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BELLEGUIC Emma [née LE GARREC Emma, Marguerite]

  • Renaud Poulain-Argiolas
  • 8 déc. 2023
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 juil.

Née le 22 septembre 1911 à Moëlan-sur-Mer (Finistère), morte le 3 avril 1980 à Port-de-Bouc (Bouches du Rhône), cultivatrice, manœuvre, ouvrière d'usine, artisane matelassière ; syndicaliste CGT, archiviste de son syndicat ; militante communiste de Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) puis de Port-de-Bouc, membre du comité de section de Port-de-Bouc ; membre de l’Union des Femmes françaises (UFF) ; une des animatrices de la solidarité des femmes avec les ouvriers lors du lock-out des Chantiers et Ateliers de Provence de 1949.


Port-de-Bouc, 1972. Campagne pour le non à l’élargissement de la CEE. Emma Belleguic est à droite, cheveux couverts. À droite, balai à la main : Sauveur Lartas ; au milieu, face à l'objectif et montrant l'affiche : Cathy Borios [photo fournie par Cathy Borios]
Port-de-Bouc, 1972. Campagne pour le non à l’élargissement de la CEE. Emma Belleguic est à droite, cheveux couverts. À droite, balai à la main : Sauveur Lartas ; au milieu, face à l'objectif et montrant l'affiche : Cathy Borios [photo fournie par Cathy Borios]

Emma Le Garrec vint au monde à Kerglouanou, hameau du Finistère rattaché à Moëlan-sur-Mer. Elle était la fille de Louis Le Garrec, né à Kerglouanou, qui fut cultivateur et marin-pêcheur. Celui-ci avait des idées progressistes – sa fille le disait "républicain" – allant jusqu’à nommer "Communiste"  un cheval à robe rouge qui lui appartenait. La mère d’Emma, Marie Hélène née Péron, native de Moëlan, était cultivatrice et accoucha de douze enfants (cinq garçons et sept filles) dont trois moururent en bas âge. Parmi ceux qui atteignirent l’âge adulte, Emma fut la troisième enfant du foyer.


Elle reçut un enseignement primaire. Ses parents possédant un peu de terre, elle travailla d’abord avec eux avant d’entrer à l’adolescence en apprentissage chez un tapissier de Quimperlé. En juin 1932, elle épousa Joseph Belleguic. Elle déménagea avec lui dans le sud de la France, à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) lorsqu’il fut embauché aux Chantiers et Ateliers de Provence (CAP). Après la mort de leur père en 1934, Emma convainquit sa jeune sœur Marie de la suivre dans le Midi. Les deux femmes restèrent toujours très liées.


Emma Belleguic exerça différents métiers. Elle détaillera un peu son parcours en 1947 dans un questionnaire biographique qu’elle remplira pour le Parti communiste. En 1936, elle adhéra à la CGT. Elle n’était alors que sympathisante communiste. Elle travaillait dans une entreprise qu’elle ne nomme pas, où elle participa à la grève du 30 novembre 1938 pour défendre la semaine de 40 heures, conquête du Front populaire menacée par le gouvernement Daladier. Pour cette raison, elle fut licenciée et assignée en justice pour entrave à la liberté du travail.



Vue générale de l'usine Verminck de Croix-Sainte (carte postale ancienne)
Vue générale de l'usine Verminck de Croix-Sainte (carte postale ancienne)

En juin 1941, Joseph Belleguic fut visé par une procédure d’internement administratif, motivée par ses opinions communistes, au camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux (Haute-Vienne). Sa femme adressa une requête aux autorités pour le faire libérer. Emma Belleguic fit donc l’objet d’une correspondance – à partir de janvier 1942 – entre le commissaire de police de Port-de-Bouc, le préfet des Bouches-du-Rhône et le sous-préfet d’Aix. À leurs yeux, elle était comme son époux une « communiste notoire » et avait une mauvaise moralité « tant au point de vue national qu’au point de vue politique. » Elle était domiciliée aux HBM (Habitations à bon marché) n°115 à Port-de-Bouc et travaillait, ainsi que sa sœur Marie, aux Établissements Verminck de Croix-Sainte (dans la ville voisine de Martigues). Emma était manœuvre et Marie travailla un temps à la « machine à couper les bras », comme l’appelaient les ouvriers de l’usine. L’huilerie-savonnerie comptait six presses de ce type, composées notamment d’un boîtier dans lequel on mettait les pains de savon pour y graver l’inscription "72% d’huile" et d’un plateau qui glissait au-dessous. Ceux qui avaient l’imprudence de ne pas lever le bras en utilisant la machine perdaient un membre. Les accidents étaient assez fréquents.


Le logement d’Emma Belleguic fut perquisitionné à trois reprises durant l’Occupation. En juillet 1942, elle distribua des tracts communistes avec François Callejon, l’année suivante avec Conchita Chauvet. De mémoire familiale, elle diffusa également des tracts de la Défense passive, criant dans la rue aux habitants d’éteindre les lumières de leurs appartements pour éviter d’être bombardés. Chez Verminck, le toit de l’usine fut repeint en bleu, un camouflage supposé éviter à l’usine d’être bombardée.


Le 16 juin 1944, Emma Belleguic quitta Port-de-Bouc pour Nantes afin de rejoindre son mari. Libéré du camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) le 15 mai, Joseph avait été placé en résidence forcée à Nantes. Jusqu’au mois d’août elle resta bloquée dans la ville soumise aux bombardements. En août 1944, elle adhérait au Parti communiste. Elle fut responsable d’une cellule locale dans la section de Nantes centre. Le secrétaire de la section, Paul Rauet (ou Rouet) lui demanda de travailler avec l’état-major départemental des FFI. À partir du 21 août, elle côtoya par conséquent Jacques Chombart de Lauwe dit "colonel Félix", François Kresser-Desporte dit "colonel Kinley" et le colonel Chomel, responsables successifs des Forces françaises de l’Intérieur du secteur.


Après la guerre, Emma Belleguic reprit son travail aux Établissements Verminck Luzatti « corps gras » en tant qu’ouvrière. En février 1945, elle s’engagea à l’Union des Femmes françaises (UFF). En avril de l’année d’après, elle suivit les cours d’une école fédérale du PCF. Elle remplit un questionaire autobiographique pour le parti en juin 1947. Elle y mentionnait qu’elle était délégué ouvrier et avait été précédemment archiviste au sein de la CGT. Selon sa sœur Marie, elle aurait été secrétaire du syndicat de Verminck. Ce qui est sûr, c’est qu’elle était membre de la cellule communiste de son entreprise, responsable de la commission politique du comité de section et responsable aux femmes. De plus, elle était membre du Comité de diffusion de l’Humanité (CDH). Charles Chapuis, membre de la commission des cadres, commenta de manière acide son questionnaire biographique : « Cette camarade paraît avoir une intuition de classe beaucoup plus qu’une éducation politique. Il ne semble pas qu’elle ait beaucoup gagné à l’École fédérale. » Concluant que la branche propagande serait le secteur du parti qui conviendrait le mieux à la militante, il précisait : « agitatrice des organisations de femmes ou syndicat ».


En 1949, la direction des CAP décida le lock-out de l’entreprise pour briser en son sein l’influence du Syndicat des Métaux. Joseph Belleguic, en plus de faire partie des ouvriers lock-outés, avait contribué à faire grandir la puissance du syndicat avant la guerre. Emma Bellaguic se fit remarquer parmi les femmes les plus actives dans la solidarité avec les ouvriers des chantiers. Elles menèrent des actions spectaculaires pour mobiliser la population du département une "marche de la faim" jusqu’à Marseille, faisaient une "conduite de Grenoble" deux fois par jour pour harceler le directeur (de la gare où il arrivait en train jusqu’à l’entrée du chantier naval), réalisaient des collectes d’argent et de nourriture, organisaient des soupes populaires...


Emma Belleguic vers la fin de sa vie [photo extraite de Pentagone, mon quartier au cœur]
Emma Belleguic vers la fin de sa vie [photo extraite de Pentagone, mon quartier au cœur]

Plus tard, elle travailla à son compte comme matelassière. Une de ses voisines lui avait appris les bases du métier. Elle menait cette activité tantôt depuis son atelier, installé dans un garage du quartier Tassy, tantôt à façon chez les clients, chez qui elle se rendait avec sa fourgonnette Juvaquatre. Responsable de sa cellule, elle prit part à la campagne contre l'élargissement de la CEE menée par les communistes en 1972.


Emma Belleguic mourut à soixante-huit ans à son domicile du 115 rue Robespierre, dans le quartier Tassy. La municipalité lui rendit hommage en donnant son nom à une rue adjacente.

Elle est enterrée avec son mari au cimetière communal de Port-de-Bouc.


Sources : Arch. de la fédération communiste des Bouches-du-Rhône, biographie, 1 AU 0041. Jean Domenichino, Une ville en chantiers : La construction navale à Port-de-Bouc, 1900-1966, Edisud, 1989. — Jo Ros et le collectif Mémoire-Pentagone, Pentagone, mon quartier au cœur, Alan Sutton, 2003, p. 61 [photographie]. — Site Généanet, Arbre généalogique de Francis Louis Le Garrec. — Propos recueillis auprès de Francis Le Garrec (neveu de l’intéressée) et de Marie Curtet (sa sœur) en 2020.


1ere version pour Le Maitron : 26 octobre 2021.

2e version : 22 juillet 2025.


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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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