’être libéré le 31 août 1944 pour rejoindre sa famille à Marseille.
En 1950, Jean Cesaraccio était domicilié au 49 rue Hoche. Il reçut un certificat d’appartenance aux FFI, daté du 2 mai 1950 et signé par le général de brigade Raynal, commandant la IXe Région militaire, qui reconnaissait sa participation à l’ORA du Vaucluse, maquis de Mirabeau, du 1er mars 1944 au 26 août 1944. Jean Cesaraccio épousa Gilberte Yvette Gardetto le 26 juin 1951 à Marseille. Ils eurent une fille nommée Joëlle. En 1957, il vivait au 55 rue Hoche. Il travailla comme boulanger jusqu’à la destruction de l’immeuble pour construire l’autoroute, devenant alors livreur pour l’entreprise BP.
Dans un rapport de gendarmerie du 16 juin 1949, Francis Moucan, né le 11 septembre 1911 à Villars (Vaucluse), représentant de commerce, demeurant à Manosque, ex-chef de secteur à Mirabeau, témoignait de la participation d’André Cesaraccio dit "Dédé", fils aîné de Paul Cesaraccio, à son maquis et sous ses ordres. Né le 17 mai 1923 à Marseille, André Cesaraccio fut lui aussi boulanger dans la boutique de son père. Lorsque l’immeuble fut détruit, il travailla comme chauffeur de taxi. Marié à Marie-Louise Abdala, il eut une fille prénommée Michèle.
On ignore la suite des engagements de Paul Cesaraccio. Ses enfants n’auraient pas été des militants politiques. Sa femme Thérèse mourut en 1973. Diabétique, il serait mort peu de temps après.
Sources : Journal officiel de la République. Lois et décrets, 12 janvier 1926 (57e année, N°187), p. 493. — Le Petit Provençal, 6 mai 1923 ; 28 novembre 1923 ; 23 mars 1928 ; 22 janvier 1929 ; 26 janvier 1931 ; 19 janvier 1932 ; 15 février 1935 ; 7 février 1936 ; 13 juillet 1942. — Site Filae. — Propos recueillis auprès de Michèle Cesaraccio et de Mireille Chessa (février 2024). — [Sur Jean Cesaraccio] SHD Vincennes, GR 16 P 115255.
1ere version pour Le Maitron : 27 février 2022.
2e version : 2 février 2024.
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