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Renaud Poulain-Argiolas

TESSÉ Yvonne [née GUISTINO Yvonne, Jeanne, Germaine, épouse TESSÉ]

Dernière mise à jour : 19 avr.

Née le 20 août 1912 à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône), morte le 22 février 1991 à Martigues (Bouches-du-Rhône) ; sympathisante communiste ; femme de ménage puis aide maternelle ; résistante des Francs-Tireurs et Partisans français.



Yvonne Tessé [Collection privée famille Fouque-Tessé]

Les parents d’Yvonne Guistino étaient Antonio di Giustino, né à Acciano (province de L'Aquila) dans la région des Abruzzes (Italie), et Giovina Ferrante, qui allait mourir prématurément. Antonio di Giustino avait été embauché sur le chantier du tunnel maritime du Rove, qui avait débuté en 1911 et dura jusque dans les années 1920. La famille était domiciliée à Martigues dans le quartier de la Roche percée. Par la suite, le père travailla comme marchand forain. Il se remaria en septembre 1939 avec Maria Quiso, originaire de Turin, sa cadette de vingt-trois ans, avec qui il vécut boulevard du 14 Juillet. Il était alors mécanicien. Probablement du fait d’erreurs administratives répétées, le patronyme Di Giustino se transforme en "di Guistino" sur certains documents puis finalement en "Guistino" concernant Yvonne.


Yvonne Guistino était la compagne de Maurice Tessé, avec qui elle eut deux filles : Liliane en juillet 1935 et Renée en juillet 1937. Après le licenciement de son mari des raffineries de La Mède (commune de Chateauneuf-les-Martigues) pour sa participation aux grèves de novembre 1938 défendant la semaine de 40 heures, le foyer plongea dans la précarité matérielle. Sans avoir la certitude qu’Yvonne Tessé ait été membre du Parti communiste, on constate qu'elle suivit les combats politiques de son mari. Ses contacts réguliers avec des résistants du Front national et son engagement personnel laissent peu de doute sur le fait qu'elle fut bien plus qu’une simple sympathisante. En juin 1941, les Tessé eurent des jumelles, Annie et Jeanine, nées à Salon-de-Provence.


À la demande du préfet des Bouches-du-Rhône, Maurice Tessé fut interné au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn) le 12 octobre 1941. Yvonne lui rendit visite à plusieurs reprises avec leurs deux filles aînées. Lors d’un trajet retour, elle accepta de convoyer jusqu’à Marseille deux fillettes d’une famille juive après le début des persécutions menées par le gouvernement de Vichy contre les juifs. Durant l'année 1942, Yvonne perdit une de leurs jumelles encore bébé le 14 avril, elle épousa Maurice le 21 avril à Martigues (avait-il obtenu une autorisation pour rentrer chez lui se marier ?) avant de perdre leur seconde jumelle au mois de juillet. Le 1er décembre 1942, Tessé s’évada de Saint-Sulpice. La famille quitta son domicile du 4 quai de Rive Neuve pour s'installer dans une ferme à proximité de sa planque. Il s’était réfugié dans un cabanon appartenant à sa famille, à Saint-Pierre, près de la maison de son père, dans le quartier de la Gatasse. C’est Liliane, âgée de sept ans, qui lui apportait des provisions.


En février 1943, Yvonne Tessé reçut une lettre du camp de Saint-Sulpice qui annonçait tardivement l’évasion de son mari. Le même mois, ce dernier constitua officiellement à Saint-Pierre, avec les trois frères Arnaud et leurs deux beaux-frères, le groupe des Francs-Tireurs et Partisans français de Martigues. Yvonne en fit partie en tant que courrier sous le matricule 52.152. Elle assura des missions de ravitaillement et quelquefois de transports d’armes et de munitions. Suite à l’entrée en guerre de l’Italie contre l’Allemagne, en octobre 1943, les soldats italiens furent envoyés en Allemagne au titre du travail obligatoire. Plusieurs d’entre eux furent cachés par la famille Arnaud et par Yvonne Tessé, dont deux dans le cabanon de la Gatasse. Elle alla les ravitailler jusqu'à la fin de la guerre. Dans une lettre écrite plusieurs décennies après, elle mentionnait en outre un déserteur allemand.


Elle vendit progressivement son mobilier, ne gardant qu’une table et un matelas pour pouvoir continuer à apporter des provisions aux quatre hommes et nourrir ses enfants. Tessé eut toutefois beaucoup de chance, car sa présence suscita essentiellement de la bienveillance de la part des habitants. Un gendarme, par exemple, prévenait Yvonne des perquisitions, tandis qu'Alex, un antifasciste allemand devenu leur ami, les informait des mouvements de l'armée occupante.

En plus des groupes de trois résistants reliés à Paul-Baptistin Lombard, celui d'une douzaine de membres mené par Maurice Tessé était le fer de lance de l'action armée. Autour d'eux, il y avait également des personnes de confiance, sollicitées pour distribuer des tracts, cacher des armes ou pour des coups de main ponctuels. Sortant du travail de propagande et de recrutement, leur groupe passa à l'action directe à partir du début de l'année 1944. En quelques mois, ils endommagèrent un nombre important de trains, de voies de chemin de fer et de dépôts.


Après les morts brutales de son mari et de Marius Arnaud entre les mains des Allemands en août 1944, Yvonne Tessé poursuivit son action dans la résistance communiste avec les frères Arnaud. Elle dût faire un nouveau deuil : celui de Guy, leur dernier enfant, né en décembre 1943, qui mourut en juin 1945 à cause d’une malformation cardiaque.

Durant toute la guerre, elle avait gardé cachée une liste qui répertoriait les noms des FTP de leur groupe, leurs pseudonymes, numéros de matricule, dates et lieux de naissance, professions et dates de recrutement. D’après l’historien Jacky Rabatel, l’exactitude de ces données fut confirmée par des témoignages.


Carte d'Yvonne Tessé de l'Association Nationale des Familles de Fusillés et de Massacrés [Collection privée famille Fouque-Tessé]

Après la guerre, elle fut femme de ménage, puis aide maternelle à l’école Aupècle, où enseignera plus tard sa fille Renée. Elle y côtoya une autre veuve de guerre, Joséphine Barthélémy, femme de Joseph Barthélémy, résistant martégal fusillé par les Allemands, qui était concierge du groupe scolaire.

En janvier 1946, le Tribunal civil d'Aix-en-Provence décida de l'adoption par la nation de Liliane et Renée Tessé, les deux enfants du couple qui avaient survécu à l’Occupation.


Dépôt de gerbe de la famille à la stèle d'hommage à Maurice Tessé [Collection privée famille Fouque-Tessé]

Le 9 mars 1947, une stèle fut posée à Miramas à l’initiative des anciens FTP de Martigues, à l’endroit où Tessé avait été blessé par les gendarmes. Quelques mois plus tard, pour rendre hommage à une grande figure locale de la Résistance, la mairie de Martigues rebaptisa le quai de Rive Neuve "quai Maurice Tessé".


Un diplôme des FTPF fut décerné à Yvonne Tessé le 4 octobre 1946 en qualité de "FFI renseignement et aide". Il était signé par Charles Tillon et par Maurice Kriegel-Valrimont (parmi plusieurs noms de commissaires). La Commission départementale de la subdivision militaire des Bouches-du-Rhône lui délivra un Certificat d'appartenance aux FFI le 15 octobre 1946. Elle fut décorée de la médaille commémorative de la Guerre 1939-1945 par le comité départemental des Bouches-du-Rhône datée du 14 septembre 1948, signée par le Président de l'Association nationale des Anciens FTP-Corps Francs de Libération-FFI (nom illisible) et du Commandant Callas, commandant militaire départemental des FTP.


Yvonne Tessé [cimetière de Canto-Perdrix, Martigues]

Yvonne Tessé reçut une indemnité en tant que veuve d’interné. Trente-quatre ans après la mort de son mari, elle écrivit dans une lettre que son tombeau était enfin terminé, signe probable de la pauvreté dans laquelle elle vivait. À la fin de sa vie, elle était domiciliée parc Audibert, dans le quartier du Grès, bâtiment F, à Martigues. Elle est enterrée aux côtés de son mari au cimetière de Canto-Perdrix.



Sources : État civil de Martigues, Acte de décès n°80, copie intégrale certifiée conforme le 27 décembre 2023. — Archives Argiolas. — Archives famille Fouque-Tessé. — Jacky Rabatel, Une ville du Midi sous l'Occupation : Martigues, 1939-1945, Centre de Développement Artistique et Culturel, 1986. — Cimetière de Canto-Perdrix, Martigues. — Site Filae. — Site Généanet, arbre généalogique de Jacques Bully. — Notes de Nicolas Balique.


1ere version pour Le Maitron : 19 novembre 2021.

2e version : 1er avril 2024.


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Passionné d'histoire, j'ai collaboré pendant plusieurs années au Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier - mouvement social.

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