PARÉDES Jean
Né le 13 janvier 1925 à Martigues (Bouches-du-Rhône), mort le 21 mai 2004 à Martigues ; cuisinier ; sympathisant communiste ; résistant ; déporté.
Jeune ouvrier en 1943, il participa à une grève visant l’occupant allemand et fut visé par la répression qui suivit. Le 17 avril 1943, une grève éclata dans une entreprise française construisant des blockhaus sur la côte pour le compte de l’organisation Todt. Cette dernière était chargée de construire un rempart bétonné sur la frontière occidentale du Reich. La direction de l’entreprise française, qui payait plutôt bien, annonça le 1er avril que le salaire journalier serait dorénavant calculé sur 9 heures et plus sur 10. L’ingénieur allemand supervisant les travaux accepta dans un premier temps de recevoir une délégation ouvrière venue lui demander de ne pas modifier les salaires. Pourtant le directeur confirma sa décision le 16 avril, avec effet rétroactif à compter du 1er avril. Le lendemain matin, les 150 ouvriers de l’entreprise (dont une partie venaient de Marseille) protestèrent en refusant de monter dans les camions devant les conduire de l’église de Jonquières aux chantiers de la côte. Deux ouvriers de Marseille, Marcel Sevira et Joseph Paden, se rendirent en délégation chez le directeur. Il leur fut répondu que s’ils ne reprenaient pas le travail, on les ferait arrêter par la police ou les Allemands. Une vingtaine d’ouvriers dont Sévira montèrent alors dans les camions pour reprendre le travail. Les autres se dispersèrent en ville. A 14h, deux inspecteurs du commissariat interpellèrent quatre ouvriers, suspectés d’être des meneurs, dont Joseph Paden, Reynaud Felly (de Marseille) et Gaston Setre (de Martigues), pour les interroger sur les motifs de cette grève. Ils firent état de la question des 9 heures et dénoncèrent l’inconsistance de la soupe de qu’on leur faisait payer 12 francs pour le déjeuner. Le commissaire leur répondit "qu’en l’état actuel des choses, il n’était nullement indiqué de faire grève sur un chantier placé sous le contrôle des Allemands" et leur recommanda de reprendre le travail. Vers 17h, un commissaire des Renseignements généraux et l’inspecteur départemental du travail arrivèrent de Marseille. Des policiers de la Gestapo en civil les rejoignirent dans le bureau du directeur, faisant savoir qu’ils voulaient interroger une quinzaine d’ouvriers dont ils avaient la liste. Pour ce faire, ils demandaient aux agents de police de les aider à les rechercher.
Deux rapports officiels divergent alors sur la suite des événements. Celui du commissaire de police ne permet pas de déterminer si ses collègues obéirent à la Gestapo. Il mentionne qu’une heure plus tard, huit ouvriers furent appréhendés par la Gestapo, au nombre desquels Jean Parédes, jeune ouvrier de dix-huit, et Gaston Setre. Les six autres étaient des réfugiés du Nord de la France qui vivaient à l’Hôtel du Canal. Jean Parédes raconta que la police de Martigues l’arrêta en ville. En revanche, le rapport du commissaire des Renseignements généraux affirme quant à lui qu’avant l’arrestation des huit, le directeur de l’entreprise avait remit au commissaire de police les noms de "cinq individus susceptibles de créer des perturbations au sein de l’entreprise", mais qu’au moment de l’arrestation des huit, les Allemands se comportèrent "d’une façon hâtive et imprévue" n’arrêtant que deux ouvriers des cinq ouvriers signalés, Jean Parédes et Gaston Setre, les autres n’étant pas sur les lieux. Il ajoute que des ouvriers rassemblés dans un café subirent un contrôle, au terme duquel huit d’entre eux durent monter dans un camion bâché de la police allemande, dans lequel se trouvaient deux soldats armés. La revendication concernant le salaire et la soupe est moins sujette à interprétations. Elle avait une motivation politique. Jean Parédes témoigna du fait que les cinq ouvriers du Nord avaient fui la répression en venant à Martigues et qu’ils sabotaient les ouvrages militaires qu’ils construisaient. De plus, sur les cinq nommés par le directeur, deux des trois qui échappèrent à l’arrestation furent des FTP : François Ivars et M. Donaruma.
Une enquête fut ouverte ultérieurement par la section des affaires politiques de la police mobile de Marseille. On y rapporta que les ouvriers du chantier étaient connus pour "leur mauvais esprit et leur tendance à toujours réclamer" et que trois Marseillais, Marcel Sevira, Joseph Paden et Reynaud Felly, vus comme des meneurs, furent visés par des sanctions administratives. Le 20 avril, le travail reprenait, dans un climat assez ambivalent, car les autorités allemandes avaient demandé à l’entreprise de continuer à payer 10 heures pour huit heures de travail effectué. Le commissaire de police reçut une demande du directeur de l’entreprise pour l’aider faire libérer les huit ouvriers arrêtés. Dans ses recherches, Jacky Rabatel précise qu’ils furent cependant tous déportés à Buchenwald et à Dora et qu’il ignore si les sept autres revinrent de déportation. Fin avril, les trois meneurs signalés par la police vichyste furent arrêtés, puis internés au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn). Reynaud Felly y resta cinq mois.
Les documents de l’administration nazie concernant Jean Parédes révèlent qu’un "ordre d’arrestation par mesure de précaution" fut donné contre lui par la Gestapo de Marseille le 17 avril 1943. Le motif évoqué était : "Arbeitverweigerung", refus de travailler. Il serait passé par le camp de Compiègne-Royallieu avant d’être déporté à Buchenwald, très probablement avec le convoi du 25 juin 1943. Ce convoi, rassemblant 999 prisonniers arrêtés pour des raisons diverses (refus du STO, activités anti-allemandes ou tentatives de passage de la frontière espagnole), fut le premier allant de Compiègne à Buchenwald. Arrivés à Weimar deux jours plus tard, les hommes furent affectés à différents Kommandos. Plusieurs centaines d’entre eux furent envoyés dans le Nord de L’Allemagne, à l’usine de Peenemünde, pour remplacer la main d’œuvre allemande partie au front de l’Est et fabriquer des fusées de type A4 (futures V2). Son enregistrement à Buchenwald mentionne qu’il était cuisinier, que son père, Jean Parédès, habitait rue des Rayettes (orthographié parfois "Raillette" ou "Doriette") à Martigues, qu’il était considéré comme prisonnier politique (bien que n’appartenant à aucune organisation) et que le matricule KL 14171 lui était attribué. Malgré ses transferts successifs, il conserva le même numéro. Ses possessions tenaient à une paire de chaussures, un veston, un pantalon, un pull-over et une chemise. Il semble que son enregistrement fut pour le moins expédié car une grande partie des champs listés habituellement par les nazis ne sont pas remplis sur ses documents, ou alors de manière bâclée (on lui donna par exemple dix ans de plus).
On sait qu’il fut affecté assez vite au camp de concentration de Dora, où les SS avaient décidé d’implanter une usine dans un tunnel. Sur le chantier du Tunnel, Parédès retrouva Jean Di Domenico, autre résistant martégal, qui fournissait précédemment de faux papiers aux réfractaires pour le compte du PCF. Les déportés travaillaient là en deux équipes de douze heures, logés dans des galeries du Tunnel dans des conditions effroyables. Ils sortaient rarement à l’air libre et la mortalité était extrêmement élevée. Au printemps 1944, le général SS Hans Kammler, qui avait dirigé avec une brutale efficacité les travaux de Dora, fut investi de la responsabilité d’enterrer la production aéronautique allemande en utilisant la main-d’œuvre concentrationnaire. L’objectif était que l’industrie nazie échappât aux bombardements britanniques. Entre mai et septembre, des milliers de détenus furent envoyés à Ellrich, nouveau camp créé de part et d’autre du Tunnel de Dora. Parédes fut affecté à ce Kommando, composé de bâtiments abandonnés d’une usine et d’un terrain en friche.Quelques temps plus tard, on le transféra au camp de Bergen-Belsen. Quand les Anglais libérèrent le camp le 15 avril 1945, il ne pesait plus que trente kilos.
On ignore ce que Jean Parédes devint après sa déportation.
Le site Mémoire des Hommes le répertorie comme ayant appartenu à la résistance intérieure française en tant qu’individu isolé. Une cote lui est consacrée au Service historique de la Défense de Vincennes (GR 16 P 457634). Le site fait également mention d’un autre Jean Parédes, lui aussi lié à Martigues. Toutefois, ce dernier naquit en 1917 à Marseille. Il fut reconnu comme FFI, membre de la Résistance intérieure française et du mouvement Front national. Une autre cote des archives du Service historique de la Défense de Vincennes contient des informations sur lui (GR 16 P 457633).
Sources : SHD Vincennes, GR 16 P 457634 (nc). — Jacky Rabatel, Une ville du Midi sous l’occupation : Martigues, 1939-1945, Centre de Développement Artistique et Culturel, 1986 (pp. 189, 225-226). — Livre-Mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation. — Site du Mémorial de l’internement et de la déportation du Camp de Royallieu. — Archives Arolsen. — Site de l’Association Française Buchenwald Dora et Kommandos. — Site Filae.
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