BAUDET Gérard, Pierre
- Renaud Poulain-Argiolas
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 10 heures
Né le 19 février 1954 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), mort le 5 juin 1996 à Port-de-Bouc ; soudeur puis docker ; syndicaliste CGT, responsable du syndicat des dockers du golfe de Fos-sur-Mer, membre de la commission exécutive de l’Union locale CGT de Port-de-Bouc ; militant communiste, secrétaire de la section communiste de Port-de-Bouc (1984-1996), membre du comité fédéral (1987-1996) et du bureau fédéral (1990-1994) du PCF des Bouches-du-Rhône ; conseiller municipal de Port-de-Bouc (1983-1996).
![Gérard Baudet [Portrait publié dans Port d'attache]](https://static.wixstatic.com/media/080998_6deaf8164ad240c39ac08c21bdbe5d8c~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_1165,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/080998_6deaf8164ad240c39ac08c21bdbe5d8c~mv2.jpg)
Gérard Baudet grandit à Port-de-Bouc rue Jean Bart, dans le quartier de La Lèque. Il avait un frère cadet prénommé Jacques. Port d’attache, le magazine de Port-de-Bouc, lui consacra un article de deux pages peu de temps après sa disparition. Enfant, c’était un casse-cou : il manqua de se noyer en tombant dans la mer lorsqu’il avait quatre ans et se blessait fréquemment. Sa scolarité fut assez courte. Il aimait d’ailleurs dire avec humour qu’il avait « le bac moins cinq », ce qui n’enlevait rien à la grande intelligence sociale que lui trouvaient ses proches. Il était peu bavard, mais féru de livres et de musique.
Soudeur en 1978 pour l’entreprise GERMI à Fos-sur-Mer, il s’engagea sur le plan syndical à l’occasion d’un mouvement social. Il fut remarqué par le journal l’Humanité qui vint l’interroger. Robert Cadière, secrétaire de la section syndicale, le fit adhérer à la CGT ainsi qu’au Parti communiste. En 1983, Gérard Baudet devint docker et rapidement membre du bureau du syndicat CGT des dockers du golfe de Fos. Passionné par son métier, il se montra doué des qualités d’un organisateur et s’investit dans la cellule communiste d’entreprise. La même année, il était candidat sur la liste menée par René Rieubon aux élections municipales prévues en mars à Port-de-Bouc. Élu conseiller au sein de la majorité, il sera réélu en 1989 et en 1995.
En 1984, Gérard Baudet accéda – le jour de ses trente ans – à la fonction de premier secrétaire de la section communiste de Port-de-Bouc. Il succédait à Raymond Mateu, avec qui il forma un binôme militant et fraternel. D’après ce dernier, il fut un animateur efficace, présent sur le terrain pour défendre les plus défavorisés, notamment en luttant contre les expulsions. De plus, il aurait facilité l’accès des femmes et des jeunes aux postes à responsabilités, au sein du Parti communiste comme au niveau électif.
![Gérard Baudet et Raymond Mateu, collectant de l'argent pour le retour des militants de Port-de-Bouc. Manifestation pour la Paix, Vincennes [Arch. Fédération PCF des Bouches-du-Rhône]](https://static.wixstatic.com/media/080998_ce00261c2f4949d9810d5a9f6209962a~mv2.jpg/v1/fill/w_980,h_791,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/080998_ce00261c2f4949d9810d5a9f6209962a~mv2.jpg)
En mars 1985, il prit part à la campagne de Jacques Perrot, conseiller général sortant dans le canton d’Arles, qui réussit à conserver son siège face au PS, à la droite et au FN, au terme d’une bataille électorale marquée par la violence physique. Entre 1983 et 1986, il participa à la manifestation pour la Paix et le désarmement nucléaire à Vincennes à l’initiative de l’Appel des Cent. En 1987, il entra au comité fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône. Il verra son mandat renouvelé en 1990 et en 1994. En 1988, il mena campagne pour Paul Lombard, maire communiste de Martigues et candidat aux législatives de juin dans la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône. Celui-ci en sortit vainqueur. De 1990 à 1994. Baudet était membre du bureau fédéral du PCF des Bouches-du-Rhône.
À la fin de l’année 1991, Jean-Yves Le Drian, secrétaire d’État socialiste à la Mer du gouvernement Cresson, présenta une réforme de la manutention portuaire qui remettait en cause le statut des dockers instauré en 1947. Depuis cette époque, les travailleurs des docks bénéficiaient d’un statut d’ouvriers professionnels intermittents journaliers, doté d’un régime spécial de Sécurité sociale. Leurs périodes de "chômage" étaient jugées normales, propres au métier et faisaient l’objet d’une compensation financière. Dépendants du port, les dockers étaient rattachés à un bureau central de la main-d’œuvre (BCMO) où ils devaient pointer tous les jours. En contrepartie, le bureau leur garantissait de trouver rapidement du travail, car ils avaient un monopole sur le chargement et le déchargement des bateaux. Le projet d’inspiration libérale de Le Drian visait à supprimer le régime d’intermittence des dockers pour les faire mensualiser par des entreprises privées de manutention (dans l’idée de concurrencer les ports d’Anvers et de Rotterdam). Début 1992, grèves et arrêts de travail se multipliaient contre une loi qui allait générer précarité et pertes d’emplois. L’appel de la Fédération nationale CGT des Ports et docks fut particulièrement suivi à Dunkerque (Nord), Le Havre (Seine-Maritime) et sur le golfe de Fos. Port-de-Bouc était un épicentre de la contestation, avec parmi les meneurs Gérard Baudet et Alain Dini, secrétaire général du syndicat des dockers du golfe de Fos. Grâce aux mobilisations, l’emploi reprit – au moins pour un temps – dans la seconde moitié des années 1990, sur le golfe de Fos comme au Havre.
![Visite du sénateur communiste Louis Minetti à Port-de-Bouc. Foyer Véran Guigue, vers 1994. Assis de gauche à droite : Raymond Mateu, Gérard Baudet, Patricia Pédinielli [institutrice qui avait reçu le sénateur pour mener un atelier citoyen dans sa classe], René Giorgetti (1er adjoint au maire) et Louis Minetti [photo fournie par Raymond Mateu]](https://static.wixstatic.com/media/080998_1d5566d5db9e4608b35fa05ca4d27d74~mv2.jpeg/v1/fill/w_980,h_677,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/080998_1d5566d5db9e4608b35fa05ca4d27d74~mv2.jpeg)
En mars 1993, Paul Lombard ayant perdu son siège de député au profit d’Olivier Darrason (UDF), Gérard Baudet organisa dès le résultat du scrutin une mobilisation pour dénoncer la politique antisociale défendue par le nouvel élu dans la ligne du nouveau Premier ministre Édouard Balladur. En vue des élections cantonales de mars 1994, il participa à la campagne du canton d’Istres-Nord, où Georges Thorrand affrontait le conseiller général sortant Louis Francioli (PR, Parti républicain – devenu Démocratie libérale). Le communiste l’emporta. L’année d’après, Baudet s’investit dans la campagne des municipales de Miramas. Elle se solda en juin 1995 par une nouvelle victoire de Thorrand, à la tête d’une liste d’union de la gauche, qui reprenait la mairie à Georges Carlin (CDS-UDF). André Lajoinie, membre du bureau politique du PCF, se serait réjoui de cette "première, où une ville était reprise par le candidat communiste qui l’avait perdue précédemment.
Gérard Baudet était aussi membre de la commission exécutive de l’Union locale CGT de Port-de-Bouc. Il fut emporté par une crise cardiaque à quarante-deux ans, cinq ans après une opération du cœur. Personnalité aimée à Port-de-Bouc, ses obsèques attirèrent une foule très nombreuse. Il était marié et père de deux enfants. Le maire Michel Vaxès fit un discours pour lui rendre hommage.
La municipalité donna son nom à une avenue. Le PCF de la commune rebaptisa également à son nom le siège de sa section. Quant au syndicat CGT des dockers, il fit une stèle à sa mémoire à Port-de-Bouc, entre l’avenue Gérard Baudet et le quai de la Liberté, pour rappeler l’importance du rôle qu’il avait joué dans les luttes locales. Enfin, la fédération communiste des Bouches-du-Rhône nomma « salle Gérard Baudet » la salle de réunion du comité fédéral en septembre 1997.
Lorsque Jacques Chirac dissolut l’Assemblée nationale en avril 1997, le PCF dut repartir à la conquête de la circonscription. Les conditions de la victoire de Michel Vaxès sur le député sortant Olivier Darrason (UDF) auraient largement été mises en place à partir de 1993 grâce au travail accompli par Gérard Baudet.
Le 1er mars 2017, un rassemblement eut lieu à Port-de-Bouc quelques jours après un acte de vandalisme commis à la peinture sur sa stèle. Il donna lieu à des prises de paroles, dont celles de Pierre Dharréville, secrétaire départemental du PCF, Jean-Marc Fourneyron, secrétaire de la section de Port-de-Bouc, Olivier Mateu, secrétaire général de l’Union départementale CGT, Christophe Claret, secrétaire de l’Union locale CGT. Cette dégradation faisait suite à celle de la stèle dédiée à Missak Manouchian à Marseille et aux attaques perpétrées à Aix-en-Provence par des groupuscules d’extrême-droite contre des militants communistes. Les intervenants rappelèrent les valeurs ouvrières de fraternité et de solidarité que portait la commune à travers son histoire.
Sources : Arch. mun. Port-de-Bouc (municipalités de Port-de-Bouc). — Arch. Fédération PCF des Bouches-du-Rhône, 1 AV 1288 (Mateu Raymond). — Nicole Chayne, « Gérard Baudet, un ami estimé de tous, nous a quitté », Port d’attache, magazine de Port-de-Bouc, juillet-août 1996. — Nathalie Pioch, « Port-de-bouc : Une réponse digne à la provocation », La Marseillaise, 2 mars 2017 (en ligne). — Collectif, Communistes dans les Bouches-du-Rhône, 1920-2020 : Un siècle au service des luttes et du bien commun, Fédération PCF des Bouches-du-Rhône / Association Former Transformer Partager, 2020, 428 p. — Site Match ID, Acte n°58, Source INSEE : fichier 1996, ligne n°256226. — Propos recueillis auprès de Raymond Mateu (juillet 2025).
Version au 17 juillet 2025.
Merci à toi, Renaud. Mon père était un homme simple, dans sa façon d’être, mais profondément attaché à ses valeurs. Il ne supportait pas l’injustice, sous aucune de ses formes, et il s’efforçait toujours de défendre ce qu’il estimait juste. Sa présence était constante, engagée, partout où il pensait pouvoir être utile. Il donnait de son temps sans compter, avec conviction.